Inceste : les hypocrites et les innocents

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  • Inceste : les hypocrites et les innocents - Délinquance, justice et autres questions de société
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    La solution d’en appeler à la répression infinie (l’imprescriptibilité) comme le demande certaines associations, ce qui est respectable car la douleur est infinie, est juridiquement monstrueux de confusion et inefficace.
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    Et surtout un peu de bon sens ne nuit pas : s’il y a entre 4 et 5 millions de victimes d’inceste, ce qui est en effet possible et probable (mais mérite plus qu’une étude par sondage), est-il pensable que ce sera la justice, même surarmée en moyens (on peut rêver…), sur-formée à la détection et à la sanction juste et efficace, qui va résoudre ce problème ? Car 4 millions de victimes suppose presqu’autant d’agresseurs : ne seraient-ils qu’1 million, que va-t-on faire ? Les associations et certains psy militants réclament des peines plus lourdes donc plus longues : imagine-t-on 1 million de procès fournissant 1 millions de prisonniers en France ? …. On les met où ? combien de personnes faut-il mobiliser pour les encadrer ? pour quoi faire et comment ?

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    Comme quoi il ne suffit pas d’une bonne loi pour faire changer la réalité. Les victimes – et l’auteur de ces lignes en a beaucoup rencontré dans sa carrière – ne se taisent pas sans raisons, même si ces raisons ne sont pas les « bonne raisons » au regard des donneurs de leçons

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    La résilience – puisque c’est le terme à la mode – ne se décrète pas, et ne vient pas l’injonction même des « psys » » : les victimes d’inceste ont été privées par leur agresseur de la liberté de construire leur développement au regard de leur propre besoin fondamental d’humanisation. Nous n’avons pas à leur imposer notre savoir et nos injonctions à « parler et se soigner » « parler cela fait du bien », « le procès c’est utile pour faire son deuil » (de sa vie ?), toutes ces tartes à la crème qui se transforment en boulets
    Les victimes ont besoin qu’on leur propose des lieux, des personnes ressources, des parcours judiciaires adaptés (nos procédures judiciaires ont été pensées pour des adultes pas pour des enfants) ouvertes, d’où l’on peut se retirer, quitte à revenir, sans être mal jugé ou disqualifié, car les innocents ont besoin avant tout de la liberté psychique dont les a privé leur agresseur, ce que ne permet pas les injonctions dont elles sont l’objet.
    Les victimes ont aussi le droit à la présomption d’innocence….
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    Oui une société peut cesser de faire silence et éduquer ses enfants à ne pas céder à « la confusion de langage entre l’adulte et l’enfant » (Ferenczi, 1932 !). La violence émotionnelle précède le passage à l’acte car l’abus d’amour peut être un crime moral et c’est par là que se construit le crime sexuel. [? pour ma part]

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    Hypocrite est notre société, ses dirigeant et ses « sachants » qui font semblant de découvrir l’ampleur de la question : soit ils masquent leur ignorance abyssale, soit ils savent très bien que si nous échouons à simplement parler de l’inceste c’est parce que nous ne savons que le sanctionner, peu, et sans efficacité. Mais ils n’iront pas pour autant donner quelques moyens que ce soit pour former correctement des professionnels qui sauront parler de cela aux enfants et aux familles. Ils n’auront pas le courage d’inclure enfin fermement, sans tenir compte des criailleries hypocrites et culs-bénis, l’éducation sexuelle et morale à l’école ce qu’on échoue à faire depuis la circulaire Fontanet de… 1975. L’école est le seul lieu où l’enfant va obligatoirement sans sa famille, c’est donc le seul lieu où, quand on vit dans une famille incestueuse, on peut entendre que ce n’est pas « normal » comme le croit bien des enfants victimes qui se taisent, et donc en parler. Ce n’est pas compliqué à comprendre et pour le coup il n’est pas utile de réunir une commission : il suffit de faire appliquer les textes sur l’éducation affective et sexuelle sans aucune dérogation possible, et sans langue de bois. Bien sur il faudrait former les enseignants etc. mais il vaut mieux compter sur la force de la parole que sur les effets d’un kit de formation. Les innocents ont besoin du respect, de leur silence quand il est silence, de leur parole quand elle est parole. Ils n’ont pas besoin d’être culpabilisés par les injonctions des psy, des autorités religieuses ou des politiques, quand ils disent n’avoir pas confiance en une justice démunie et débordée. Ils/elles savent que ce qui combat la déshumanisation qu’elles ont subi c’est leur humanité, c’est la vie, c’est la transmission par la prise de parole qui leur convient quand elle leur convient. Le système judiciaire peut y aider mais il ne vaut que ce que vaut la société et ses dirigeants, élu-e-s, haut-fonctionnaires, directeur/trices et président(e)s des organismes de formation. La surdité hypocrite vient d’en haut : pour ceux qui en doutaient quelques femmes courageuses viennent de dévoiler la conspiration des silences qui donne la victoire à l’Inceste.

    #inceste #enfance