• Sectes : rattachée au ministère de l’intérieur, la Miviludes reprend vie
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/03/10/sectes-rattachee-au-ministere-de-l-interieur-la-miviludes-reprend-vie_607254

    Délaissée par le gouvernement en début de quinquennat, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, réorganisée, va être dotée de moyens supplémentaires.

    On la disait mourante, sacrifiée à d’autres priorités, en premier lieu la lutte antiterroriste. Désormais placée sous la tutelle du ministère de l’intérieur, rattachée aux services de la ministre déléguée chargée de la citoyenneté Marlène Schiappa, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) va retrouver en 2021 une présidence, avec la nomination d’une magistrate, Hanène Romdhane – qui prendra ses fonctions en avril, après plus de deux années de vacance –, mais aussi avec des moyens supplémentaires.

    Instituée en 2002 et rattachée aux services du premier ministre, la Miviludes était née pour répondre à la série d’affaires ayant marqué les années 1980 et 1990 : Temple solaire, Mandarom, scientologie… De part sa dimension interministérielle, elle avait développé au fil des années un mode de fonctionnement transversal, allant de la prévention à la formation, en passant par le signalement et l’enquête. Mais, après 2015, la question des sectes a été délaissée, au profit essentiellement de la lutte antiterroriste et de la prévention de la radicalisation djihadiste.

    Au point que lorsqu’en octobre 2019, le gouvernement annonce le rattachement de la Miviludes au Comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), de nombreuses voix s’élèvent contre ce qui est vécu comme une « disparition », selon les mots de l’ancien député du Rhône et ancien président de la structure Georges Fenech.

    Durant deux ans, celle-ci est effectivement moribonde : son président, Serge Blisko, n’est pas remplacé après son départ en 2018. Les effectifs, déjà maigres, sont encore réduits. Enfin, à l’été 2020, la Miviludes déménage de ses locaux historiques, un mouvement mal vécu par l’équipe en place.

    Maillage d’associations locales
    Mais la « disparition » tant redoutée n’aura finalement pas lieu. La crise sanitaire, qui fait suite à celle des « gilets jaunes », a fait remonter les inquiétudes du pouvoir quant aux dérives complotistes et sectaires. « La crise est profonde, il y a une montée des tensions, des frustrations, des violences, et évidemment un lien entre dérives sectaires et désinformation », reconnaît-on dans l’entourage de Mme Schiappa. D’où ce regain d’intérêt pour la Miviludes, aux méthodes éprouvées et aux réseaux déjà bien en place.

    « On avait émis des réserves à l’époque, on craignait que cette réorganisation cache un désintérêt, reconnaît Pascale Duval, porte-parole de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victime de sectes (Unadfi), mais le message est clair : les associations restent au centre du dispositif ».

    • La crise sanitaire, qui fait suite à celle des « gilets jaunes », a fait remonter les inquiétudes du pouvoir quant aux dérives complotistes et sectaires

      ahhhh voilà ! donc miviludes version darmator, maintenant, c’est chasse aux vilains conspi gilets jaunes ?

      pour la mivilude elle même, plus que la dérive politique, c’est la santé publique qu’il faut protéger :

      hausse de 30 % sur les cinq dernières années. Un quart de ces signalements concerne des personnalités ou des organisations inconnues des services spécialisés jusque-là, signe d’un renouvellement des acteurs et des domaines touchés par les dérives sectaires. Celles-ci délaissent en effet souvent le terrain du spirituel pour investir celui des questions de santé ; il représente 40 % des signalements en 2019.

      https://seenthis.net/messages/905558

    • Le gouvernement a eu très peur des gilets jaunes et c’est une des raisons de sa violence en retour, mais aussi de son incapacité à agir sur le covid, car pour eux les GJ sont tous anti-vaccins-5G, pro-Raoult etc.

    • @mad_meg oui, plus la période est trouble, plus y a des escrocs ; au gouv aussi, probablement :-p

      @fil j’ai entendu parler de la très grande peur du gouv avec les GJ ; je suis preneur de sources fiables sur le sujet ; perso, plus ça va, plus j’ai l’impression que le gouv n’a pas eu spécialement peur, il a simplement réprimé les troubles à l’ordre public avec un peu plus de fermeté que d’habitude, en restant bien droit dans ses bottes de Ve république.

      Les ordres de Castaner sont tombés juste après l’acte III, soit la semaine du 3 au 8 décembre 2018.
      https://seenthis.net/messages/905493#message905675

  • Le renouveau des phénomènes sectaires à l’ombre de la pandémie
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/03/10/le-renouveau-des-phenomenes-sectaires-a-l-ombre-de-la-pandemie_6072543_3224.


    AUREL

    La crise sanitaire crée un climat propice à l’essor de nouveaux gourous, qui délaissent le spirituel au profit de la santé et du développement personnel, et auxquels Internet offre un nouveau terrain d’expression et de séduction.

    Des suicides collectifs du Temple solaire en Suisse et dans le Vercors, en passant par les Bouddhas géants du Mandarom à Castellane (Alpes-de-Hautes-Provence), les années 1990 et 2000 avaient fixé un imaginaire collectif des mouvements sectaires : des communautés physiques installées dans des lieux isolés, dans lesquelles des adeptes vivaient coupés du monde et sous l’emprise d’un gourou tout-puissant.

    Si le phénomène existe toujours, il se double aujourd’hui d’une autre dimension, dans l’espace virtuel du Web et des réseaux sociaux, et délaisse les questions spirituelles au profit de la santé et du développement personnel.

    Si les sectes n’ont jamais disparu, la problématique semblait moins prégnante ces dernières années, au point que les organismes chargés de la lutte contre le phénomène, en premier lieu la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), avaient progressivement vu leurs moyens réduits et réaffectés à la lutte contre le terrorisme. Mais la crise sanitaire a réactivé les dérives sectaires et ravivé les inquiétudes au sommet de l’Etat.

    Nommée en juillet 2020 ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, Marlène Schiappa en a fait un axe stratégique de son portefeuille, au même titre que le séparatisme. Elle a demandé à la fin d’août aux acteurs de la lutte contre le phénomène un rapport sur l’actualité de la menace sectaire. Remis en février, ce document fait le constat d’une modification des mécanismes et du fonctionnement de l’emprise sectaire, à la faveur notamment de la pandémie mondiale de Covid-19.

    Des communautés virtuelles « moins visibles »
    « On est dans un renouveau des pratiques, constate Pascale Duval, porte-parole de l’Union nationale des associations de défense des familles et des individus victimes de sectes (Unadfi). On a affaire à de microgroupes, des communautés virtuelles, qui sont bien moins visibles. » Le rapport évoque 140 000 personnes sous emprise sectaire en France et 500 microgroupes, un chiffre sous-estimé selon Mme Duval « par rapport à ce qu’on trouve en se baladant sur la Toile ».

    En 2020, la Miviludes recensait 3 008 signalements, dont 686 jugés sérieux ont fait l’objet d’enquêtes plus avancées. Un chiffre en hausse de 30 % sur les cinq dernières années. Un quart de ces signalements concerne des personnalités ou des organisations inconnues des services spécialisés jusque-là, signe d’un renouvellement des acteurs et des domaines touchés par les dérives sectaires. Celles-ci délaissent en effet souvent le terrain du spirituel pour investir celui des questions de santé ; il représente 40 % des signalements en 2019.

  • Démantèlement d’un réseau de téléphonie cryptée, utilisé par des organisations criminelles
    https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2020/07/02/demantelement-d-un-reseau-de-telephonie-cryptee-utilise-par-des-organisation

    EncroChat promettait un anonymat « parfait » à ses utilisateurs liés au crime organisé.

    [...] Non déclarée en France, cette solution de communication chiffrée était notamment mise en œuvre depuis des serveurs installés dans l’Hexagone, au profit d’une clientèle mondiale. Les appareils étaient vendus environ 1 000 euros, avec des abonnements offrant une couverture mondiale et une assistance technique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour un coût de 1 500 euros pour six mois.
    EncroChat promettait un anonymat « parfait » à ses utilisateurs et des conditions d’acquisition intraçables, n’associant ni terminal mobile ni carte SIM à leurs comptes clients. Les téléphones – de type Blackberry ou Android – étaient entièrement « modifiés », la société retirant généralement les micros, caméras, systèmes GPS et ports USB. Ils étaient équipés d’un logiciel de messagerie instantanée cryptée, couplé à une infrastructure sécurisée. Selon les autorités, « de 90 à 100 % » des clients d’EncroChat sont liés au crime organisé. Quelque 50 000 de ces téléphones étaient en circulation en 2020.
    L’enquête conjointe franco-néerlandaise, sous l’égide d’Eurojust, saisie en 2019 par la France et avec le soutien d’Europol, l’agence européenne de police criminelle, a permis ces derniers mois d’intercepter et de déchiffrer en temps réel, à leur insu, « plus de 100 millions de messages » échangés par l’intermédiaire d’EncroChat entre criminels à travers le monde.
    Dès 2017, l’utilisation de ces téléphones cryptés par des criminels a été détectée en France lors d’opérations conduites contre le crime organisé par l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, qui a travaillé depuis sur le fonctionnement de ces communications chiffrées.
    L’enquête a été menée à partir de 2018 par le parquet de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lille, en raison de la localisation de serveurs assurant le fonctionnement d’EncroChat sur le territoire de son ressort. Une information judiciaire a été ouverte le 28 mai.
    Cette intrusion d’envergure a pris fin le 13 juin, lorsque le réseau s’est rendu compte, d’après un message « d’alerte » adressé à tous ses clients, qu’il avait été « infiltré illégalement » par des « entités gouvernementales » ; il leur a alors conseillé de se débarrasser « immédiatement » de leur téléphone. Mais c’était « trop tard pour eux », car « nous avions déjà eu accès à des millions de messages », s’est félicité M. Kraag.

    • Piratage d’EncroChat : les recours se multiplient contre la justice française
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/03/10/piratage-d-encrochat-les-recours-se-multiplient-contre-la-justice-francaise_

      Des requêtes en nullité dénoncent l’illégalité de la collecte massive de données issues de la messagerie cryptée.

      La justice française aurait-elle péché par précipitation dans l’une des plus importantes affaires de crime organisé de son histoire ? Connue sous le nom d’EncroChat, une messagerie cryptée réputée inviolable, piratée par les gendarmes français, elle a permis jusqu’en juin 2020 à vingt polices européennes de suivre, en direct, les activités occultes du narcotrafic, des marchands d’armes, des réseaux de blanchiment d’argent sale ou de traite d’êtres humains. Mais huit mois après avoir crié victoire, la justice voit se multiplier des requêtes en nullité qui dénoncent l’illégalité des moyens employés. Et la députée européenne Cornelia Ernst a même demandé, fin décembre, des comptes au Parlement sur cette collecte massive de données.

      Tout débute le 7 décembre 2018 avec l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Lille à la demande des gendarmes, qui veulent percer le mystère de cette messagerie cryptée qu’ils trouvent souvent dans les mains des malfaiteurs. Les experts du Centre de lutte contre les criminalités de Pontoise localisent, à Roubaix (Nord), le serveur de la messagerie enregistrée au nom d’Eric Miguel de la société Virtue Imports, domicilié à Vancouver, au Canada, et finissent par arriver à briser le secret de ce réseau payant qui promettait à ses 70 000 clients dans le monde « une sécurité absolue ».

      Intégralité des flux détournée

      La surveillance va s’arrêter dans la nuit du 12 au 13 juin 2020 lorsque EncroChat diffuse un message d’alerte sur « une saisie illégale » de la part « d’entités gouvernementales » des données de ses clients. Depuis, les réseaux tombent dans toute l’Europe. C’est aussi le début de dizaines de procédures judiciaires, en France, selon le lieu de résidence des suspects. Les avocats français découvrent, disent-ils, le fossé abyssal entre le droit et la puissance de la technologie. D’après eux, l’euphorie d’avoir pu casser le cryptage des communications du crime organisé international aurait fait perdre le sens commun à l’institution judiciaire.

      Les premières requêtes en nullité déposées en France, les 27 février et le 4 mars, devant la cour d’appel de Nancy, soulignent « l’illégalité et la dangerosité » de cette procédure. Selon Mes Robin Binsard et Guillaume Martine, auteur de l’un des recours, « c’est par le biais d’une introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données que les enquêteurs ont obtenu le contenu des messages ». D’après eux, si la loi autorise la collecte de données par des réquisitions classiques aux opérateurs ou l’utilisation d’« IMSI-catcher », des bornes relais portatives qui interceptent les communications, elle interdit le détournement de 100 % du flux transitant par un serveur.

      Or, c’est bien ce moyen qui a été employé par les enquêteurs français pour capter le trafic d’EncroChat. Les gendarmes n’ont pas visé les communications de suspects, ils ont détourné l’intégralité du flux grâce à de fausses mises à jour, ce qui a permis non seulement d’intercepter près de 70 millions de données venant des téléphones, mais aussi de collecter celles provenant des serveurs de l’infrastructure EncroChat. Il a fallu des mois de recherche pour y parvenir, avec l’aide de la direction technique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dont dépend le service technique national de captation judiciaire (SNTJC).

      « Les enquêteurs reconnaissent eux-mêmes avoir procédé à une captation massive et indiscriminée de données informatiques, à tel point que seulement 0,7 % de tous les téléphones touchés semblent être utilisés à des fins illicites », assurent les deux avocats. Pour la seule partie française de l’enquête, seulement 63 % des téléphones seraient rattachables à des faits délictuels ou criminels. La gendarmerie a même émis un avis public « aux utilisateurs de bonne foi qui souhaiteraient obtenir l’effacement de leurs données personnelles de la procédure judiciaire » pour qu’ils se signalent.

      Atteinte aux droits de la défense

      L’autre grief majeur fait à la justice française est l’atteinte grave aux droits de la défense en interdisant l’accès au dossier « souche » de Lille, qui contient tous les détails du dispositif technique de piratage. « Ni l’enquête préliminaire des gendarmes, ni l’information judiciaire de Lille n’ont été intégralement jointes à notre dossier à Nancy, on ne lutte pas contre le crime organisé en commettant des délits », s’insurge Me Thomas Bidnic, auteur d’un recours et dont le cabinet gère quatre dossiers EncroChat.

      Pour le parquet de Lille, la procédure a été validée par le juge de la liberté et de la détention. Par ailleurs, les outils d’interception étant protégés par le secret de la défense nationale, cela limiterait la communication du dossier originel de Lille aux autres juridictions. Dans un procès-verbal du 31 mars 2020, les gendarmes se targuent d’avoir obtenu « un avis favorable » de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (#CNIL) à leur analyse de risque pour les données, ainsi qu’un « avis positif » du délégué ministériel pour la protection des données. Sollicitée par Le Monde, la CNIL a précisé qu’il s’agissait « d’un engagement déclaratif sans que le document transmis ne fasse l’objet d’un nouvel examen ».

      Les recours déposés par les avocats français sont observés de près par leurs confrères étrangers. Haroon Raza, qui défend, à Rotterdam, plusieurs personnes mises en cause dans des dossiers EncroChat, l’a confirmé au Monde. « La justice des Pays-Bas part du principe que les preuves transmises dans le cadre de la coopération judiciaire européenne ont été obtenues légalement. Nos recours ne seront recevables que si nous apportons de nouveaux éléments permettant de soulever un doute solide. »

      #police #surveillance