« La société a parfois intérêt à ce que la pauvreté persiste »

/denis-colombi-la-societe-a-parfois-inte

  • Denis Colombi : « La société a parfois intérêt à ce que la #pauvreté persiste »
    https://lvsl.fr/denis-colombi-la-societe-a-parfois-interet-a-ce-que-la-pauvrete-persiste

    Les effets d’un tel discours sont négatifs sur plein de points de vue. Premièrement, ils permettent de légitimer l’existence de la pauvreté et de la richesse : si on définit le pauvre comme celui qui a échoué, qui a un problème, alors par contraste on va définir celui qui n’est pas pauvre comme celui qui mérite. On efface ainsi les multiples inégalités économiques, découlant notamment de l’héritage, au profit d’un discours individualisant contre lequel il n’y a pas à agir puisque la pauvreté cesse d’être un problème politique et collectif pour devenir une simple question de déviance personnelle. Ce discours fait porter la culpabilité du dénuement sur les pauvres eux-mêmes et le mérite de la non-pauvreté sur les autres. Toute action qui sert à corriger cette situation est de fait délégitimée puisque, si les pauvres sont fautifs de la situation dans laquelle ils se trouvent, pourquoi viendrait-on les aider ?

    Ensuite, à cause de ce discours individualisant, les pauvres seront perçus comme incapables de gérer leur argent. La société va chercher à contrôler au maximum les allocations. Les sommes versées ne sont d’ailleurs pas considérées comme appartenant directement aux pauvres mais à la société dans son ensemble. Cette situation va nuire à la capacité des personnes concernées de faire leurs propres choix. La pauvreté ne devient plus seulement une situation économique mais une situation de conflit permanent : les pauvres ne sont pas en situation de faire leurs propres choix puisque cette capacité leur est retirée par le reste de la société. La délégitimation de leur action redouble l’inégalité matérielle qui les frappe, produisant ainsi une inégalité politique. Ce phénomène conduit à ce que les personnes dans le dénuement ne soient pas considérées comme des sujets politiques dont il faudrait améliorer la situation. Ces deux inégalités, matérielles et politiques, se recouvrent et se renforcent mutuellement.