• Vent de fronde antichinois au port du Pirée
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/11/vent-de-fronde-antichinois-au-port-du-piree_6072729_3234.html


    Le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, et le président chinois, Xi Jinping, visitent le terminal Cosco du port du Pirée, près d’Athènes, le lundi 11 novembre 2019.
    ORESTIS PANAGIOTOU/AP

    Malgré la pandémie de Covid-19, la société chinoise Cosco Shipping, qui a acquis en 2016 la gestion du site grec jusqu’en 2052, continue de vouloir étendre ses activités. La colère grandit à l’égard de l’investisseur asiatique, ralentissant les projets.

    A l’ouest du Pirée, l’horizon est encombré de grues bleues et orange. Les premières, à la pointe de la technologie, appartiennent à l’investisseur chinois, les secondes, plus vétustes, sont les vestiges de l’Autorité portuaire publique grecque. Sur la route principale, des camions font des allers-retours, dans un brouhaha incessant. Face au bureau central de Cosco, l’entreprise chinoise qui gère le transport de conteneurs et de passagers au Pirée jusqu’en 2052, un graffiti rouge donne le ton : « Cosco ne s’intéresse qu’à ses conteneurs, pas à nos vies. Elle sabote toute la région. »

    La multinationale chinoise est présente au port du Pirée depuis 2009, où elle exploite, par l’entremise de sa filiale PCT, deux terminaux de conteneurs. A l’époque, son installation ne s’était déjà pas faite sans heurts. Les dockers avaient déployé des banderoles « Cosco, go home ! » (« Cosco, rentre chez toi ! ») et avaient participé à de multiples manifestations pour demander à leur nouvel employeur de respecter le droit du travail grec.

    En 2016, lors de la crise de la dette, l’Etat grec, contraint de renflouer ses caisses, a d’abord cédé à Cosco 51 % de l’Autorité du Port du Pirée (OLP), avant 16 % supplémentaires prévus d’ici à l’été 2021, pour la somme de 368,5 millions d’euros. Afin d’obtenir cette part restante, Cosco Shipping s’était engagée à investir dans les activités du port un peu plus de 293 millions d’euros d’ici à 2021.
    En réalité, selon un document publié par le ministère de la marine en février, seulement 58 % de ces 293 millions ont été investis. En outre, certains travaux, comme l’extension du port pour les passagers, ont bénéficié de fonds européens. D’après Nektarios Demenopoulos, porte-parole de l’OLP, ces financements n’ont pas été effectifs car « les permis n’ont toujours pas été délivrés pour certains projets » et « la pandémie [de Covid-19] a également contribué au retard pris ».

    « Problèmes de bureaucratie »
    George Tzogopoulos, chercheur à la Fondation hellénique pour la politique extérieure et européenne (Eliamep), est plus explicite : « Les cadres de Cosco et de l’OLP sont agacés car ils rencontrent beaucoup de résistances locales, des problèmes de bureaucratie, et ils estiment que l’Etat grec devrait leur céder les 16 % car les retards ne sont pas de leur ressort. »

    Le 9 février, lors du sommet « 17+1 », réunissant la Chine et 17 pays d’Europe centrale et de l’Est, le premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, s’était réjoui de « l’investissement chinois de Cosco, qui est bénéfique pour les deux pays ». Pékin a fait du Pirée une étape essentielle dans sa stratégie de « nouvelles routes de la soie », qui lui permet d’écouler ses produits vers l’Europe et d’accroître son soft power. Il entend continuer à augmenter les capacités du port grec.

  • Covid-19 : Israël reprend vie avec le passeport vert
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/11/covid-19-israel-reprend-vie-avec-le-passeport-vert_6072723_3210.html

    Covid-19 : Israël reprend vie avec le passeport vert La vie reprend partout en Israël, fruit d’une campagne de vaccination d’une rapidité unique au monde. Pourtant le Covid-19 impose encore certaines pudeurs, qu’il revient à chacun de lever peu à peu. Depuis dimanche 7 mars, les bars et les restaurants, les hôtels et les halls de mariage, les établissements sportifs et culturels, comme les entreprises, rouvrent. Dernière étape d’une levée graduelle de confinement, chaque activité se voit imposer une jauge limite d’assistance, selon des critères complexes – pour les collèges, ce n’est qu’à temps partiel et pas dans les villes les plus contaminées. Il est doux cependant de parcourir les boulevards de Tel-Aviv et de prétendre comme tout le monde que l’épidémie est derrière nous.
    Comme tout le monde ou presque : seuls sont autorisés à s’attabler en salle les détenteurs d’un certificat de vaccination ou de guérison. Le sésame est matérialisé par un code QR ou une animation sur smartphone, par un simple document pour les étrangers. Lundi, 54 % des Israéliens avaient reçu une première dose de vaccin Pfizer, et plus de 42 % une seconde. Israël a aussi commencé à vacciner les 115 000 travailleurs palestiniens employés légalement sur son sol et dans les colonies, alors que les territoires connaissent un regain massif de l’épidémie.
    Au Lima Lima, il y a encore des frontières invisibles : entre la rue et le bar, où le videur vous fait entrer prestement, parce que des policiers arrivent – quand bien même ils n’ont rien à y redire. Entre la salle de danse, réservée aux vaccinés, et le bar à ciel ouvert, où une dizaine de bouteilles à peine sont alignées derrière le comptoir. Le patron, Gilad Dubinowski, 30 ans, n’a pas refait les stocks. Il a rouvert avec un tiers de ses anciens employés : les autres n’ont pas répondu à ses appels. « Comment les blâmer ? Ils se sont fait une autre vie depuis un an et je ne peux rien leur promettre », dit-il. Nombre de travailleurs toucheront des indemnités de chômage dues à l’épidémie jusqu’en juin : ils n’entendent pas y renoncer trop vite.
    Une petite centaine de clients – la limite pour un espace de danse où l’on sert de l’alcool – a rejoint cette soirée hip-hop prisée avant l’épidémie. Il y a ceux qui se laissent aller sans mesure, comme Keren Or, 22 ans : « La vodka et la musique à la maison, c’était pas pareil. Et puis tout va refermer dans deux semaines, pour les fêtes de Pessah », craint-elle. Il y a aussi ceux qui se tiennent au bord de la piste de danse et les nerveux qui s’abandonnent quand même. « Depuis un an, il n’y avait plus vraiment de vie gay à Tel-Aviv. J’ai bien vu quelques garçons, mais j’avais peur de contaminer ma famille et je n’ai pas recommencé à draguer », dit Amit, économiste de 31
    La plupart des experts de santé encouragent cette réouverture. Les hôpitaux ne risquent plus, pour l’heure, d’être débordés. Mais nombre d’Israéliens craignent un bref mirage, qui aurait moins à voir avec la réalité sanitaire qu’avec les élections législatives prévues le 23 mars, les quatrièmes en deux ans. Amit salue la performance du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, maître d’œuvre de ce succès vaccinal, et s’interroge : « Une fois qu’on aura voté, est-ce que tout refermera encore ? »
    Pour Ronni Gamzu, directeur de l’hôpital Sourasky de Tel-Aviv, qui fut un temps le principal conseiller du gouvernement dans la lutte contre l’épidémie, rouvrir est un impératif économique, certes. Mais c’est avant tout une affaire de « santé mentale » du pays. « Les gens se sont dédiés à cette campagne de vaccination. Ils ont fait confiance au gouvernement et aux experts. Nous devons leur rendre leur vie en retour », dit-il. L’Etat n’en fait d’ailleurs pas mystère : ces certificats doivent avant tout inciter les indécis à se faire vacciner, dans le cadre d’une campagne qui se poursuit agressivementLa presse constate que les passeports verts sont falsifiables : des faux s’échangent en ligne. Mais ces contournements demeurent négligeables. L’Etat n’en fait d’ailleurs pas mystère : ces certificats doivent avant tout inciter les indécis à se faire vacciner, dans le cadre d’une campagne qui se poursuit agressivement. Début mars, le Parlement a passé une loi autorisant l’Etat à transmettre aux mairies l’identité des non-vaccinés. Dans les entreprises, pas question d’imposer le vaccin aux employés, mais le ministre de la santé, Yuli Edelstein, a envisagé de faire tester les récalcitrants tous les deux jours. L’idée a aussi flotté de contraindre les professeurs des écoles publiques à se faire vacciner – 24 % ne le sont pas. Déjà, à l’hôpital Hadassah de Tel-Aviv, 80 docteurs, infirmiers et personnels administratifs sans passeport ont été mis en congé sans solde. Difficile d’imaginer que la justice laisse se généraliser une telle forme de harcèlement. Mais le discours des autorités vise à imposer le sentiment qu’il n’y a pas d’autre choix.
    Symbole de cette intransigeance, l’aéroport international de Tel-Aviv est demeuré en activité minimale depuis la fin janvier. Afin de fermer la porte aux nouveaux variants, des milliers d’Israéliens sont demeurés bloqués hors du pays. Depuis dimanche, les vols reprennent, notamment depuis la France, pour un millier de personnes par jour – un chiffre qui doit aller croissant.Les autorités ont testé ces dernières semaines un système de bracelets électroniques, censé imposé aux Israéliens de retour de respecter leur quarantaine à domicile. Dès février, le gouvernement a aussi signé des accords avec la Grèce et Chypre, qui reconnaissent mutuellement leurs certificats de vaccination nationaux : un coup de pouce aux futurs touristes. Maya Domatov, 62 ans, exilée depuis deux mois à New York, est revenue mardi au pays avec son mari. Elle s’isolera chez son fils et mettra un bulletin pour « Bibi » Nétanyahou dans l’urne le 23 mars, avant de passer Pessah à Jérusalem. Le couple a payé 1 000 dollars pour faire et refaire des tests Covid-19, en attendant d’obtenir l’autorisation de voyager. Elle préférerait ne pas se faire vacciner, mais elle ne pourra pas remonter dans un avion sans passeport vert.

    #Covid-19#migrant#migration#Israel#sante#santementale#frontiere#vaccination#passeportvaccinal#grece#chypre#france

  • Vendre un tweet 2,1 millions d’euros, des vidéos pour cinq millions : les NFT, nouvel eldorado numérique ?
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/03/10/vendre-un-tweet-2-1-millions-d-euros-des-videos-pour-5-millions-les-nft-nouv

    FactuelUne technologie reposant sur des certifications permises par les blockchains permet, désormais, d’obtenir des titres de propriété d’objets numériques de toutes sortes et de les vendre.

    Des certifications numériques

    Pourtant possiblement visibles par tous gratuitement sur un site d’hébergement de vidéos comme YouTube, les clips vendus sur NBA Top Shot suscitent une telle frénésie, car leurs acquéreurs en deviennent les propriétaires officiels.

    Ces vidéos sont, en effet, des Non-Fungible Tokens (NFT, des jetons non fongibles, en français). Un sigle qui recouvre toutes les métadonnées associées aux fichiers vidéo concernés. Ces informations établissent avec certitude que chaque vidéo est bien l’originale : l’acheteur du moment a la garantie qu’il acquiert la vidéo d’un joueur de basket directement créée pour cette occasion, et non une copie.

    Ce qui explique pourquoi les NFT sont apparus dans de nombreux secteurs : les arts, le jeu vidéo, le sport ou encore la réalité virtuelle. Les collectionneurs – et les spéculateurs – se les arrachent sur des plates-formes d’échange spécialisées, telles que OpenSea ou Rarible. Les transactions se font le plus souvent en cryptomonnaies, même si une plate-forme comme NBA Top Shot facilite l’expérience en autorisant les modes de paiement traditionnels.

    Récemment, la chanteuse Grimes a vendu aux enchères une série de clips musicaux en NFT pour un montant total d’environ cinq millions d’euros. Une gravure de Banksy a, elle, été détruite après avoir été reproduite en NFT, puis vendue en ligne pour 229 ethers, soit l’équivalent de 350 000 euros au moment où ces lignes ont été écrites.

    Just bought Death Of The Old by @Grimezsz for 258ETH. Anhedonia is a pure banger💥. This garage beat with high pitch… https://t.co/s6KByr318p
    — ThisIsAito (@aito.eth 🥚❤️)

    « Je viens d’acheter [la vidéo du morceau] Death Of The Old de Grimes pour 258 ETH », soit environ 388 000 dollars, se félicitait l’acheteur sur Twitter – en postant également la vidéo dont il est devenu propriétaire. La vidéo est également librement accessible ailleurs sur Internet.

    Depuis peu, la plate-forme Valuables propose de convertir des tweets en NFT pour les revendre. Jack Dorsey, le fondateur de Twitter et défenseur des cryptomonnaies, s’est pris au jeu et a mis aux enchères son premier message posté sur Twitter. Pour l’heure, un entrepreneur du secteur de la blockchain a posé l’enchère la plus haute : elle s’élève à environ… 2,1 millions d’euros.

    Autant d’objets numériques qui restent librement consultables par tous les internautes et copiables à l’infini (grâce au bon vieux « Enregistrer sous » et autres captures d’écran), mais dont les fichiers originaux viennent de trouver de nouveaux propriétaires officiels.

    #NFT #Idéologie_propriétaire #Culture_numérique #Spéculation #Blockchain