• Le rôle de l’armée russe au Karabakh fait débat en Azerbaïdjan
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/11/karabakh-le-role-de-l-armee-russe-fait-debat-en-azerbaidjan_6072724_3210.htm


    Le monastère arménien de Dadivank (Haut-Karabakh), ici le 21 décembre 2020, est protégé par la Russie.
    LAURENCE GEAI POUR LE MONDE

    Sorti victorieux de la guerre avec l’Arménie, Bakou a dû accepter le retour de troupes russes sur son sol, trente ans après son indépendance. Mais la Russie livrera-t-elle bien le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan dans cinq ans ?

    Bakou bruisse de rumeurs sur les intentions véritables de Moscou. Les forces de maintien de la paix russes livreront-elles clé en main le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan dans cinq ans, comme le stipule la déclaration tripartite du 9 novembre 2020, qui a mis fin à la seconde guerre de ce territoire disputé depuis la chute de l’URSS ? N’y croient que ceux qui se sentent obligés de répéter le discours officiel. L’autoritaire président Ilham Aliev répète sur tous les tons que la guerre est gagnée et que la question du Karabakh est réglée une fois pour toutes.

    Dans les faits, la République autoproclamée du Haut-Karabakh (reconnue par aucun pays au monde, pas même l’Arménie) continue d’administrer un peu moins de 100 000 Arméniens en dehors de la juridiction azerbaïdjanaise. Quoique très affaiblie par les pertes durant le conflit, l’armée séparatiste du Haut-Karabakh continue néanmoins d’exister, sous le contrôle des 1 960 soldats russes déployés sur ce territoire. On est donc encore très loin d’une « intégration » des Arméniens du Haut-Karabakh dans la République d’Azerbaïdjan, contrainte d’accepter une présence militaire russe sur son territoire pour la première fois depuis l’indépendance du pays acquise en 1991.

    « Les Russes ont obtenu ce qu’ils voulaient depuis trente ans, c’est-à-dire redéployer leurs soldats sur notre sol, déplore au Monde un officiel azerbaïdjanais sous couvert d’anonymat. Nous voulons avancer jusqu’à l’application complète de l’accord tripartite et rétablir notre souveraineté sur tout le territoire. Mais les Russes ont plutôt intérêt à geler la situation telle qu’elle est aujourd’hui pour proroger leur présence. » Il note cependant que la présence russe a apaisé la tension sur le terrain et apporté une indéniable stabilité.
    Une partie de l’opinion publique se satisfait du calme apparent et est encline à supporter le retour des militaires russes. « Notre voisin du Nord est très puissant. Il ne faut pas se fâcher avec lui mais s’en accommoder. Il est plus fort que nous et plus fort que les Turcs », juge Elkhan Fatali, vendeur de téléphones à Bakou.

    Soupçon de collusion
    Mais d’autres gardent une vive rancune envers une armée russe dont beaucoup se souviennent qu’elle a tué 147 manifestants indépendantistes azerbaïdjanais lors du « janvier noir » en 1990 à Bakou. Une armée russe aussi et surtout soupçonnée de collusion avec les séparatistes arméniens. Les images récentes d’embrassades entre le commandant de la force russe de maintien de la paix, Roustam Mouradov, et le président de la République séparatiste du Haut-Karabakh, Arayik Haroutiounian, qui circulent sur les réseaux sociaux, entretiennent la défiance.

  • Covid-19 : Israël reprend vie avec le passeport vert
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/11/covid-19-israel-reprend-vie-avec-le-passeport-vert_6072723_3210.html

    Covid-19 : Israël reprend vie avec le passeport vert La vie reprend partout en Israël, fruit d’une campagne de vaccination d’une rapidité unique au monde. Pourtant le Covid-19 impose encore certaines pudeurs, qu’il revient à chacun de lever peu à peu. Depuis dimanche 7 mars, les bars et les restaurants, les hôtels et les halls de mariage, les établissements sportifs et culturels, comme les entreprises, rouvrent. Dernière étape d’une levée graduelle de confinement, chaque activité se voit imposer une jauge limite d’assistance, selon des critères complexes – pour les collèges, ce n’est qu’à temps partiel et pas dans les villes les plus contaminées. Il est doux cependant de parcourir les boulevards de Tel-Aviv et de prétendre comme tout le monde que l’épidémie est derrière nous.
    Comme tout le monde ou presque : seuls sont autorisés à s’attabler en salle les détenteurs d’un certificat de vaccination ou de guérison. Le sésame est matérialisé par un code QR ou une animation sur smartphone, par un simple document pour les étrangers. Lundi, 54 % des Israéliens avaient reçu une première dose de vaccin Pfizer, et plus de 42 % une seconde. Israël a aussi commencé à vacciner les 115 000 travailleurs palestiniens employés légalement sur son sol et dans les colonies, alors que les territoires connaissent un regain massif de l’épidémie.
    Au Lima Lima, il y a encore des frontières invisibles : entre la rue et le bar, où le videur vous fait entrer prestement, parce que des policiers arrivent – quand bien même ils n’ont rien à y redire. Entre la salle de danse, réservée aux vaccinés, et le bar à ciel ouvert, où une dizaine de bouteilles à peine sont alignées derrière le comptoir. Le patron, Gilad Dubinowski, 30 ans, n’a pas refait les stocks. Il a rouvert avec un tiers de ses anciens employés : les autres n’ont pas répondu à ses appels. « Comment les blâmer ? Ils se sont fait une autre vie depuis un an et je ne peux rien leur promettre », dit-il. Nombre de travailleurs toucheront des indemnités de chômage dues à l’épidémie jusqu’en juin : ils n’entendent pas y renoncer trop vite.
    Une petite centaine de clients – la limite pour un espace de danse où l’on sert de l’alcool – a rejoint cette soirée hip-hop prisée avant l’épidémie. Il y a ceux qui se laissent aller sans mesure, comme Keren Or, 22 ans : « La vodka et la musique à la maison, c’était pas pareil. Et puis tout va refermer dans deux semaines, pour les fêtes de Pessah », craint-elle. Il y a aussi ceux qui se tiennent au bord de la piste de danse et les nerveux qui s’abandonnent quand même. « Depuis un an, il n’y avait plus vraiment de vie gay à Tel-Aviv. J’ai bien vu quelques garçons, mais j’avais peur de contaminer ma famille et je n’ai pas recommencé à draguer », dit Amit, économiste de 31
    La plupart des experts de santé encouragent cette réouverture. Les hôpitaux ne risquent plus, pour l’heure, d’être débordés. Mais nombre d’Israéliens craignent un bref mirage, qui aurait moins à voir avec la réalité sanitaire qu’avec les élections législatives prévues le 23 mars, les quatrièmes en deux ans. Amit salue la performance du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, maître d’œuvre de ce succès vaccinal, et s’interroge : « Une fois qu’on aura voté, est-ce que tout refermera encore ? »
    Pour Ronni Gamzu, directeur de l’hôpital Sourasky de Tel-Aviv, qui fut un temps le principal conseiller du gouvernement dans la lutte contre l’épidémie, rouvrir est un impératif économique, certes. Mais c’est avant tout une affaire de « santé mentale » du pays. « Les gens se sont dédiés à cette campagne de vaccination. Ils ont fait confiance au gouvernement et aux experts. Nous devons leur rendre leur vie en retour », dit-il. L’Etat n’en fait d’ailleurs pas mystère : ces certificats doivent avant tout inciter les indécis à se faire vacciner, dans le cadre d’une campagne qui se poursuit agressivementLa presse constate que les passeports verts sont falsifiables : des faux s’échangent en ligne. Mais ces contournements demeurent négligeables. L’Etat n’en fait d’ailleurs pas mystère : ces certificats doivent avant tout inciter les indécis à se faire vacciner, dans le cadre d’une campagne qui se poursuit agressivement. Début mars, le Parlement a passé une loi autorisant l’Etat à transmettre aux mairies l’identité des non-vaccinés. Dans les entreprises, pas question d’imposer le vaccin aux employés, mais le ministre de la santé, Yuli Edelstein, a envisagé de faire tester les récalcitrants tous les deux jours. L’idée a aussi flotté de contraindre les professeurs des écoles publiques à se faire vacciner – 24 % ne le sont pas. Déjà, à l’hôpital Hadassah de Tel-Aviv, 80 docteurs, infirmiers et personnels administratifs sans passeport ont été mis en congé sans solde. Difficile d’imaginer que la justice laisse se généraliser une telle forme de harcèlement. Mais le discours des autorités vise à imposer le sentiment qu’il n’y a pas d’autre choix.
    Symbole de cette intransigeance, l’aéroport international de Tel-Aviv est demeuré en activité minimale depuis la fin janvier. Afin de fermer la porte aux nouveaux variants, des milliers d’Israéliens sont demeurés bloqués hors du pays. Depuis dimanche, les vols reprennent, notamment depuis la France, pour un millier de personnes par jour – un chiffre qui doit aller croissant.Les autorités ont testé ces dernières semaines un système de bracelets électroniques, censé imposé aux Israéliens de retour de respecter leur quarantaine à domicile. Dès février, le gouvernement a aussi signé des accords avec la Grèce et Chypre, qui reconnaissent mutuellement leurs certificats de vaccination nationaux : un coup de pouce aux futurs touristes. Maya Domatov, 62 ans, exilée depuis deux mois à New York, est revenue mardi au pays avec son mari. Elle s’isolera chez son fils et mettra un bulletin pour « Bibi » Nétanyahou dans l’urne le 23 mars, avant de passer Pessah à Jérusalem. Le couple a payé 1 000 dollars pour faire et refaire des tests Covid-19, en attendant d’obtenir l’autorisation de voyager. Elle préférerait ne pas se faire vacciner, mais elle ne pourra pas remonter dans un avion sans passeport vert.

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