• Saïd Bouamama : Comprendre et combattre le fascisme et la fascisation – ACTA
    https://acta.zone/said-bouamama-comprendre-et-combattre-le-fascisme-et-la-fascisation

    Le 24 octobre 2009 à Paris, au Centre International de Culture Populaire, Saïd Bouamama donnait une conférence sur le fascisme dans le cadre d’un cycle de formations marxistes. Plus de 10 ans après, nous avons tenu à retranscrire son contenu, tant il nous paraît d’une actualité brûlante, dans un contexte où le fascisme structure une part de plus en plus importante du champ politique français.

    Cette formation nous semble essentielle pour les nouvelles générations antifascistes qui s’engagent dans une séquence où le fascisme va être un sujet et un objet de lutte central (notamment dans la perspective des élections présidentielles à venir). Le fascisme peut prendre différentes formes et pour le démasquer, en comprendre le but, et le combattre de manière efficace, la théorie marxiste fournit des outils indispensables.

    Cette version, réactualisée et corrigée par l’auteur lui-même, n’inclut pas les digressions très intéressantes qui ont entrecoupé la conférence, dont vous pouvez retrouver le lien ici.

    De nombreuses analyses du fascisme ont été produites depuis les années 1930 et une multitude de définitions de ce régime politique ont été avancées. Il ne s’agit pas ici de les exposer exhaustivement mais de souligner quelques débats clefs essentiels dans le contexte de fascisation actuelle accompagnant l’offensive capitaliste ultralibérale qui caractérise notre planète depuis plusieurs décennies. Il n’y aura en effet pas de pratique antifasciste efficace sans théorie antifasciste clarifiant les causes, enjeux et cibles. Sans théorie antifasciste, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de pratiques antifascistes efficaces.

  • Penser une stratégie féministe (1/3) – ACTA
    https://acta.zone/penser-une-strategie-feministe-entre-protestation-et-integration-letau-des-lu

    Il est d’usage de distinguer deux grandes tendances stratégiques au sein des luttes d’émancipation quelles qu’elles soient, y compris dans le champ féministe : l’une plutôt « réformiste », l’autre plutôt « révolutionnaire ». En réalité, la frontière entre les deux n’est pas toujours étanche, même si leurs fins apparaissent antagonistes – la première vise l‘intégration de figures féminines et/ou féministes et de leurs revendications dans les lieux de pouvoir ; la seconde, plus en phase avec des aspirations de transformation sociale, consiste au contraire à contester et à combattre ce pouvoir, depuis l’espace des luttes féministes.

    Actuellement, cette distinction semble cependant difficilement tenable. La rupture que l’on pouvait faire entre un féminisme institutionnel et « intégrationniste » (blanc, bourgeois, laïcard et sécuritaire) et un féminisme révolutionnaire et intersectionnel n’est plus si évidente, tant les signes traditionnels sont brouillés.

    D’abord, le quinquennat Macron a introduit une rupture entre les associations féministes et l’État. Là où le gouvernement « socialiste » précédent entretenait une proximité avec une partie du champ associatif, l’arrivée de Marlène Schiappa au secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes a changé la donne, délaissant ces rapports privilégiés avec le terrain pour favoriser des personnalités et groupes incarnant la start-up nation au féminin. De sorte qu’une partie non négligeable du champ associatif féministe, qui avait acquis un certain poids les années précédentes, a été contrainte de porter ses revendications depuis l’espace d’un féminisme militant hors-institutions, traditionnellement investi par des collectifs et courants plus radicaux.

    Autre nouveauté, de nombreuses tendances que l’on aurait pu sans mal ranger du côté du féminisme « intégrationniste » il y a quelques années, se sont mises à mobiliser une rhétorique intersectionnelle, voire même anticarcérale – ainsi on a pu voir Caroline de Haas aborder les travaux de Gwenola Ricordeau sur l’abolitionnisme pénal lors d’une formation en ligne Nous Toutes, sans pour autant aller jusqu’à remettre en cause la légitimité du cadre pénal.

    Dans l’autre sens, on peut aujourd’hui se demander ce qui distingue fondamentalement la tendance plus « radicale », dont la critique vis-à-vis du féminisme « intégrationniste » ne semblait plus reposer ces dernières années que sur son manque d’inclusivité, et non sur les questions stratégiques du rapport au pouvoir.

  • Penser la guerre : entretien avec Catherine Hass – ACTA
    https://acta.zone/penser-la-guerre-entretien-avec-catherine-hass

    Du côté de ce que j’appelle l’espace savant, il y a également, à cette période, une entente pour ne plus qualifier les théâtres militaires en termes de guerre ; c’est le moment où des expressions telles celles de « maintien de l’ordre international » ou d’ « opération de police impériale » se diffusent et se donnent comme les termes ad hoc pour qualifier le nouveau de la guerre post-guerre Froide. J’ai alors rassemblé dans le livre les thèses et dispositifs depuis lesquels la fin du nom de guerre se trouvait être argumentée par des auteurs aussi divers que Frédéric Gros, Bertrand Badie ou encore Michaël Hardt et Antonio Negri. Ce qui caractérise alors le « corpus de la déshérence », c’est que la guerre y est tout à fait déspécifiée, sans statut ; elle n’est plus qu’une occurrence structurelle de la mondialisation, une violence consubstantielle de l’ensemble des dérégulations à l’œuvre. Ce à quoi l’on assiste à cette époque, une époque qui selon moi a vécu, c’est à une vaste opération de requalification du lexique admis jusque-là de la guerre, de la politique et de l’État, trois termes alors inséparables ; la globalisation prend, en un sens, le relais de cette configuration puisqu’elle se présente comme le lieu de nouvelles théories générales, contemporaines de l’ère « post-moderne », « post-souveraine » ou encore « post-étatique » qui serait désormais la nôtre. Qu’ils la nomment « états de violence », « violences sociales internationales », « guerre comme ordre permanent » ou encore « militarisation de l’Empire », ce qui va caractériser ce corpus est le fait que le nom de guerre serait devenu sans portée ; le paradigme dominant qui s’y substitue est celui de violence.