• Présidentielle 2022 : « Il faut que s’amorce un rassemblement de tous les acteurs de la gauche et de l’écologie »
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    par Denis Sieffert

    Pourquoi pas ? Encore faudrait-il s’accorder sur cette dénomination qui a subi toutes les avanies de l’histoire, et de la part de ceux-là mêmes qui s’en réclament. Sans remonter aux crimes coloniaux, le traité de Maastricht, qui a écrasé le social sous le primat budgétaire, et, plus récemment, le tournant droitier d’un Manuel Valls, artisan de politiques antisociales et identitaires, ont jeté un lourd discrédit sur une appellation de moins en moins contrôlée. Les mots ont perdu à ce point leur sens qu’ils peuvent à la fois nous renvoyer à Jean Jaurès et à Tony Blair. Cherchez l’erreur !
    Cette clarification accomplie, l’hypothèse sociale-démocrate – ou, si l’on préfère, réformiste – ne doit pas provoquer de cris d’orfraie du côté de la gauche radicale. Ce positionnement politique, celui de la « perfectibilité » sociale, pour emprunter à Jean-Jacques Rousseau, est sans aucun doute le seul qui puisse faire gagner la gauche, parce qu’il correspond à une réalité anthropologique potentiellement majoritaire. Nous voulons la justice sociale, la transition écologique, une démocratie réparée, et nous le voulons sans violence. Nous voulons rendre au mot « réforme » son sens historique, et qu’il cesse d’être synonyme de régression et de destruction des acquis sociaux. Nous voulons des « réformistes », pas des « réformateurs »…

    Pour empêcher que « réformisme » finisse par signifier le contraire de ce qu’il veut dire, Jaurès lui avait déjà adjoint une épithète qui n’est pas tout à fait anodine : il parlait de « réformisme révolutionnaire ». Cet oxymore est magnifique. Il porte en lui-même l’unité de la gauche.

    Les réformes sont révolutionnaires quand elles se heurtent par elles-mêmes à la logique du capitalisme financier qui nous gouverne aujourd’hui. C’est à peu près le cas de toute réforme qui se situe dans une perspective de redistribution des richesses. Point besoin de dresser des échafauds ! Il faut que la vie des gens s’améliore et que la transition écologique soit aussi une transition sociale.

    Et l’heure n’est pas à l’exaltation des différences. Il est urgent de regarder en face les défis du moment et d’affronter les questions qui fâchent pour les dépasser. En causant des millions de pertes d’emplois, des dizaines de milliers de faillites, la désespérance de toute une génération, la crise sanitaire pourrait bien être, demain, notre 1929. L’histoire nous enseigne ce qu’un tel chaos social peut annoncer. Si j’osais emprunter à la fameuse alternative « socialisme ou barbarie », posée après guerre par Claude Lefort et Cornelius Castoriadis, je dirais « sociale-écologie ou barbarie ». Cela vaut bien la recherche d’un compromis pour faire émerger une candidate ou un candidat entre des forces qui, au fond, poursuivent les mêmes buts. Ce n’est pas la fanfare des fanfarons et des « moi, je » qu’il faut faire entendre aujourd’hui, mais le tocsin.

    #Politique_France #Gauche #Ecologie