• Vent de fronde antichinois au port du Pirée
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    Le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, et le président chinois, Xi Jinping, visitent le terminal Cosco du port du Pirée, près d’Athènes, le lundi 11 novembre 2019.
    ORESTIS PANAGIOTOU/AP

    Malgré la pandémie de Covid-19, la société chinoise Cosco Shipping, qui a acquis en 2016 la gestion du site grec jusqu’en 2052, continue de vouloir étendre ses activités. La colère grandit à l’égard de l’investisseur asiatique, ralentissant les projets.

    A l’ouest du Pirée, l’horizon est encombré de grues bleues et orange. Les premières, à la pointe de la technologie, appartiennent à l’investisseur chinois, les secondes, plus vétustes, sont les vestiges de l’Autorité portuaire publique grecque. Sur la route principale, des camions font des allers-retours, dans un brouhaha incessant. Face au bureau central de Cosco, l’entreprise chinoise qui gère le transport de conteneurs et de passagers au Pirée jusqu’en 2052, un graffiti rouge donne le ton : « Cosco ne s’intéresse qu’à ses conteneurs, pas à nos vies. Elle sabote toute la région. »

    La multinationale chinoise est présente au port du Pirée depuis 2009, où elle exploite, par l’entremise de sa filiale PCT, deux terminaux de conteneurs. A l’époque, son installation ne s’était déjà pas faite sans heurts. Les dockers avaient déployé des banderoles « Cosco, go home ! » (« Cosco, rentre chez toi ! ») et avaient participé à de multiples manifestations pour demander à leur nouvel employeur de respecter le droit du travail grec.

    En 2016, lors de la crise de la dette, l’Etat grec, contraint de renflouer ses caisses, a d’abord cédé à Cosco 51 % de l’Autorité du Port du Pirée (OLP), avant 16 % supplémentaires prévus d’ici à l’été 2021, pour la somme de 368,5 millions d’euros. Afin d’obtenir cette part restante, Cosco Shipping s’était engagée à investir dans les activités du port un peu plus de 293 millions d’euros d’ici à 2021.
    En réalité, selon un document publié par le ministère de la marine en février, seulement 58 % de ces 293 millions ont été investis. En outre, certains travaux, comme l’extension du port pour les passagers, ont bénéficié de fonds européens. D’après Nektarios Demenopoulos, porte-parole de l’OLP, ces financements n’ont pas été effectifs car « les permis n’ont toujours pas été délivrés pour certains projets » et « la pandémie [de Covid-19] a également contribué au retard pris ».

    « Problèmes de bureaucratie »
    George Tzogopoulos, chercheur à la Fondation hellénique pour la politique extérieure et européenne (Eliamep), est plus explicite : « Les cadres de Cosco et de l’OLP sont agacés car ils rencontrent beaucoup de résistances locales, des problèmes de bureaucratie, et ils estiment que l’Etat grec devrait leur céder les 16 % car les retards ne sont pas de leur ressort. »

    Le 9 février, lors du sommet « 17+1 », réunissant la Chine et 17 pays d’Europe centrale et de l’Est, le premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, s’était réjoui de « l’investissement chinois de Cosco, qui est bénéfique pour les deux pays ». Pékin a fait du Pirée une étape essentielle dans sa stratégie de « nouvelles routes de la soie », qui lui permet d’écouler ses produits vers l’Europe et d’accroître son soft power. Il entend continuer à augmenter les capacités du port grec.