il y a un an, « nous ne savions pas » – Libération

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  • Covid : il y a un an, « nous ne savions pas » - Journal d’épidémie, par Christian Lehmann
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    (...) je me souviens que nous ne savions rien de ce que serait demain. Des confrères avaient peur de mourir. Ils n’avaient pas tort. Ce fut le sort de certains de mes amis. D’autres imaginaient que nous serions abandonnés complètement, que le chaos régnerait si les morts s’accumulaient, si on nous demandait, en ville, de prendre en charge sans moyens des patients ingérables parce que l’hôpital était submergé.

    Galaxie de gens perdus

    Nous ne savions pas que le confinement casserait la dynamique de l’épidémie et aplatirait la courbe des contaminations. Nous ne savions pas non plus, comment aurions-nous pu l’imaginer, que de l’angoisse et de la frustration de l’isolement naîtraient les germes du complotisme, une galaxie de gens perdus et d’escrocs incompétents dont ce serait l’heure de gloire, qui enchaînerait vidéos débiles et appels à la haine sur les réseaux. Nous ne savions pas que le narcissisme exacerbé d’un seul homme pourrait coûter tant de temps perdu à la communauté scientifique. Nous ne savions pas que Donald Trump laisserait mourir 400 000 de ses concitoyens et serait applaudi pour cette démonstration de masculinisme exacerbé. Nous ne savions pas que notre propre gouvernement enchaînerait les artifices et les offuscations pour couvrir son mensonge originel sur les masques.

    Nous ne savions pas que « Monsieur déconfinement », qui n’avait rien préparé du déconfinement, deviendrait le fusible du Président. Nous ne savions pas que ce dernier, dont l’intelligence céderait comme souvent à l’hubris, tenterait de se réinventer en protecteur d’un pacte social qu’il avait passé trois ans à mettre à mal, puis en épidémiologiste décryptant le Lancet et le New England Journal of Medecine mieux que le Conseil scientifique sur lequel, dès le début, il avait essuyé ses escarpins pour maintenir un premier tour des municipales d’une criminelle incohérence. Nous ne savions pas que personne au gouvernement ne prendrait le temps d’expliquer clairement le risque de contamination par aérosol, parce que cela aurait trop crûment mis à terre les protocoles inopérants mis en place.