« Le Temps des cerises » ou la bluette devenue rouge.

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    La bluette vire au rouge. Clément débute sa carrière de poète chansonnier sous le Seconde Empire ; ses compositions sont alors destinées aux café-concerts. L’une d’entre elles se nomme Le Temps des cerises, une romance amoureuse exprimant dans une veine poétique bucolique un amour déçu. Avec sa belle couleur rouge, la cerise annonce l’arrivée prochaine de l’été, mais aussi la fin du printemps et, ici, d’une histoire d’amour.

    Le répertoire des chansonniers se compose alors avant tout de chansons grivoises ou légères. Si quelques unes peuvent être qualifiées de politique, elles restent minoritaires, sauf chez Eugène Pottier. Clément propose à Antoine Renard, un ancien ténor d’opéra, de faire de son poème une chanson. D’abord hésitant, ce dernier finit par composer une mélodie nostalgique et fluide ; une musique sublime, d’une grande simplicité, et dont le balancement léger évoque un feuillage bercé par la brise légère. On sait que Renard interprète le titre en 1868 à l’Eldorado, mais les archives ne laisse pas de traces de l’accueil initial réservé au Temps des cerises. Le morceau serait peut-être tombé dans l’oubli sans le surgissement de la Commune. Dès lors, la chanson qui faisait jusque là partie du répertoire sentimental de Clément, prend une tout autre dimension. La perception du morceau n’est plus la même et sa signification se transforme profondément. Le texte mentionne une « plaie ouverte », « un souvenir que je garde au coeur », des « cerises d’amour [...] tombant [...] en gouttes de sang ». Après 1871, certains y voient des métaphores poétiques permettant d’évoquer la Commune de Paris de manière allusive. Les cerises seraient alors des balles, la plaie une blessure. Cette interprétation semble renforcée par le fait que la Semaine sanglante se déroule du 21 au 28 mai, donc au temps des cerises. Il ne s’agit cependant que d’une coïncidence chronologique. Aucun doute n’est possible. Clément n’a peut consacrer le Temps des cerises à un évènement qui n’a pas encore eu lieu... La « plaie ouverte » est bien ici une peine de cœur. Le ton élégiaque d’ensemble cadre d’ailleurs mal avec la dimension révolutionnaire qu’on prétend parfois associer aux paroles. La Commune a certes inspiré une chanson à Clément, mais elle se nomme la Semaine sanglante. Écrite à chaud, en pleine répression, cette dernière livre une description sans fard des atrocités commises par les troupes versaillaises. « Sauf des mouchards et des gendarmes / On ne voit plus par les chemins / Que des vieillards tristes en larmes / Des veuves et des orphelins. / Paris suinte la misère, / Les heureux mêmes sont tremblants. / La mode est aux conseils de guerres / Et les pavés sont tout sanglants. » (Wikisource)