Le nombre de colons israéliens en Cisjordanie, multiplié par cinq depuis les accords d’Oslo de 1993, approche aujourd’hui 700 000. Cette explosion de la colonisation est le fruit d’une politique délibérée menée depuis des décennies. Un rapport de deux ONG israéliennes, B’Tselem et Kerem Navot, en démonte le mécanisme.
Au cours de la dernière décennie, Israël a imposé un régime de suprématie juive à la terre qui s’étend des rives de la Méditerranée aux berges du Jourdain. Que la Cisjordanie n’ait finalement pas été officiellement annexée, comme le projetait l’année dernière le gouvernement de Benjamin Netanyahou, n’a rien changé au fait qu’elle a été traitée par Israël comme s’il s’agissait de son propre territoire. En particulier lorsqu’on voit le caractère massif des ressources investies dans le développement des colonies ou des infrastructures destinées à leurs résidents.
Cet investissement majeur démontre clairement la nature des plans du régime pour le long terme, qui scellent le statut de millions de Palestiniens en tant que sujets sans droits ni protections. Privés de toute possibilité d’influer sur leur propre avenir, contraints de vivre dans des enclaves séparées les unes des autres et en proie au marasme économique.
Ce constat est extrait d’un rapport alarmant de 50 pages (« This is ours – And this too ») (lire ci-dessous le document en anglais) que publient, mardi 9 mars, l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem et une autre ONG israélienne, Kerem Navot, qui étudie depuis 2002 le développement de la colonisation des territoires occupés.
Selon ce document, sur les 14 millions de personnes qui vivent aujourd’hui entre la Méditerranée et le Jourdain, près de 6,87 millions (48,7 %) sont des Israéliens, et 6,76 millions (47,9 %) des Palestiniens. Parmi les premiers, 6,2 millions vivent dans les limites actuelles d’Israël et 662 000 sont implantés dans les colonies de Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est).
Pour les Palestiniens, 2,75 millions vivent en Cisjordanie, près de 2,05 millions dans la bande de Gaza, 1,6 million sont des citoyens israéliens et 350 000 environ sont des résidents de Jérusalem-Est. Mais ces différentes populations sont loin de se développer dans les mêmes conditions et au même rythme.
À la fin de 2019, constatent les auteurs du rapport, 441 619 colons israéliens vivaient en Cisjordanie (hors Jérusalem-Est). Selon le Bureau central des statistiques israélien, la population des 280 colonies implantées en Cisjordanie a progressé de 42 % depuis 2010 – au lendemain du retour au pouvoir de Benjamin Netanyahou – et de 222 % par rapport à 2000. Pour la seule année 2019, le nombre de colons a progressé de 3,2 %. Soit 68 % de plus que la population globale d’Israël, dont l’accroissement, la même année, était seulement de 1,9 %.
À titre d’exemple de l’inégalité des taux de progression, selon les types de colonies ou de population, le rapport cite les cas des deux plus grandes colonies ultra-orthodoxes de Cisjordanie – Modi’in Illit, à mi-chemin entre Jérusalem et Tel-Aviv, et Beitar Illit, à l’ouest de Bethléem – qui réunissent 140 053 colons, soit un tiers de la population israélienne de Cisjordanie. Elles ont connu une progression démographique explosive de 435 % depuis 2000. (...)