• Les conteneurs tombés à la mer, un danger passé sous les radars
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    Le porte-conteneurs « One Apus », dans le port de Kobé (Japon), le 10 décembre 2020, dix jours après avoir été frappé par un violent orage.
    BUDDHIKA WEERASINGHE / BLOOMBERG via GETTY IMAGES

    ENQUÊTE - Des milliers de ces boîtes de plusieurs tonnes finissent au fond des océans chaque année, ce qui contribue à la détérioration des écosystèmes et rend la navigation plus dangereuse.

    De mémoire d’armateur, on n’a jamais vu ça. Ces derniers mois, la perte de conteneurs, un mal discret dont souffre le commerce maritime, a pris une ampleur exceptionnelle. Plusieurs navires ont joué au Petit Poucet par gros temps. Pas moins de sept accidents ont été recensés entre octobre 2020 et février 2021, bien moins médiatisés que le blocage du canal de Suez, fin mars, par un cargo géant.

    Au total, près de 3 100 boîtes métalliques sont passées par-dessus bord, essentiellement dans le Pacifique Nord, le passage le plus rapide entre l’Asie et la côte ouest des Etats-Unis mais aussi le plus dangereux, avec sa forte houle et ses vents mauvais.

    Le capitaine du One Apus n’oubliera pas de sitôt ce guêpier météo. Parti du port chinois de Yantian, le marin faisait route vers la Californie quand, dans la soirée du 30 novembre 2020, un violent orage a frappé son porte-conteneurs, un bâtiment aussi long que la tour Eiffel est haute. De plus en plus menaçantes, les vagues ont provoqué un roulis si puissant que des piles de marchandises se sont effondrées. Selon les chiffres de l’armateur, 1 816 boîtes sur les 14 000 transportées sont tombées à l’eau. Et au moins 64 d’entre elles contenaient des produits toxiques et explosifs, engloutis à jamais au fond de l’océan, à quelque 1 600 milles nautiques d’Hawaï.

    « Oui, certaines images qu’on a pu voir récemment sont spectaculaires, qui pourrait le nier ?, convient Christine Cabau, membre de l’état-major de la compagnie française CMA CGM, quatrième armateur mondial. Les accidents se sont en effet multipliés, une tragique loi des séries. Mais n’oubliez pas que 226 millions de conteneurs transitent chaque année sur les mers du globe et que les chutes restent marginales. Le phénomène doit être relativisé. »

    Que disent les statistiques ? Inutile de chercher une base de données internationale, il n’en existe pas. Du côté des transporteurs, on se fie volontiers aux chiffres du World Shipping Council, le porte-voix des compagnies qui comptent. Sur la base des études menées depuis 2008 auprès de ses adhérents, l’organisme avance que 1 382 conteneurs sont perdus en moyenne chaque année.

    Cette comptabilité à l’unité près fait sourire Charlotte Nithart, porte-parole de l’association de défense de l’environnement Robin des Bois. « Comment croire en une telle précision ? Outre les événements majeurs comme celui du _One Apus_, il faut aussi prendre en considération les pertes de routine non déclarées. Nous pensons plutôt que plusieurs dizaines de milliers de boîtes disparaissent dans les flots chaque année._ »

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