• Santé au travail : la ligne rouge | Alternatives Economiques
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    Quand on fait discuter ensemble des professionnels exerçant dans les services de santé au travail (SST) – des médecins et des infirmières du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP, ergonomes, psychologues) – comme nous l’avons organisé en juillet dernier (voir « Leur réforme de la santé au travail »), ceux-ci déplorent que beaucoup de salariés subissent des expositions professionnelles qui nuisent à leur état de santé mais que très peu d’entreprises agissent réellement en prévention primaire, malgré souvent les conseils et les recommandations des préventeurs. Elles en restent trop souvent à des discours ou à des actions visant davantage à adapter le travailleur qu’à changer le travail et supprimer les risques. Notre panel de professionnels avait diagnostiqué trois chantiers prioritaires dans la réforme espérée de la santé au travail.

    En premier lieu, les médecins du travail, notamment, préconisaient de mettre fin à la gouvernance patronale des services de santé au travail. Le pactole que représentent les SST, sur lequel le patronat règne sans partage, est un obstacle à tout changement ambitieux et empoisonne le système. Comme le recommandait le rapport de Charlotte Parmentier-Lecocq en 2018, les médecins du travail sont favorables à un recouvrement des cotisations par les Urssaf.

    Il est indispensable de garantir l’indépendance professionnelle des acteurs de la santé au travail

    Ensuite, les professionnels que nous avons réunis recommandaient d’organiser, enfin, un vrai fonctionnement pluridisciplinaire dans les SST, au service exclusif de la santé au travail. Il faut mettre fin au travail en silo où les médecins et les infirmières se cantonnent dans les visites médicales et les IPRP répondent à la seule demande des employeurs, davantage pour garantir leur sécurité juridique que pour prévenir les risques ou aménager des postes afin de favoriser le maintien dans l’emploi.

    Enfin, à l’unisson, qu’ils soient médecins ou infirmières du travail, ergonomes ou psychologues, tous considéraient qu’il était indispensable de garantir l’indépendance professionnelle des acteurs de la santé au travail. Intervenir sur ce sujet sensible aux confins des contradictions entre l’économie et la santé, impose que la parole soit libre et que les règles de métiers échappent au pouvoir hiérarchique de l’employeur dont les intérêts ne sont pas ceux de la santé publique. En contrepartie de ce statut protecteur, une charte déontologique de chacun des métiers doit être élaborée.