• À propos de la réécriture des livres de Roald Dahl | castagne
    https://hyperbate.fr/castagne/2023/02/22/11069

    Je vais commencer de péremptoirement et synthétiquement en disant ceci : altérer les textes de Roald Dahl pour éviter toute notion qui risquerait d’offenser ses lecteurs est idiot.
    Je ne cours pas un risque énorme en écrivant ça, car je n’ai pas vu grand monde en France prendre la défense de cette manœuvre due à l’éditeur Puffin (le label jeunesse de Penguin books) et à la Roald Dahl Story Company.
    Et à présent, la version longue.
    […]
    Au passage, comme j’ai mauvais esprit, je me demande toujours si ce genre d’opération tapageuse (« nouvelle traduction », « version réécrite ») ne constitue pas de la part des éditeurs historiques et des ayant-droits un moyen rusé pour relancer les années de copyright sur une œuvre dont l’auteur est décédé. Je m’explique : Roald Dahl étant décédé en 1990, ses œuvres entreront dans le domaine public, selon le droit britannique, en 2060 (1990+70 ans). Mais la Roald Dahl Story Company, qui gère les droits de Roald Dahl et qui vient d’être acquise par Netflix, peut signer les textes réécrits en tant que personne morale (l’auteur n’est plus une personne physique), et faire courir leur copyright jusqu’en 2143 ! (2023+120 ans, la durée du copyright pour les sociétés dans le droit étasunien). Plus de 80 ans de gagnés !

    • Au cours de religion à l’école primaire ils nous ont fourni une bible pour enfants qui n’avait aucun intérêt. Pas de sexe, pas de punitions effroyables, la fin de Sodome et Gomorrhe était présentée comme une explosion atomique sans morts. Il y avait juste le petit David tout mignon qui gagnait contre Goliath. Aucun suspense.
      Tu en connais le résultat ...

      Quant au ruses de copyright je m’en fous royalement car il est tout à fait possible qu’en 80 ans il n’y aura plus d’États Unis. Puis, même si les US survivent encore pendant tant d’années la question sera plutôt comment appeler « Roald Dahl » en chinois ;-) ?!?

      #political_correctness #copyright #impérialisme #wtf

  • Bastien Vivès: la morale de la polémique – L’image sociale
    http://imagesociale.fr/10890

    Protester contre la consécration d’une œuvre ou d’un auteur fait partie des formes les plus banales de ce débat, et n’est l’apanage d’aucun camp. A ma gauche : la critique féministe du César décerné à Polanski en 2020 ; à ma droite : la disqualification réactionnaire du Nobel attribué à Annie Ernaux en 2022. Dès lors qu’on admet que le champ culturel n’est pas un héritage figé, mais le lieu même de la confrontation des idées, le débat apparaît comme l’outil indispensable de la manifestation de l’évolution des sensibilités. La protestation qui a accueilli le projet de carte blanche du festival d’Angoulême s’inscrit précisément dans ce cadre : elle traduit la préoccupation nouvelle des violences sexuelles, l’intégration récente de la question de l’inceste, le souci d’éviter la banalisation de modèles néfastes et de protéger les victimes. Bien entendu, la création culturelle implique la liberté d’expression, mais celle-ci n’a jamais été sans limites. C’est très exactement à discuter de ces limites que sert le débat public.

    • LE postulat de base :

      Une fois pour toutes : agiter l’épouvantail de la censure n’a pour seul objectif que de refuser le débat. C’est un argument de dominant, qui vise à préserver le statu quo – raison pour laquelle la dénonciation de la « cancel culture » est devenue un réflexe des paniques morales du camp conservateur.

      Après, place au #débat.

    • Personne pour dire que la programmation d’une expo Bastien Vives à Angoulème est un coup de pied de l’âne de la direction du festival qui digère mal que le jury de l’année dernière ait désigné Julie Doucet présidente de l’édition 2023 en lui attribuant le Granx Prix 2022 ?

    • Ah ben si !

      https://www.actuabd.com/+BD-Egalite-s-exprime-au-sujet-de-Vives+

      https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20221222.OBS67449/derriere-l-affaire-bastien-vives-la-gronde-des-autrices-de-bd.html

      Mais apparemment, ça rentre pas dans la caboche.
      Il est juste que l’expo Vives soit annulée. Non pas parce qu’elle aurait consacré un artiste problématique. Mais parce que elle constitue un instrument de l’invisibilisation des femmes. Y compris en remplissant l’espace médiatique avec des circonvolutions sur l’art, la morale et mon cul sur la commode

    • Nul ne prétend que la lecture d’un album de Vivès provoquera mécaniquement le viol d’un enfant – pas plus que la vision d’une caricature antisémite ne suscitera fatalement une violence raciste. En revanche, il serait ridicule de nier que dans les deux cas, le jeu avec le fantasme et la légitimation symbolique que représente sa figuration est bien ce que recherche le public de ces productions. Dans un de ces registres, nous avons décidé qu’il était préférable de prohiber ce jeu dangereux.

    • Un commentaire du blog de Jean-No qui parle du point de vue d’une autrice.

      Blanche
      25 décembre 2022 à 11 h 12 min

      Sur ta suggestion, je copie ici la très longue réponse que je t’ai faite sur Mastodon.

      Je fais partie des signataires de la tribune publiée sur Médiapart, et je ne me sens pas « mauvais gagnant », parce qu’on n’a pas gagné.

      
La direction du FIBD a choisi l’annulation pour protéger Vivès et se dédouaner à peu de frais en disant en gros « on était prêts à discuter de la responsabilité de l’artiste, mais ces hystériques ne nous ont pas laissé le choix ». Sauf qu’il n’y a aucune réflexion sur la responsabilité du FIBD.

      Je vais commencer par pointer que je suis d’accord avec plusieurs choses, et que c’est pour ça que j’ai l’espoir qu’on puisse en discuter réellement. Je suis d’accord avec le fait que le saupoudrage de persos appartenant à des minorités dans une œuvre pour se donner bonne conscience de façon superficielle sans changer le reste du modèle médiatique n’est pas un horizon souhaitable. C’est pauvre, et c’est souvent une arme pour faire taire ces minorités. Je suis d’accord aussi avec le fait qu’il faut toujours se méfier des arguments de moralité pour censurer l’art, et en tant que personne queer (et blanche et privilégiée par ailleurs), c’est quelque chose que je n’ai jamais oublié et qui m’a précisément fait réfléchir longuement au « cas Vivès ». L’argument de la loi n’est pas suffisant du tout (et d’ailleurs la tribune évite délibérément cet angle).

      Mais je crois que ce texte pêche par une focalisation sur l’individuel, c’est-à-dire la responsabilité de l’artiste (et son avenir professionnel une fois mis devant ses responsabilités), sans voir tout le reste : Qui a la possibilité de devenir artiste ? Comment l’art est influencé et médiatisé par différentes instances (les maisons d’éd., les médias culturels, les institutions publiques, les festivals…) ? Quel est leur rôle, avec quelles conséquences ?

      Et je crois que c’est particulièrement facile à comprendre au sujet de l’argument pour la légitimité des acteurices à jouer ce qu’iels ne sont pas. Il faut absolument voir le documentaire « Disclosure » sur Netflix qui discute des conséquences réelles et profondes du « droit des personnes cis à jouer des persos trans » à la fois en termes de représentation et d’opportunités de travail quasi-inexistantes pour les acteurices trans aux É-U. Idem sur la question de l’actrice noire « pas assez foncée » pour jouer Nina Simone : l’idée que « ça va trop loin » sous-entend que quand même, un Noir est un Noir, il faut pas chipoter, et ignore complètement la réalité et les conséquences dramatiques du colorisme, qui est entretenu et renforcé à un niveau collectif par la mise en avant systématique d’actrices et de célébrités noires à la peau claire.

      Mais ça n’est pas qu’une question d’image : au cœur du problème, il y a évidemment ce qui est raconté. Et donc la question de la légitimité de tout un chacun à créer des œuvres parlant de ce qu’on est pas. Là aussi, le problème n’est pas à regarder uniquement au niveau individuel, mais plutôt à l’échelle collective. Avec l’argument « rien de ce qui est humain ne m’est étranger », les auteurs blancs privilégiés peuvent continuer à être publiés, c’est super, rien à changer. Sauf qu’il y a des conséquences systémiques sur l’accès à la profession d’auteur, à l’argent et à l’exposition médiatique. Le problème, ce n’est pas qu’individuellement, quelqu’un parle d’un sujet « de l’extérieur », c’est qu’iel prend la place de quelqu’un qui pourrait en parler « de l’intérieur », et qui aurait des choses à exprimer qu’iel serait seul·e à pouvoir exprimer justement sans tomber dans une représentation superficielle à la Benetton. Quand on fait l’effort de lire, d’écouter ou de regarder l’art de personnes appartenant à ces diverses communautés (ou minorités non organisées en communautés, d’ailleurs), on se rend compte qu’iels ont des choses à dire, à nous apprendre sur l’expérience humaine, et qu’on est généralement très loin d’une bienpensance aseptisée. Mais justement, il faut faire l’effort, il faut aller chercher, parce qu’iels sont maintenu·es à l’écart. 
Il y a des limites matérielles et financières à ce qui peut être publié, et quand certaines catégories de la population trustent la profession, c’est précisément là qu’on se retrouve avec des décisions qui soit mettent en avant le même pt de vue oppressif traditionnel (sexiste, raciste, etc.) en se cachant derrière la nécessaire liberté absolue de l’art, soit ne laissent la place qu’à des produits de consommation pseudo-inclusifs tièdes parce qu’iels ne comprennent pas les enjeux.

      Et au-delà du pouvoir de décision des maisons d’éd. ou des financeurs, il y a un « milieu », un système (là aussi) de sociabilités qui continue à exclure, en exigeant par exemple des autrices qu’elles acceptent de bonne grâce de côtoyer des auteurs dont tout le monde sait qu’ils sont des connards dangereux, parce qu’il faudrait voir à pas être trop chiantes non plus. Déjà qu’on les laisse publier leurs histoires de filles, hein. À répéter pour les autres minorités.

      Et là-dedans, le FIBD a un rôle important, à la fois de lieu de sociabilisation des auteurices, et de prescripteur culturel (subventionné par de l’argent public). Un artiste peut se rêver en sale gosse irrévérencieux, en poil-à-gratter de la société bla bla bla, mais le FIBD ne peut pas. Le FIBD, de par sa fonction, présente un art qui se retrouve de fait « art officiel », légitime et institutionnel. Le FIBD a une fonction politique. Et c’est là qu’on ne peut pas ignorer « la morale », dans le sens des valeurs que le FIBD défend activement. Pour moi et les autres signataires de la tribune, le féminisme – c’est-à-dire la lutte pour parvenir à une égalité de fait dans la société – est important. Or Vivès, malgré toutes les qualités narratives et artistiques de ses œuvres, est ouvertement, bruyamment, agressivement anti-féministe.

      Si le FIBD ne lui consacre pas d’expo, il ne le censure en rien. Mais s’il lui consacre une expo, il met de fait en avant un discours conservateur et excluant. Le problème, c’est qu’au moment de faire la programmation, ça ne dérange visiblement pas la direction artistique du FIBD, et que dans le communiqué (non-signé) annonçant l’annulation, à aucun moment la responsabilité morale du FIBD n’est évoquée.

      C’est marrant, parce que l’expression « on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre » appliquée dans ce texte aux mobilisé·es contre l’expo, c’est exactement celle qui m’est venue à l’esprit au sujet de Vivès et d’au moins un des directeurs artistiques du FIBD, qui se pensent comme des critiques d’une bien-pensance hégémonique, alors qu’ils sont au contraire du côté de l’ordre établi, favorisés dans l’accès aux postes et aux prix. Dans ma métaphore, le beurre, c’est l’absence totale de responsabilité parce « l’art, m’voyez », et l’argent du beurre, c’est à la fois l’argent qu’ils touchent et la position d’être en mesure de se faire plaisir à écrire les BD ou monter les expos qu’ils veulent (celles qui célèbrent les femmes en montrant les gros nichons de la crémière, bien sûr). 



      Cette année il y a 3 expos consacrées à des autrices sur 11 expos individuelles (+ 4 expos collectives où on risque de retrouver le même genre de proportion), et il faudrait s’estimer heureux·ses ?! L’expo Vivès, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, mais il reste bien rempli, le vase. Elles restent bien là, les inégalités. Ras-le-bol. On devrait continuer à se contenter de miettes, et dire merci en plus ?

      Si on se rassemble pour signer des tribunes et des pétitions, c’est parce qu’on ne se bat pas contre un auteur, mais contre tout un système discriminatoire. Et on est loin d’avoir gagné.

      
Mais j’accueille volontiers la discussion, puisque j’ai forcément moi aussi des angles aveugles.


    • Évènement de Galerie Arts Factory et L’Association
      https://www.facebook.com/events/724673695964892

      Grand Prix du Festival d’Angoulême 2022, l’autrice canadienne Julie Doucet sera le vendredi 20 janvier à la galerie Arts Factory pour présenter et déplier « Suicide Total », un livre monstre de 20 mètres de long !

      au même endroit Amandine Urruty the model exposition personnelle du 17/01 au 25/02.
      https://artsfactory.net/index.php/amandine-urruty-4

  • Un « Deux poids deux mesures », mais lequel ? | Noémie Emmanuel
    https://lmsi.net/Un-Deux-poids-deux-mesures-mais-lequel

    Mercredi dernier est paru, en une de Siné mensuel, une caricature du président Macron qui a provoqué un malaise certain, et même une légitime indignation, du fait de ses profonds relents antisémites. C’est sur cette caricature et sur les différentes réactions qu’elle a suscitées que nous voudrions revenir, mais aussi sur quelques autres dessins ou écrits du même tonneau, parus récemment. Car c’est bel et bien un « Deux poids deux mesures », pour reprendre une formule consacrée, qui s’est manifesté une fois de plus, mais pas au sens où on l’entend souvent : la ligne de partage ne passe pas entre un antisémitisme qui serait unanimement et constamment combattu et d’autres racismes qui le seraient moins, mais entre deux antisémitismes, inégalement réprouvés. Source : Les mots sont (...)

    • Oui, faire comme si, rien que pour rappeler que Darmanin est malfaisant, c’est une erreur à mon sens aussi.
      (je précise que je suis comme @jeanno, la première idée qui me vient en voyant ce dessin, cette couronne, ce roi, c’est Robin des Bois, mais après tout, faisons comme si les caricatures étaient nauséabondes par définition... on pourrait peut-être de la sorte une bonne foi cesser de disserter sur celles qui sont autorisées, et celles qui ne le sont pas !)

    • iconographie antisémite, suite
      https://hyperbate.fr/castagne/2021/04/11/liconographie-antisemite-suite/#comment-16762

      On m’a beaucoup parlé d’un rapport à la banque, à la finance, qui me semble objectivement absent de l’image, mais vous avez raison : cette référence est sans doute déclenchée par le « coûte », je n’y avais pas pensé !

      [...]
      Et la phrase ajoutée au dessin par la rédac, sans qu’elle fût dans le projet du dessinateur

      #lapsus

    • A nos lecteurs
      La Rédaction, avril 2021
      https://www.sinemensuel.com/non-classe/a-nos-lecteurs

      La une de Siné Mensuel caricaturant Macron en roi de France avec une couronne sur la tête n’a pas plu à tout le monde. Certains ont même qualifié cette caricature d’antisémite. Pourquoi ? On a beau s’être creusé la tête, au journal, impossible de trouver la moindre once d’antisémitisme dans notre une. Souvenez-vous des caricatures de Louis-Philippe par Daumier. Macron avec un nez de Bourbon, ce sont les royalistes qui pourraient râler. On a même scruté les unes de Charlie Hebdo pour voir quelle gueule ils lui faisaient. Résultat : peu ou prou la même. Mais l’indignation des belles âmes étant réservée à Siné Mensuel, difficile de ne pas y voir une très mauvaise foi.

      Il s’agit donc d’une attaque politique franchement dégueulasse. Il est tellement plus simple de couvrir d’infamie un adversaire politique plutôt que d’argumenter. Plus simple de qualifier l’adversaire d’islamo-gauchiste ou d’antisémite : c’est une arme de destruction massive. Ils sont tombés sur la tête, et c’est un bien mauvais calcul d’instrumentaliser ainsi la lutte contre l’antisémitisme. Notre haine envers celui-ci n’est pas moins grande que celle que lui vouent BHL ou Enthoven (qui, les premiers, nous ont jetés en pâture sur les réseaux sociaux, aussitôt relayés par d’autres).

      Dans un premier temps, nous n’avons pas voulu entrer dans la polémique tant elle nous paraissait absurde et ridicule. Il faut croire que ce pays est en train de devenir dingue. Mais il nous a semblé que nous devions faire une mise au point pour ceux qui nous soutiennent.

      Macron est le président de ce pays et, à ce titre, Siné Mensuel continuera à jouer son rôle contestataire, n’en déplaise aux chiens de garde du pouvoir.

      Certains sont choqués par les caricatures et n’aiment pas ce genre de dessin. Ils en ont parfaitement le droit. La caricature accentue les traits, déforme les corps et ne plaît pas à tout le monde. C’est ainsi. Ça ne rend pas le dessin antisémite. Son auteur, le grand Solé, en assume la responsabilité et récuse, justement écœuré, tout soupçon à cet égard : nous défions quiconque de trouver la moindre trace de racisme ou d’antisémitisme dans son œuvre, commencée il y a cinquante ans dans Pilote.

      Qualifier un journal d’antisémite est une diffamation, qui peut faire l’objet de poursuites et être condamnée. Il est à remarquer que ceux qui ont sonné l’hallali se sont bien gardés d’utiliser le mot d’antisémitisme, laissant ce soin à leurs followers qui, eux, sont ainsi susceptibles de se voir traînés devant un tribunal. Quel courage…

      Quant à Siné, on vous rappelle, puisque certains continuent à l’ignorer, qu’il a gagné tous ses procès en 2008.

      Banzaï !