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  • En Cisjordanie, les derniers bergers de la vallée de Humsa
    13 avril 2021 Par Samuel Forey | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/130421/en-cisjordanie-les-derniers-bergers-de-la-vallee-de-humsa?onglet=full

    Cisjordanie.– La citerne vert émeraude luisait en contrebas du campement de la famille Abou al-Kabash. Luisait, parce qu’elle a été confisquée le 22 février dernier par les autorités israéliennes, sous les yeux de Nitham, qui contemplait, impuissant, le désastre : « Les soldats ont vidé l’eau, puis emporté les citernes. Nous n’avons plus de réservoir, ni pour nous, ni pour les bêtes. Pour l’instant, ça va encore, c’est l’hiver. Mais cet été, comment va-t-on faire ? » L’homme, 31 ans, a grandi dans cette vallée. Il parle, la voix calme, le ton égal, assis à même la terre qu’il se refuse à quitter.

    La citerne était le bien le plus précieux des Abou al-Kabash. Avec la famille Abou al-Awawdeh, elle vit dans le lieu-dit de Humsa al-Bqai’a, une communauté de bergers d’une centaine de personnes, au cœur des basses terres de la vallée du Jourdain.

    En mars, c’est encore l’Écosse en pleine Palestine. Les collines sont couvertes d’une herbe tendre au milieu de laquelle coulent de petits ruisseaux. Mais, bientôt, les rayons du soleil frapperont de toutes leurs forces, et transformeront la belle vallée en désert aride. Alors, il n’y aura plus rien à boire. Pourtant, un puits se trouve à quelques centaines de mètres du hameau. Mais cette eau est interdite à ses habitants. Exploitée par la compagnie nationale Mekorot, elle est destinée aux colonies de la région, qui abritent quelque 11 000 personnes, selon l’ONG israélienne B’Tselem.

    La confiscation de la citerne était le dernier acte d’une série de pressions qui a commencé le 3 novembre 2020. Ce jour-là, les soldats détruisent méthodiquement les campements, dans la plus importante entreprise de démolition en Cisjordanie depuis 2016, selon l’OCHA, l’agence des Nations unies chargée de la coordination humanitaire.

    Des tentes, des lits, des panneaux solaires, les abris pour les bêtes, les bâches pour le fourrage sont démontés, détruits ou enlevés. Les trois quarts de la communauté, soit 70 personnes, dont 40 enfants, se retrouvent sans ressources alors que le froid arrive. Les hivers, dans la vallée du Jourdain, sont aussi rigoureux que les étés sont ardents. Un vent puissant fouette les collines. Les averses transforment la terre sèche en une boue aussi collante que fertile. (...)