• SNU : la faute de l’Education nationale | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/110424/snu-la-faute-de-leducation-nationale

    Dans quelques semaines, la participation forcée des élèves de Seconde rend de facto le SNU obligatoire. Avec la mise au pas de la jeunesse autour d’une mystique identitaire par une contrainte de type militaire, c’est aussi le service public d’éducation, maître d’œuvre et maître d’ouvrage du dispositif, qui change de nature.

  • VSA et Jeux Olympiques : coup d’envoi pour les entreprises de surveillance | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/la-quadrature-du-net/blog/260124/vsa-et-jeux-olympiques-coup-d-envoi-pour-les-entreprises-de-surveill

    Après plusieurs mois de tests et de mises en situation, retardées par le fait qu’une entreprise a contesté en justice les conditions du marché, celui-ci a donc été attribué au début du mois de janvier. Le marché est divisé en quatre lots géographiques. La start-up Wintics installera ses logiciels en Île-de-France quand Videtics se chargera de l’Outre-Mer et d’un ensemble de régions du Sud (Provence Alpes Cote d’Azur, Rhône-Alpes et Corse). Pour les autres régions de France, c’est Chapsvision qui a été désignée. Cette entreprise omniprésente dans les services de l’État et qui se veut le nouveau Palantir français, vient de racheter la start-up de VSA belge ACIC. Enfin, Wintics s’est également vu attribuer la surveillance des transports (comprenant gares et stations). Quant à Orange Business Service – en partenariat avec Ipsotek, filiale d’Atos (nouvellement Eviden), elle est également attributaire au 3e rang du lot des transports, c’est à dire mobilisable en cas de défaillance de Wintics. Du beau monde !
    Une évaluation incertaine

    Ces entreprises pourront ainsi mettre à disposition leurs algorithmes, bien au-delà des seuls Jeux olympiques puisque cette expérimentation concerne tout « évènement récréatif, sportif et culturel », et ce jusqu’au 31 mars 2025 soit bien après la fin des JO. Elle sera par la suite soumise à une « évaluation » présentée comme particulièrement innovante mais dont les modalités avaient en réalité été envisagées dès 2019 par Cédric O, alors secrétaire d’État au numérique, comme une manière de légitimer la reconnaissance faciale. Ces modalités ont été précisée par un second décret en date du 11 octobre 2023. Ainsi, un « comité d’évaluation » verra prochainement le jour et sera présidé par Christian Vigouroux, haut fonctionnaire passé par la section Intérieur du Conseil d’État. Le comité sera divisé en deux collèges distincts. Le premier réunira les « utilisateurs » de la VSA, c’est à dire la police, la gendarmerie, la SNCF, etc. Le second rassemblera des « personnalités qualifiées » telles que des experts techniques, des spécialistes du droit des données personnelles et des libertés publiques ou encore des parlementaires. Ils devront déterminer et mettre en œuvre un protocole d’évaluation qui ne sera rendu public qu’à la fin de l’expérimentation en mars 2025.

    Mais il ne faut pas se leurrer. Au regard de l’agenda politique de ces entreprises et des autorités qui veulent, à long terme, légaliser ces outils et de façon générale toute forme de surveillance biométrique3, cette « expérimentation » pendant les Jeux olympiques doit être vue comme une simple étape vers la légitimation et la pérennisation de ces technologies. En évoquant un dispositif au caractère temporaire et réversible, ce concept d’« expérimentation », permet de rendre une technologie aussi controversée que la VSA plus facilement acceptable pour le public.

    Le caractère expérimental permet également de sortir du cadre classique juridique d’examen de proportionnalité. Ainsi l’évaluation ne portera pas sur les critères habituels de nécessité vis à vis d’un objectif d’intérêt public ou de proportionnalité vis à vis des atteintes aux droits. Non, l’évaluation sera plutôt guidée par une approche pragmatique et opérationnelle. On peut imaginer que seront pris en compte le nombre de cas détectés ou le nombre d’interpellations, sans mesurer leur réelle utilité sur la sécurité en tant que politique publique globale, et ce, dans la lignée de la politique du chiffre conduite depuis des années par le Ministère de l’intérieur.

    Surtout, on peine à voir comment l’État abandonnerait soudainement une technologie dans laquelle il a tant investi et à laquelle il a déjà cédé énormément de place dans les pratiques policières. Les exemples passés nous montrent que les projets sécuritaires censés être temporaires sont systématiquement prolongés, telles que les boites noires de la loi Renseignement ou les dispositions dérogatoires de l’état d’urgence.

    #technopolice #Vidéosurveillance #Jeux_olympiques

  • Un mois après les émeutes, regard d’un élu local de Saint-Denis dans le 93 | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/brahimchikhi/blog/030823/un-mois-apres-les-emeutes-regard-dun-elu-local-de-saint-denis-dans-l

    Le temps du deuil n’est plus un temps mort, le corps de l’adolescent n’était pas encore en terre que les graines de la violence étaient soigneusement plantées sur les plateaux des chaines d’infos télé. Parole est donnée aux syndicats de policiers et aux chroniqueurs plus police que justice. La technique de vente à découvert de bavures policière est bien rodée ; pour prendre la vie d’un adolescent à bon prix il faut la dévaluer, lui trouver des vices cachés dans l’âme pour vendre la mort à l’opinion publique. Les erreurs de jeunesses sont des preuves à charge pour montrer que l’adulte qui allait éclore du cocon ne serait pas un papillon, mais une larve parasite sur le chêne de la République. Brahim tais-toi ! me disent-ils, nos vies ne comptent pas.

    Présomption d’innocence pour le policier qui a tiré, présomption de culpabilité pour l’enfant qui git à la morgue dans un casier. Folie de l’État, le parquet poursuit l’enfant jusque dans l’au-delà, la France vient de créer le délit de fuite sur le chemin de la paix éternelle. Brahim tas-toi ! me disent-ils, la justice n’est pas pour nous.

    • Face à ces problèmes l’État donne de l’argent mais malheureusement pas au bon endroit. Elle met le paquet sur la rénovation urbaine, des milliards d’investissements sont déverser pour démolir des tours et refaire des façades, la misère serait un problème immobilier et sa solution serait dans le prix du mètre carré. Héritage du baron Haussmann, il suffit de démolir et de faire des rues droites pour rectifier la trajectoire des habitants.

      La réalité est qu’investir dans la rénovation urbaine coûte moins cher que de recruter des professeurs, des médecins et des policiers. Il faut vingt ans pour élever un citoyen, il suffit de vingt mois pour élever une tour.

  • Le kitsch olympique | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/editions-passion/blog/260723/le-kitsch-olympique

    Le kitsch olympique

    La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, s’ils ont lieu, devrait se dérouler dans un an, jour pour jour. Le point de départ de cet événement sportif mondial insensé – sans sécurité, en pleine guerre, sous des menaces, tant intérieure qu’extérieure – est le relais de la flamme olympique puis, son point d’orgue, le défilé des athlètes juchés sur des bateaux aux couleurs nationales.

    1936 : d’Olympie à Berlin…

    Historiquement, le relais de la flamme qui prend son départ d’Olympie pour atteindre le stade de la ville hôte tire son origine des JO nazis de Berlin 1936. Ce relais fut en effet inventé ou plutôt réinventé par Carl Diem, le secrétaire général du Comité organisateur des Jeux olympiques allemand (Jean-Marie Brohm, 1936. Les Jeux olympiques à Berlin). Carl Diem a imposé une tradition grecque qui n’existait pas vraiment en la transformant, c’est-à-dire en l’adaptant à l’idéologie nazie à partir de courses aux flambeaux de l’Antiquité grecque appelées les lampadédromies. L’idée du relais de la ville d’Olympie à Berlin se veut une parabole du lien sacré et désormais reconstruit entre Antiquité et modernité, hellénité et germanité, la Grèce et l’Allemagne.

    Sur le site d’Olympie, aujourd’hui encore et avant le départ de la flamme et son relais, il y a toute une chorégraphie qui accompagne son allumage. Elle est désuète et archaïque : vestales en supposés costumes grecs (jeunes femmes en drapé) et garçons déguisés en archers. Ces mises en scène parodiques, comiques voire loufoques furent elles aussi de pures créations nazies, approuvées par Joseph Goebbels (ministre de la propagande), adoptées par le CIO et mises en œuvre par les villes hôtes depuis, précisément, les JO de Berlin 1936. La mobilisation de l’Antiquité par les nazis, la récupération corrigée sinon révisée des rites antiques grecs, très bien documentée par l’historien Johan Chapoutot (Le nazisme et l’Antiquité), fait partie intégrante de l’arsenal olympique moderne qui n’a jamais été remis en cause.
    [...]
    2024 : la mise en Seine olympique

    Pour les JO de Paris 2024, le relais de la flamme, parti d’Olympie et une fois franchi la Méditerranée, passera par 65 villes-étapes et les départements français qui ont acquitté une facture de 180.000 € (TTC). Certaines d’entre elles – d’anciennes villes olympiques – l’ont toutefois refusé : Grenoble, Albertville… ainsi qu’une dizaine de départements. La flamme traversera tous les arrondissements de Paris.

    L’empreinte marquante que veulent laisser les JO de Paris 2024 concerne la cérémonie d’ouverture qui ne se déroulera pas dans un stade mais sur la Seine et au cœur de Paris. Elle a, elle aussi, tout d’un spectacle kitsch à la fois dangereux et désuet. Près de deux centaines de millions d’euros dépensés pour un défilé du pont d’Austerlitz au pont d’Iéna (via la Concorde, les Invalides, le Grand Palais…), sur une distance de 6 km, d’environ 150 barges chargées de 10.000 athlètes et de quelques VIP sélectionnées (2.700 € la place…) s’exhibant devant plusieurs centaines de milliers de spectateurs dans des tribunes, sur les quais et la présence d’une centaine de chefs d’État (Poutine et Jinping, les fauteurs de guerre ou encore Erdogan, tous représentants les grandes démocraties seront-ils présents ?).
    [...]

  • Comme un appel après Nahel
    https://blogs.mediapart.fr/nadia-mokaddem/blog/050723/comme-un-appel-apres-nahel

    Sans doute parce que désormais il va de soi que nous habitons des quartiers insensibles où de magnifiques terrasses de café et des parcs proprets et une consommation proprette noie et interdit l’accès à cette humanité sensible car rappelez vous on n’est pas là pour s’aimer et vivre en hommes et en femmes et en êtres de chair et de désirs et de rêves.

    On est là pour adorer le bleu : celui de nos cartes et de nos uniformes et des coups que nous infligeons avec grâce et empressement à nos humanités en acceptant de poser un genou à terre chaque jour en hommage au capitalisme triomphant.

  • Maïwenn et Mediapart : des contresens et des mensonges (Mediapart)
    https://blogs.mediapart.fr/lenaig-bredoux/blog/110623/maiwenn-et-mediapart-des-contresens-et-des-mensonges

    Maïwenn ne s’en est pas cachée : elle a souvent critiqué #MeToo ces dernières années, tout en soutenant le principe. Elle a soutenu Roman Polanski, attaqué Adèle Haenel et le mouvement féministe (« radical »). Elle en a même fait un étendard en choisissant Johnny Depp, acteur mis en cause pour des violences conjugales, pour son dernier film et en organisant sa « rédemption » lors du dernier festival de Cannes.

    La réalisatrice en a parfaitement le droit. Là n’est pas la question. Mais ne soyons pas dupes de l’offensive médiatique et politique contre #MeToo à laquelle elle participe aujourd’hui, avec le JDD.

    Enfin, ne l’oublions pas : cette affaire, qui n’honore guère le débat public, illustre une forme d’impunité sociale légitimant l’agression du directeur d’un journal. Si un·e gilet jaune mécontent, un·e militant·e des quartiers populaires, une féministe dépitée du devenir judiciaire d’un dossier, un quidam socialement blessé avait agressé sans dire un mot le directeur d’un média, tout le monde s’indignerait.

    Le fait d’être en désaccord avec un journal, quelle que soit la légitimité ou non de ce désaccord, ne saurait autoriser cette attitude. Ici, Maïwenn fait le jeu d’un monde qui ne voit que la violence dont il fait l’objet et légitime celle qu’il diffuse lui-même. Faut-il rappeler qu’Éric Zemmour, quand il fut interpellé avec virulence dans la rue (avant qu’il soit candidat), a eu droit à une émotion médiatique générale et à un appel du président de la République ?

  • Qu’aurait- on dit si la femme avait été blanche, indo-européenne ? Et Dieu sait à quelle point les vrais victimes de discrimination, restent les blanc(he)s. A lire, si vous avez du temps à tuer.

    « Madame, si on était racistes, on aurait pas choisi ce travail » | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/bernardetbianca/blog/110423/madame-si-etait-racistes-aurait-pas-choisi-ce-travail

  • Changer de cible : comment obliger le CAC40 à débrancher Macron, par Dominique G Boullier
    https://blogs.mediapart.fr/dominique-g-boullier/blog/150423/changer-de-cible-comment-obliger-le-cac40-debrancher-macron

    Romaric Godin avait raison d’appeler à une nouvelle #stratégie de la part des syndicats, mais pour cela, il faudrait qu’ils se décentrent de leur propre base et de leur vision du système productif et mesurent les propriétés de l’#adversaire, sinon ils continueront les manifs, les débrayages et jamais aucune grève générale ne verra le jour. Car ce moyen-là est lui-même épuisé. Comme le sont les ressources budgétaires des salariés mais aussi parce que le « tous ensemble » a été rendu impossible par l’émiettement des statuts, des postes, des entreprises, etc. A l’exception de quelques points de passage obligés que sont les raffineries, la gestion des déchets, l’électricité voire les transports. Mais ces blocages finissent par toucher plutôt les plus démunis et les « gens ordinaires », ce qui conduit à dresser le peuple contre le peuple « pris en otage » !

    Reprenons donc le raisonnement en partant d’un exemple d’action déjà menée cette semaine : l’invasion du magasin Louis Vuitton sur les Champs Elysées. C’est dans cette voie qu’il faut s’orienter pour plusieurs raisons (et cela prolonge les propositions de Michel Feher dans AOC parlant des Robin des Bois).

    • 1./ Ce sont elles [les quelques grandes entreprises financiarisées du CAC40] qui ont mis en place Macron après avoir hésité avec Fillon, branche qui s’est avérée pourrie mais qui eût été aussi malfaisante, ne nous faisons pas d’illusion, mais plus politique, ce que ne sait pas faire Macron.

      C’est là sa faille, il méprise la politique et tous les corps intermédiaires et pousse à la disruption de manière sadique (voir mon billet précédent sur ce blog) et c’est la méthode qu’on enseigne aux cost killers des business schools.

      Or tout le CAC40 n’est pas prêt à assumer une telle violence dans les rapports sociaux et reste sur un modèle de politique anesthésiante que la droite classique savait pratiquer en même temps que le bâton, pour produire de la servitude volontaire. Ces failles-là doivent être exploitées.

    • 2./ [la cible primaire : ] les effets de réputation financière sur leurs propres firmes.
      [...]
      premier niveau d’action : purement technique pour paralyser le système financier [...] toute action de sabotage élémentaire comme coupure d’électricité, coupures de réseaux de télécommunications et hackings de divers types pour faire tomber des serveurs est une menace sérieuse. Seuls quelques groupes sociaux clés peuvent mener ces actions et il faut lancer des appels en leur direction et coordonner leurs actions.
      [...]
      deuxième niveau d’action : saboter la réputation de ces firmes du CAC40 et des investisseurs étrangers sur la place de Paris, [...] montrer qu’ils sont devenus les ennemis du peuple et le faire comprendre aux investisseurs dans une propagation (voir mon livre récent sur les propagations) de réputation pourrie qui peut finir en panique boursière.

    • 3./ Les actions qui peuvent engendrer cet effondrement réputationnel sont alors innombrables. L’action chez Vuitton [envahissement du magasin des Champs-Elysées] en est un bon exemple. Pas de violence (car le mouvement joue lui aussi sur sa réputation), du grand spectacle (visibilité maximum à assurer), effet de peur garanti chez les clients mais aussi et surtout pour la firme (peur du discrédit avant tout, aussi à l’international), étiquetage martelé sur les superprofits de LVMH/ Bernard Arnault, désignation d’un ennemi précis facile à reconnaitre (les vampires du CAC40, des fonds spéculatifs et leurs superprofits) et prémisses d’actions de blocages (approvisionnements) et de boycott (par les consommateurs) : image de honte associée aux produits LVMH, analogue à l’effet de disqualification de l’avion - qui commence à fonctionner.

      et les 2 dernières sections du post (plus compactes)

      4./ Ces actions doivent être imprévisibles [...] Nous passons de l’action par le nombre à l’action par le scandale (selon la grille d’Offerlé pour les répertoires d’action des mouvements sociaux).

      5./ Le pilotage de ces actions [...] sa versatilité le rend producteur d’incertitude (source essentielle du pouvoir, rappelons-le) [...] formes d’action décentralisées, collectives que les Gilets Jaunes ont cherché à mettre en place mais cette fois sans avoir à occuper quoi que ce soit dans la durée, c’est même le contraire qu’il faut privilégier (ce ne sont plus des guerres de position mais bien des actions de guérilla qui sont les plus déstabilisatrices).

    • Vous êtes sérieux ? À défaut de pouvoir compter sur le mouvement ouvrier, comptons sur la classe capitaliste elle-même ?

      La grande bourgeoisie, et d’abord les premiers prédateurs en tête du CAC40, ont peut-être créé Macron (ils ont en tous les cas promus ce majordome à la tête de leur État), ils sont surtout ceux qui recourront demain au fascisme et sa violence criminelle débridée si le mouvement ouvrier les menace. L’histoire nous laisse à ce propos aucun doute.

      Pour empêcher de nuire cette classe qui précipite l’humanité dans l’abîme, il ne faut pas seulement envahir leur siège pendant 24 h et nuire à leur réputation (je rêve), ils faudra les exproprier. Liquider par les armes leur pouvoir sur toute la société.

      Donc ignorons ces fantasmes d’opérations auxquelles mêmes les plus adolescents des gauchistes ont renoncé depuis longtemps. — ou, à la rigueur, rions-en un peu. Mais cela ne vaut rien.

    • Etienne Balibar : Un tournant dans le mouvement | 16.04.23

      https://blogs.mediapart.fr/etienne-balibar/blog/160423/un-tournant-dans-le-mouvement
      https://seenthis.net/messages/999396

      C’est un mouvement qui a une signification de classe aveuglante [...] Quelles propositions peut-on formuler pour contribuer à son élargissement en face de la violence du pouvoir ?
      [...]
      D’abord et avant tout il faut restaurer, élargir, garantir légalement et constitutionnellement les libertés individuelles et collectives, la sûreté des citoyens, les droits civiques à commencer par celui d’association et de manifestation.
      [...]
      Ensuite, il faut élargir la base du mouvement de masse, diversifier ses composantes, en tenant compte des modes de lutte qu’invente chaque groupe social, mais en recherchant les formes les plus unitaires, les plus démocratiques elles-mêmes, à la fois librement autogérées et potentiellement majoritaires dans le pays.
      [...]
      Mais pas non plus de complaisance pour le mirage d’une contre-violence inspirée par la « haine des flics », si compréhensible soit-elle subjectivement et affectivement. Une guérilla urbaine ou campagnarde ne fera que donner des prétextes à la violence d’Etat – une violence incomparablement supérieure et qui se déchaîne, comme dit l’autre, « quoi qu’il en coûte » et ne s’embarrasse d’aucun scrupule. La contre-violence est vouée à l’échec et conduit droit dans le piège du pouvoir.

  • Dictionnaire de la réforme des retraites | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/marugil/blog/210123/dictionnaire-de-la-reforme-des-retraites

    Courage - Qualité d’un dirigeant doté d’un patrimoine étoffé et de revenus élevés qui fait des réformes ne s’appliquant qu’à ceux qui n’ont pas de patrimoine et perçoivent un maigre salaire.

    • J’adore !

      Alternative – Il n’y en a pas.

      Argent magique – Il n’y en a pas non plus (sauf pour les entreprises, l’armée et la police).

      Blocage - Action irresponsable des syndicats qui contraint BFMTV à envoyer ses journalistes faire des micros-trottoirs pour interroger les otages.

      Concertation - Réunions organisées par le gouvernement afin de notifier aux syndicats les décisions qu’il a déjà prises et qu’il n’a nullement l’intention de modifier.

      Contact - Le gouvernement est prêt à « retourner au contact des Français ». La police aussi, on ne sait jamais.

      Convaincre - Le gouvernement doit continuer à convaincre. Pour cela il dispose de plusieurs outils : le dialogue, la concertation et le tonfa.

      Débattre - Il faut continuer à débattre tout en se montrant inflexible.

      Détermination - Toujours suivie de l’adjectif « entière »

      Dialogue - Il faut laisser la porte ouverte au dialogue afin de convaincre Laurent Berger de négocier la longueur des chaînes plutôt que de remettre en cause l’esclavage.

      Droit de grève – Toléré par le gouvernement dès lors que son exercice ne gêne personne. Dans le cas contraire, il s’agit d’un blocage.

      Échanger - Écouter poliment et ne rien changer.

    • Nécessaire - La réforme est nécessaire parce qu’elle est nécessaire. Pourquoi ? Parce que.

      Travailler - Il faut travailler plus pour travailler plus. Parce qu’il n’y pas d’alternative.

      On pourrait aussi terminer ce glossaire sur la réforme scélérate des retraites par cette conclusion :

      Où que nous mène la difficulté contextuelle, on se doit de prendre en compte la globalité des problématiques de bon sens, si l’on veut s’en sortir un jour.

      (http://www.pipotron.free.fr)

  • USA-Brésil : corruption, évangélisme et réseaux sociaux | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/dominique-g-boullier/blog/100123/usa-bresil-corruption-evangelisme-et-reseaux-sociaux

    Franchement, cet article est excellent, et pose de réels problèmes, bien loin des réflexions rengaines sur la crise démocratique.

    Le mimétisme de l’opération de Brasilia par rapport à l’assaut du Capitole n’a échappé à personne. Les sources de telles attaques contre les institutions démocratiques sont même identiques : la corruption, le fondamentalisme évangéliste, et la puissance des réseaux sociaux. Trois menaces fondamentales pour les démocraties que l’on retrouve aussi à l’œuvre dans les dictatures.

    #Démocratie #Corruption #Fondamentalisme_religieux #Laicité
    #Médias_sociaux

  • Voix d’Iran : la neige, le feu, et la quête de la vérité | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/sirinealkonost/blog/051222/voix-diran-la-neige-le-feu-et-la-quete-de-la-verite

    Nous avons peut-être plus d’un million et demi de toxicomanes en Iran. La distribution de drogue est probablement la seule chose qui fonctionne comme une horloge, sans aucun accroc.

    Vous pouvez obtenir n’importe laquelle de ces drogues que je viens de nommer, en 5 minutes, où que vous soyez. Les camps de désintoxication ne sont pas très différents des camps nazis, et les alcooliques anonymes... eh bien, vous serez peut-être surpris d’apprendre que nous avons aussi beaucoup d’alcooliques.

    La consommation d’alcool est élevée en Iran, malgré la stricte prohibition (le commerce et la consommation sont totalement interdits) .

    Et donc, lorsque les Iraniens voient les déclarations de certains responsables, que ce soit un ministre ou un maire ou simplement un Imam du vendredi, ils se demandent souvent : « non mais c’est qui son dealer, à lui ?? » ou bien « Qu’est-ce qu’il fumé, celui là ? Ça doit être de la bonne... ».

    Et comme je l’ai déjà dit, ces gens, eh bien, outre leur consommation au moins occasionnelle d’opium, ils sont surtout ivres de leur propre pouvoir. Le pouvoir, c’est une drogue très corrosive, qui peut dévorer l’âme entière de n’importe qui, ce n’est qu’une question de temps et de dosage.

    La République Islamique est ivre de pouvoir.

    C’est souvent une énigme, pourquoi certaines personnes se comportent comme elles le le font, ou disent les choses qu’elles disent, de façon complètement imprévisible. Dans leur cas, ce que vous voyez, ce sont les effets d’un pouvoir incontrôlé.

    Hier par exemple, le procureur général a dit en conférence de presse quelque chose du genre : « La police des mœurs a été fermée depuis l’endroit même où elle a été fondée », que le monde entier a décidé d’ interpréter comme « la police des mœurs a été fermée » parce que bon, le gars a prononcé les mots, après tout !

    Mais ce n’était pas ce qu’il voulait dire.

    Si vous étiez ivre du même breuvage que ces gens, vous l’auriez entendu comme ceci : « Les policiers sont des faibles et des mauviettes. Ils auraient dû pouvoir faire fonctionner la police des mœurs, même alors qu’ils étaient occupés à réprimer les émeutes. »(Ils appellent les manifestations des émeutes).

    Quoi qu’il en soit, les médias occidentaux sont massivement tombés dans le panneau. Ils ont traduit comme ça les arrangeait, trop heureux d’avoir un gros titre aussi sexy que" abolition de la police des moeurs" à afficher en Une.

    #Iran #drogues #police_des_mœurs

  • Amber Heard et le remake du mythe de la Méduse | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/preparez-vous-pour-la-bagarre/blog/250522/amber-heard-et-le-remake-du-mythe-de-la-meduse

    Malgré le fait que 12 épisodes d’agression ont été prouvés et confirmés par trois juges (et on sait à quel point la loi privilégie les hommes blancs et riches — pour qu’un homme aussi puissant que Depp perde, la situation devait être très grave), malgré les photos, malgré les déclarations de maquilleur.euse.s et de coiffeur.euse.s sur les blessures camouflées par leurs soins, malgré les témoignages d’employé.e.s, malgré les courageuses allégations de viol, malgré les vidéos où l’on voit Depp maltraiter Heard psychologiquement, et malgré une montagne de preuves disponible sur le site web du tribunal, le public reste persuadé que Heard est coupable, simplement parce qu’elle s’est défendue.

    Contrôler le récit

    Au fond, en engageant ces poursuites pour diffamation alors que toutes les preuves sont contre lui, Johnny Depp souhaite une seule chose : contrôler le récit. Peu importe s’il perd à nouveau devant un tribunal, ce qui compte c’est de sauver sa carrière en manipulant l’opinion publique contre Amber Heard.

    Et j’en reviens donc à Méduse. Le dieu la viole, et c’est elle qui est punie, transformée en être détestable qui détruit la vie de quiconque croise son chemin. C’est ce qu’on entend et ce qu’on lit partout dans les médias et sur les réseaux sociaux à propos d’Amber Heard. Pourtant, ce qui est intéressant, dans la légende de Méduse, c’est que la déesse Athéna est celle qui juge et punit Méduse, alors que les autres dieux et déesses gardent le silence. Poséïdon la viole, mais c’est Athéna qui punit Méduse. Nous devons arrêter de protéger les hommes qui agressent et violent les femmes, sous prétexte que ce sont des « dieux », ou parce que la femme semble être la méchante de l’histoire. Si nous laissons les femmes qui dénoncent leurs agresseurs passer pour des méchantes, alors nous risquons de toutes devenir des Méduse.

  • Faire du bruit ne suffit plus

    Plutôt que de s’inscrire naïvement dans le même cadre de pensée et d’action que celui de l’économie de l’attention des GAFAM, il nous faut sérieusement remettre en question notre approche à la médiation en ligne. Le sens ne se réduit pas à l’information, le désir ne se réduit pas au like, et la signification du Web doit être refondée, s’il on veut collectivement affronter les défis de notre époque.

    | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/les-amis-de-la-generation-thunberg/blog/290322/faire-du-bruit-ne-suffit-plus

  • Anne Alombert : Panser l’#internation (dans « un nouvel âge de ténèb... | Le Club

    Guerre en #Ukraine, risque d’escalade militaire, de crise économique et d’effondrement écologique … Le contexte actuel semble de plus en plus inquiétant et effrayant, au point de neutraliser toute capacité de réflexion. C’est pourtant dans cet effroi et face à ces dangers qu’il nous faut tenter de penser la constitution d’une internation, dans le sillage des propositions élaborées dans ’Bifurquer’.

    https://blogs.mediapart.fr/les-amis-de-la-generation-thunberg/blog/010422/anne-alombert-panser-l-internation-dans-un-nouvel-age-de-tenebres

    Panser l’internation (dans « un nouvel âge de ténèbres »)

  • Crise coronavirale : entretien (1) avec le toxicologue Jean-Paul Bourdineaud | Par Laurent MUCCHIELLI

    Dans cet entretien, le toxicologue Jean-Paul Bourdineaud conteste la supposée toxicité de l’hydroxychloroquine et de l’ivermectine, explique la raison de leur bannissement, et développe la notion de controverse scientifique ; il met en lumière le rôle des conflits d’intérêts et le problème de l’évaluation des risques par les agences de régulation, qui ont abouti à l’unique solution vaccinale.

    https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/300921/crise-coronavirale-entretien-1-avec-le-toxicologue-jean-paul-bourdin


    #covid

  • La Courneuve : pourquoi expulser le bidonville rom ? | Le Club de Mediapart

    Merci à @isskein d’avoir signalé ces articles

    #roms

    https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/160815/la-courneuve-pourquoi-expulser-le-bidonville-rom

    La Courneuve : pourquoi expulser le bidonville rom ?

    16 août 2015 Par Eric Fassin Blog : Identités politiques

    On s’apprête à expulser le Samaritain, un bidonville rom de 300 personnes installé à la Courneuve depuis sept ans. Pourtant, cette fois, des associations ont obtenu un engagement financier pour assainir le lieu et le viabiliser. Mais améliorer les choses, ce serait avouer qu’il existe une alternative à l’expulsion. Si l’État s’abrite derrière les élus locaux pour expulser, on aurait tort de prendre une telle municipalisation pour argent comptant : l’expulsion est la clé de cette politique décentralisée du ministère de l’Intérieur.

    –---

    Camp rom évacué à Bobigny : deux semaines plus tard, un goût d’échec
    https://www.francetvinfo.fr/societe/camp-rom-evacue-a-bobigny-deux-semaines-plus-tard-un-gout-d-echec_17042

    Camp rom évacué à Bobigny : deux semaines plus tard, un goût d’échec
    Deux semaines après l’évacuation du camp rom des Coquetiers à Bobigny, voulue « exemplaire » par le préfet, le bilan est très mauvais. Les enfants en paient notamment les frais.

  • Sociologues ou gardiens de la doxa ? Qui entache la réputation de notre discipline ? | Laurent Mucchielli
    L’auteur : Laurent Mucchielli
    Sociologue, directeur de recherches au CNRS (Centre Méditerranéen de Sociologie, de Science Politique et d’Histoire).

    Huit sociologues qui n’ont jamais publié le moindre travail empirique sur l’analyse de la crise sanitaire, ni sur la pharmacovigilance, m’injurient par voie de presse, sur le fondement d’un seul argument (je ne comprendrais rien à la causalité) et de sources douteuses. Voici ma réponse.

    https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/220821/sociologues-ou-gardiens-de-la-doxa-qui-entache-la-reputation-de-notr


    #covid #censure

  • Chaque jour cent fleurs | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/marie-cosnay/blog/220721/chaque-jour-cent-fleurs

    Merci à Marie Cosnay pour ce très beau texte d’amitié avec Philippe Aigrain, ses combats et sa volonté.

    Philippe Aigrain (15 juillet 1949-11 juillet 2021). D’Interdemos, de peuple à peuple, à Lucrèce, en passant par #JALE, J’accueille l’étranger. Notre chagrin immense.

    L’ordinateur restait fermé. Impossible de faire autrement. Quand je pourrais, j’irais y chercher, pour continuer la conversation avec lui, les documents rédigés avec Philippe Aigrain. Ceux en attente, sur Framapad. Déjà anciens, dont nous n’avions rien fait de précis, où nous prolongions la réflexion : peut-être, rétrospectivement, dans cette mise en attente, verrons-nous la preuve que la machine à maltraiter, comme l’écrivait Philippe dans un de ses billets de blog sur Mediapart, nous n’avons pas su l’enrayer à temps. C’est ce que nous pensions, ces derniers mois. Sans que le découragement nous empêche de faire, de faire autrement, là où nous étions, auprès des jeunes gens que nous connaissions, suivant leurs parcours, nous réjouissant de leurs succès.

    Dans ce billet de blog que je cite, à plusieurs titres Philippe est visionnaire. Il l’a écrit il y a trois ans. En juin 2018. Quelque temps après que nous eûmes lancé, avec Mireille, Jane, Louise, tant d’autres, le collectif JALE, qui nous avait donné l’espoir d’affirmer ce qui disparaissait, tranquillement mais sûrement, des discours publics. Bien avant la crise sanitaire et la fermeture des frontières nationales à l’intérieur de l’espace Schengen. Pragmatique, Philippe cherchait où les possibilités de soulèvement étaient possibles. Il partait de l’ahurissant règlement Dublin III, de l’imposition faite aux demandeurs d’asile de rester dans les premiers pays d’arrivée, et de ce corollaire : l’impossibilité de passer les frontières intérieures quand on n’était pas un ressortissant de l’espace Schengen, alors que la liberté de circulation était au coeur de l’idée européenne. Ici, une possibilité de soulèvement. Du corps et de l’esprit, écrivait Philippe. Bien sûr, c’était une étape, visant à nous réunir, nous rassembler, afin que nous construisions un mouvement fort capable de « réinstaller dans les textes juridiques et dans les faits les droits à l’accueil des étrangers, de tous ceux qui pour ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans l’Union ». Il n’était pas question, Philippe l’explique très clairement, et nous en avions parlé, des heures, avenue Ledru Rollin, il n’était pas question de ne regarder que ce qui se passait à l’intérieur de l’UE, pas question de justifier l’externalisation des frontières, les accords avec les pays de départ, tout ce qui permettait exploitations et tortures des personnes en déplacement. Mais il nous fallait partir de ce point ahurissant de transformation de l’idée européenne. On ne pouvait qu’être suivis.

    Trois ans plus tard, Philippe, les frontières Schengen étaient fermées pour tout le monde. Nous avions, au téléphone, en 2020, plaisanté quelques fois, pour supporter l’insupportable : seuls les gens qui n’ont pas de papiers, pas de titres de séjour, pas de visa, passent nos frontières condamnées. Ce n’était pas complètement vrai, nous le savions tous les deux. Récemment, je te l’avais dit, Yaya Karamoko, jeune homme ivoirien de 28 ans, avait traversé la Bidassoa, à Irun, et s’y était noyé. Je n’ai pas eu le temps de te raconter la suite.

    Ce que je ne t’ai pas dit pèse lourd.

    Je t’ai dit que l’attentat de Nice, par un jeune homme passé par Lampedusa, a été suivi, directement, immédiatement, alors même que les îles Canaries, espagnoles, s’ouvraient, résistaient à l’Europe, par cette annonce : on garderait, virus ou pas, les frontières fermées, et à Irun des unités mobiles arrivaient, gardant chacun des ponts et chacun des abri bus menant à Bayonne et vers le nord. Les gendarmes et policiers ramenaient en Espagne, de l’autre côté de la frontière, les personnes contrôlées en fonction de la couleur de leur peau. Je te l’ai dit ? Je te l’ai dit. Parlant au téléphone, longeant l’Adour, pendant l’heure de sortie de confinement. Tu étais à Argelès. Tu marchais, et jardinais, et écrivais.

    Nous choisissions de parler de Lucrèce, dont tu lisais ma traduction, tu te demandais comment concilier cette nature des choses, où chaque chose choisissait son lieu (et puis ça recommençait, en une pluie d’atomes), avec le sentiment d’impermanence, de flux des formes, de passage d’une espèce à une autre, que tu relisais chez Ovide.

    Ce qui n’était pas très loin de nos autres questions.
    Ce qui serait tout près de la mienne, ce 11 juillet 2021 : Philippe, mais où es-tu donc passé ?

    Comment allons-nous faire, maintenant ?

    11 juillet 2021, c’est le moment où je fais tout, et j’ai hâte de te le raconter, avec le président de la communauté musulmane d’Irun, pour tenter, malgré les nombreux obstacles, d’enterrer Yaya Karamoko. Je veux te dire : comme on traite les vivants, on maltraite les morts. Je veux te dire : tu te souviens de ce que tu disais de l’invisibilité ? Je veux te dire : faire pour un, au cas par cas. Jusqu’au bout. C’est au moment où les corps de plus de cent personnes sans papiers s’exposent, en grève de la faim, pour obtenir de la Belgique la seule réponse possible, la régularisation (nous travaillons ici, nous vivons ici, nous restons ici, et il n’y a pas de raisons pour que nous y restions esclaves), c’est à ce moment que j’apprends, le dimanche dans l’après midi, que tu as trébuché sur une pierre, dans la montagne que tu aimes. Je veux absolument donner du sens à la pierre, celle d’achoppement, je sais que c’est inutile et que ça fourvoie, je relis ce que tu m’avais dit être seulement capable d’écrire en ces moments, le carnet de confinement en Angleterre, auprès de tes enfants et petits enfants, comme tout y est précis et intelligent, je veux donner du sens, je veux chercher du sens, pour ce faire c’est à toi que je veux parler, à toi. Je te dirai cette conjonction : toi, la pierre, la montagne, la Belgique, les corps soulevés, exposés, le corps en jeu, jusqu’au bout, le corps disparu, même après la mort, on ne ne peut pas enterrer Yaya, toi, la pierre, la montagne.

    Je veux te le dire, à toi.

    Sur un de nos documents Framapad, où nous faisions des projets, des plans, tu écrivais, en une sorte de petit encart : « le monde que nous croyions encore nôtre bascule dans un autre qui ne nous laisse que le choix entre pleurer et nous soulever, et qui semble nous avoir privés de tous les instruments d’un soulèvement ». Tu le disais en vrai.

    Pleurer ou nous soulever.

    Tu nous laisses pleurer.

    Je voulais t’offrir bientôt Des îles, à paraître, texte auquel tu avais participé, en quelque sorte : tu l’avais lu, tu avais commenté, tu savais ce que j’y avais développé. Quand j’étais revenue de Lesbos, fatiguée, tu étais à l’aéroport, m’attendant, personne encore n’était masqué - je sais exactement ce qu’avec Mireille, le soir, à table, nous racontions, le camp de Moria, la honte de l’Europe, notre défaite, les résistances malgré tout, et cette maladie qui semblait ne pas vouloir rester en Chine, qu’est-ce que cela allait donner, tu développerais, après, sur ton autre blog, de débats, des analyses qui m’ont guidée plus que toutes les autres.

    Notre découragement, qui n’empêchait pas de faire pour un, un autre, encore ceci, ici, là, qui empêchait pas de penser, je le lis dans notre long document Framapad. Notre tristesse, je dirais. Que Lucrèce, ses atomes en constructions, le monde entier, nous a donné de consoler un peu. « L’immense tristesse et la révolte encore impuissante qui a saisi tant d’entre nous ces dernières semaines vient de la révélation que la corruption des systèmes politiques et l’incapacité où ils sont de traiter les défis écologiques, sociaux et culturels de notre époque est telle qu’ils ne reculeront devant rien pour agiter les peurs, créer des ennemis à combattre et maltraiter ceux qui sont ainsi dépouillés de leurs droits humains élémentaires. ».

    Voilà, tu le savais, Philippe. Et tu avais raison.

    Tu m’écrivais, à propos de Lucrèce : « (…) Ce n’est pas que l’idée même de métamorphose soit étrangère à Lucrèce. Il écrit ainsi, en proposant une définition de la vie comme commun (Livre III, 989-998, trad. Lefèvre, 1899) :

    Grande et forte leçon ! Tout est métamorphoses ;
    Toujours un flot nouveau chasse les vieilles choses ;
    Et l’échange éternel rajeunit l’univers.
    Rien ne roule au Tartare, au gouffre des enfers.
    Pour les peuples à naître il faut de la matière ;
    Ils vivront à leur tour et verront la lumière.
    Les uns nous précédaient, les autres nous suivront.
    C’est un cercle éternel que nul effort ne rompt ;
    Et la vie à jamais se transmet d’âge en âge :
    Elle n’est à personne, et tous en ont l’usage.

    Mais les métamorphoses dont il s’agit ici ne sont que celles permises par l’infinie recombinaison des éléments primordiaux en de nouvelles formes qu’il a décrit au livre I. Tout au plus fondent-elles une forme de métempsychose, mais pas la transformation d’un corps en celui d’une autre espèce, une autre sorte d’existant.

    Plus haut (Livre III, 807-816, trad. Marie Cosnay), Lucrèce a écrit :

    Enfin, dans le ciel, pas un arbre, en haute mer pas de nuages, pas de poissons dans les champs,
    ni de sang dans les bois, ni de jus dans la roche.
    Est certaine et ordonnée, chaque chose qui est et croît.

    Comment pourrait-elle donc se muer dans une autre enveloppe physique alors qu’elle serait prisonnière de sa constitution ? »

    Tu cherchais l’autre forme, Philippe.
    Une autre enveloppe physique.
    Les passages, la liberté de devenir la fleur.
    L’animal, le caillou.

    Je te répondais, le 20 novembre 2020, par mail :
    « La traduction de Lefèvre est vraiment libre ! Les vers que tu cites arrivent après la prosopopée de la nature. Tout le passage engage à la mort, comme tranquillité. Vois ma traduction de la suite :

    Une chose d’autre chose ne cesse jamais de naître,
    la vie n’est pas donnée à un acheteur, mais à tous, pour usage.
    Regarde : ce n’est rien, pour nous, l’ancienneté passée
    du temps éternel, avant notre naissance.
    C’est un miroir du temps futur que la nature nous
    expose à la fin, celui d’après notre mort.
    Y a-t-il quelque chose d’horrible qui paraît, quelque chose
    de triste ? N’est-ce pas plus tranquille que le sommeil ? »

    Aujourd’hui, 22 juillet, les phrases de Lucrèce, que nous avions échangées, dont nous avions commenté les traductions, afin de comprendre comment le philosophe antique pensait le changement, devrait, sinon me consoler de l’atroce manque, m’apaiser ? Plus tranquille que le sommeil ? Ton futur, miroir de nos passés ? Du temps éternel d’avant nos naissances ?

    Le 10 juillet 2021, la veille de la pierre sur le sommet, tu as fait une photo, jaune, de fleurs d’onagres (je ne connaissais ni le nom de la fleur ni la fleur). Tu cherchais l’autre forme, la beauté. Tu pensais l’autre forme, la beauté, tu n’étais qu’au début de le penser, et cela me remplit de chagrin.

    "Chaque jour cent fleurs" : le 10 juillet, on en avait, des jours et des fleurs devant nous.

    2017, à l’hiver. Ici, nous rencontrions Saâ. Il arrivait à Paris et grâce à lui nous apprenions, toi et moi, et Vincent, et Mireille, et Jane, et Michèle, et Sarah, et Nouho, nous apprenions tous combien les adolescents étrangers étaient maltraités. C’était le début d’une prise de conscience. "Ce n’est pas pour rien que Philippe est venu me chercher à gare d’Austerlitz", a dit Saâ vendredi, le jour où à Argelès on essayait de te dire au revoir. Pas pour rien que Philippe a lu le code civil guinéen, proposant des interprétations de certains articles, ce qui permettait une belle jurisprudence, mettant en échec, ponctuellement bien sur, les départements jugeant que les extraits d’acte de naissance des jeunes n’étaient pas conformes. Pas pour rien. Le dernier message que j’ai reçu de Philippe, par Signal, c’est la photo du mariage de Trésor. Trésor Bomenga, qu’il continuait à aider, depuis qu’en 2014 celui-ci avait réussi à échapper à la rétention administrative, prolongée qui, avant Tsipras, sévissait dans les centres grecs. J’avais rencontré Trésor en 2014, à Corinthe. Philippe à peine un peu plus tard, à Paris. Je ne sais pas si des formes remplacent les formes mais je sais la force des liens. Grèce, 2015, et ce que nous mettions en place, Philippe en tête, avec Mireille, Sophie, Laure, Michel, Catherine, Dimitris, en place, Interdemos. Entre les peuples. De peuple à peuple. Il faudra y revenir.

    Le chagrin est immense

    #Philippe_Aigrain #Marie_Cosnay