EXCLUSIF - Olivier Véran : « Depuis cinq jours, nous amorçons une décroissance de l’épidémie » - Coronavirus

/exclusif-olivier-veran-depuis-cinq-jour

  • EXCLUSIF - Olivier Véran : « Depuis cinq jours, nous amorçons une décroissance de l’épidémie » - Coronavirus - Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/coronavirus/exclusif-olivier-veran-depuis-cinq-jours-nous-amorcons-une-decroissance


    Olivier Véran, ministre de la santé, s’est dit favorable à un déconfinement territorialisé en France à partir de mi-mai, dans une interview accordée en exclusivité au Télégramme.
    EPA

    Dans une interview exclusive accordée au Télégramme, le ministre de la Santé, Olivier Véran, annonce la création, pour 2027, d’un nouveau site hospitalier près de Saint-Malo et la rénovation du centre hospitalier Rance Émeraude. L’Etat s’engagera à hauteur de 100 millions d’euros. Il se déclare par ailleurs favorable à un déconfinement territorialisé et salue la mobilisation des personnels soignants durant les trois vagues épidémiques.

    1. Déconfinement
    Vous espériez atteindre le pic épidémique à la mi-avril. L’a-t-on dépassé ?
    Depuis cinq jours, nous amorçons une décroissance de l’épidémie. Il y a moins de nouveaux cas au quotidien : on était monté à 40 000, on est aujourd’hui aux alentours de 33 000 cas chaque jour en moyenne. Mais cette diminution reste fragile : nous sommes toujours à un niveau très élevé de l’épidémie et la descente n’est pas encore suffisamment rapide et tranchée. Il nous faut continuer nos efforts.

    Malgré cette fragilité, peut-on encore imaginer une levée des restrictions à la mi-mai ?
    Nous sommes en train d’y travailler et cela fera l’objet d’annonces en temps voulu. À ce jour, le calendrier est le suivant : le 26 avril, la réouverture des écoles en présentiel ; le 3 mai, la réouverture des collèges et lycées en présentiel ; et nous pourrons envisager ensuite un certain nombre d’allégements des mesures à partir de la mi-mai.

    Êtes-vous favorable à un allégement différencié des mesures de restriction, en fonction du contexte sanitaire local ?
    Je suis ouvert à l’idée d’une approche territoire par territoire dans la levée des mesures de freinage, comme j’y étais favorable lors de leur mise en place. Lorsqu’on envisage de lever un certain nombre de contraintes, il faut regarder la situation épidémique dans chaque territoire, la situation hospitalière et, de façon générale, le niveau de saturation des hôpitaux en France.

    On peut espérer que la descente soit plus rapide et précoce en Bretagne. Nous regardons la situation bretonne très attentivement
    Au regard de la situation sanitaire en Bretagne, la région peut-elle prétendre à voir toutes ses restrictions se lever rapidement ?

    La situation épidémique en Bretagne a toujours été moins préoccupante que dans le reste du territoire, et cela depuis la première vague. La Bretagne a été moins touchée par l’épidémie que le reste de la France. Mais elle n’a pas été épargnée non plus : sur la dernière semaine, l’incidence était en hausse de plus de 25 points, le taux d’incidence y a même dépassé les 200 malades pour 100 000 habitants sur sept jours. Et même 300 en Ille-et-Vilaine. Clairement, cela justifiait la mise en place des mesures de freinage. Étant donné que les indicateurs sont moins élevés dans la région qu’ailleurs - le Finistère a, par exemple, une incidence en dessous des 100 cas pour 100 000 - on peut espérer que la descente soit plus rapide et précoce en Bretagne. Nous regardons la situation bretonne très attentivement.

    Une levée du couvre-feu est-elle prévue avant le début des vacances d’été ?
    L’ensemble des mesures de freinage sera amené à être réévalué à différents moments, de façon progressive. J’espère qu’on aura un été serein, mais vigilant, comme celui de l’année dernière. Que les Français puissent retrouver le plus de libertés possible. Si nous tenons ensemble, alors nous y arriverons.

    Êtes-vous aussi optimiste que certains scientifiques qui affirment que la troisième vague peut être la dernière, malgré les variants ?
    Je m’efforce de n’être ni optimiste, ni pessimiste, mais d’être rigoureux avec les données que j’observe. Ce qui est vrai, c’est que nous vaccinons très vite, 350 000 Français chaque jour, l’équivalent d’un département français. C’est une bonne dynamique. Je constate aussi que la mortalité, bien que toujours élevée, est moins forte que ce qu’elle aurait pu être si nous n’avions pas vacciné les personnes âgées avant cette troisième vague. Nous avons su protéger les Ehpad. Nous maîtrisons également mieux le fonctionnement de ce virus donc, comme la vaccination se poursuivra crescendo, on pourrait sortir de la crise pour de bon. Mais avec la covid-19 et ses variants, nous ne sommes jamais à l’abri de mauvaises nouvelles… Je souhaite que les Français puissent enfin souffler. Pour ma part, je resterai sur le pont, comme depuis 14 mois, pour sonner l’alerte si des signaux de reprise épidémique devaient réapparaître ça et là.

    2. Création d’un nouvel hôpital en Bretagne
    L’État doit participer à un grand projet de rénovation du centre hospitalier Rance Émeraude. Que prévoyez-vous ?
    Je vous annonce que l’État va soutenir le projet hospitalier Rance Émeraude à hauteur de 100 millions d’euros [sur 400 millions, NDLR], grâce au plan d’investissement du Ségur de la santé. C’est un projet ambitieux et nécessaire, qui va rénover les deux sites hospitaliers existants, Dinan et Saint-Malo, et construire un nouvel hôpital à proximité de Saint-Malo. Ce projet, dont les habitants verront la concrétisation projet après projet au cours des prochaines années, sera terminé d’ici 2027.

    À Dinan, nous allons restructurer et rénover l’hôpital. Il accueillera un service d’urgences et une structure mobile d’urgence et de réanimation 24h/24. Il sera doté de services de médecine avec de l’hospitalisation conventionnelle, mais aussi de l’hôpital de jour, des consultations et des explorations spécialisées ; de la chirurgie ambulatoire sera également assurée grâce au plateau technique de la clinique privée de Dinan, tout comme l’imagerie médicale. Par ailleurs un service périnatal de proximité sera maintenu. Le site de Dinan verra également la construction d’un Ehpad et d’un service de soins de suite et de réadaptation. Enfin, un projet de relocalisation de l’IFSI (Institut de formation en soins infirmiers) sur le site GH Rance Émeraude à Dinan est en cours, en accord avec le conseil régional.

    À Saint-Malo, l’hôpital est trop vétuste pour être rénové. Dès lors, l’idée est de le reconvertir en site ville-hôpital, avec des activités de consultations, d’exploration fonctionnelle, d’imagerie et d’hospitalisation de jour. Il y aura également un Ehpad et un service de soins de suite et de réadaptation. Les actes médicaux complexes seront envoyés à proximité, dans le nouvel hôpital.

    Enfin, à Cancale, ce seront un Ehpad et un service de soins de suite et de réadaptation qui seront développés, avec des consultations avancées de gériatrie. Nous y développerons aussi de la télémédecine.

    Que proposera le nouvel hôpital, situé près de Saint-Malo ?
    Il sera doté d’un plateau technique qui proposera un service d’urgences et de l’hospitalisation conventionnelle. Il y aura aussi un plateau interventionnel et opératoire, des soins critiques - donc de la réanimation.

    Pourquoi avoir retenu ce projet en particulier ?
    Les hôpitaux de Saint-Malo, Dinan et Cancale ont formé l’une des premières communautés hospitalières du territoire de France, au début des années 2009. C’est la première fois en France que plusieurs hôpitaux développaient un projet en commun, avec une direction commune. Pour autant, ce sont des établissements qui connaissent depuis plusieurs années des difficultés importantes : une offre de soins en miroir ; des ressources humaines contraintes, qui rendent difficilement soutenable la permanence des soins à Dinan et qui peuvent impacter la qualité et la sécurité des soins ; un déséquilibre budgétaire et un domaine immobilier vétuste.

    La restructuration des hôpitaux va permettre d’éviter d’avoir, au sein d’un même territoire, deux établissements qui développent les mêmes activités et mettent d’autres de côté. Chacun sera complémentaire et permettra de proposer l’ensemble des soins nécessaires pour la population. Ce projet est le parfait exemple de la nouvelle méthode du Ségur de la santé.

    Combien d’emplois seront créés et combien seront « délocalisés » depuis Dinan et Saint-Malo ?
    Je ne veux plus que des projets nouveaux soient synonymes de fermetures de lits ou de suppression de personnel. Je le montre, projet après projet : la donne a changé. J’ajoute que s’agissant de ces hôpitaux, 120 à 150 lits de soins de suite et de réadaptation seront ouverts. Reste maintenant aux acteurs sur le terrain - médecins, soignants, administrations, élus - de préciser l’organisation qu’ils souhaitent retenir pour ce bel outil de travail que constituera leur groupement hospitalier.

    L’ARS avait promis de tout faire pour sauver la maternité de Dinan en 2019, mais elle a finalement fermé en novembre 2020 faute de médecins voulant venir y travailler…
    La maternité avait constaté une baisse de son activité, elle avait même été interrompue en 2019 faute d’avoir suffisamment de personnel. Le dernier gynéco obstétricien titulaire menaçait de partir en octobre. Il a fallu que l’ARS transforme, avec les acteurs du territoire, la maternité en centre de périnatalité de proximité. Les syndicats étaient d’ailleurs favorables à cette transformation qui permet de réaliser le suivi pré et postnatal.

    3. Le variant breton
    L’apparition d’un variant local en Bretagne vous a-t-elle inquiété ?
    Je mentirais si je disais que sa détection ne m’avait pas interpellé très fortement. J’ai eu connaissance du premier diagnostic en mars, et le 14, il était classé comme variant à suivre. Nous avons mobilisé beaucoup de forces pour faire une cartographie des cas, assurer le contact tracing dans les meilleurs délais. Grâce au travail de séquençage, on a vu qu’il n’y avait pas beaucoup de diffusion de ce variant et qu’il n’était pas en train de déclencher une nouvelle épidémie. Il a été très bien maîtrisé. Nous avons également vacciné massivement à l’hôpital de Lannion et je constate que ça a été très efficace.

    Sa difficile détectabilité aurait pu remettre en cause tout le dispositif du tester-tracer, basé sur le PCR…
    Toute découverte d’un variant fait l’objet d’une mobilisation très forte pour pouvoir cerner, diagnostiquer. Je suis plutôt rassuré aujourd’hui que ce variant soit resté circonscrit [à l’hôpital de Lannion, NDLR], mais nous ne relâchons pas notre vigilance.

    4. La tension en réa
    Les personnels soignants sont épuisés. Quand prévoyez-vous de repasser sous la barre des 3 000 personnes en soins intensifs ?
    On est plutôt proche de la barre des 6 000 patients en soins intensifs et critiques pour cause de covid, bien que cela se stabilise depuis quelques jours… Plutôt qu’un objectif chiffré, ce qui m’importe, c’est qu’on puisse reprendre les opérations déprogrammées le plus vite possible, pour soigner les malades qui n’ont pas la covid dans les meilleures conditions.

    Dans cette crise, les personnels soignants ont été exemplaires. La France n’a pas à rougir de la manière dont les patients ont été traités durant les trois vagues. On n’a pas vu dans notre pays des scènes comme en Italie, Portugal ou en Angleterre, où les patients étaient sur les parkings des hôpitaux avec de l’oxygène ou s’en voyaient refuser l’entrée. En France, la gestion des patients a été possible grâce à la solidarité de l’ensemble des soignants de la nation. Certains, comme en Bretagne, ont pu quitter leur territoire pour aller aider dans le Grand Est, en Île-de-France ou en Hauts-de-France. C’est remarquable. Les hôpitaux de la région Bretagne ont aussi accueilli 174 patients en réanimation d’autres régions depuis le début de la crise sanitaire, dont 48 depuis le début de l’année 2021.

    Le Ségur de la santé permet de reconnaître cette mobilisation. On a revalorisé comme jamais les salaires. En Bretagne, cela représente 78 000 personnels paramédicaux et administratifs revalorisés (58 000 à l’hôpital, 20 000 en Ehpad), 4 500 médecins de l’hôpital public, 4 100 étudiants paramédicaux, 1 500 étudiants en médecine et 1 300 internes en médecine. On a investi en Bretagne 737 millions d’euros pour les hôpitaux et les Ehpad, auxquels on a ajouté 25 millions d’euros d’investissement pour le quotidien des établissements de santé bretons. Ce sont les plus importants investissements et hausses de salaire, aussi loin qu’on remonte.

    5. La campagne de vaccination
    De nombreux professionnels particulièrement exposés au virus ne sont toujours pas éligibles à la vaccination : les caissières, les chauffeurs de taxi, les commerçants… Comptez-vous leur ouvrir des créneaux dédiés, comme pour les enseignants ?
    Nous avons ouvert des créneaux spécifiques pour les enseignants et les forces de sécurité de plus de 55 ans car ce sont des professionnels qui sont susceptibles d’être en contact avec des personnes qui ne portent pas forcément un masque et qui ne peuvent pas forcément respecter les gestes barrières. Une concertation est menée par la Ministre du travail pour les salariés du privé. Mais notre priorité reste l’âge, car plus on est âgé, plus on a de risques de faire des formes graves et donc d’être hospitalisé. Quelqu’un qui n’a pas de travail mais qui est âgé de plus de 60 ans a beaucoup plus de risque de faire des formes graves que quelqu’un qui exerce un travail en première ligne mais qui est âgé de 30 ans. Jusqu’à ce que l’on soit descendu à un âge suffisamment bas dans la campagne vaccinale, nos priorités resteront l’âge et les comorbidités, seuls facteurs qui exposent à des formes graves. Quand nous en aurons fini, on pourra rediscuter de l’accès de tel ou tel à la vaccination. En définitive, nous visons une protection pour 100 % des Français.

    La défiance du public pour le vaccin d’AstraZeneca vous inquiète-t-elle ? Ce week-end, des centres de vaccination ont dû fermer plus tôt faute de volontaires, alors que les doses étaient bien là…
    La Bretagne est l’une des régions dans laquelle on a eu la meilleure adhésion à l’AstraZeneca ce week-end. Dans d’autres endroits, c’est vrai, c’est plus difficile. Mais vendredi, 100 000 Français se sont fait vacciner avec ce vaccin. AstraZeneca souffre d’une mauvaise presse. J’entends les inquiétudes mais je veux dire que nous y avons répondu avec les mesures les plus justes. On a même anticipé les recommandations internationales en limitant son administration aux plus de 55 ans. Aujourd’hui, j’invite les Français à se faire vacciner avec tous les vaccins disponibles, y compris l’AstraZeneca, car on a toutes les garanties qu’ils sont efficaces pour eux et qu’ils les protègent des risques de formes graves. Et je continuerai de porter ce message.