• Qui sont les incesteurs ?

    https://www.youtube.com/watch?v=VU_Fp_OE-do

    Les couilles sur la table

    En France, 5 à 10% des enfants sont victimes d’inceste. Et dans 96% des cas, les incesteurs sont des hommes. Le véritable interdit de l’inceste, dans notre société, ce n’est pas de le commettre : ça arrive partout, tout le temps, dans tous les milieux. Ce qui est interdit, c’est d’en parler.

    L’inceste est banal et courant. Mais chaque cas d’inceste médiatisé est traité comme s’il s’agissait d’un fait isolé. Or, comme le démontre l’anthropologue Dorothée Dussy, l’inceste est en réalité un structurant de l’ordre social, le premier apprentissage de la domination.

    Directrice de recherche au CNRS, Dorothée Dussy a enquêté durant des années sur le phénomène de l’inceste, comme bénévole dans des associations de victimes, puis en s’entretenant avec des dizaines d’incesteurs condamnés par la justice. Elle en a tiré un livre exceptionnel, dans lequel elle analyse de façon totalement nouvelle l’inceste et ses liens avec le patriarcat : Le berceau des dominations. Introuvable pendant des années, il vient enfin d’être réédité, aux éditions Pocket.

    Au micro de Victoire Tuaillon, Dorothée Dussy raconte comment s’est déroulé son enquête et ce qu’elle y a appris : comment expliquer le fait que l’écrasante majorité des personnes qui commettent un inceste soient des hommes ? L’inceste n’est-il qu’une question de désir sexuel pour les enfants ? Quels sont les mythes que l’on associe couramment à l’inceste ? Pourquoi lorsque les faits sont révélés, les familles préfèrent toujours exclure les incesté·es que les incesteurs ? Comment sortir du système de silence dans lequel tout le monde est empêtré ?

    CHIFFRES, ÉTUDES, CITATIONS & RÉFÉRENCES CITÉ·ES DANS L’ÉPISODE
    Retrouvez toutes les études et références citées dans l’épisode sur https://www.binge.audio/podcast/les-c...​

    CRÉDITS
    Les couilles sur la table est un podcast de Victoire Tuaillon produit par Binge Audio. Cet entretien a été enregistré à Marseille. Réalisation et mixage : Julie Tépé. Générique : Théo Boulenger. Chargée de production : Camille Regache. Chargée d’édition : Naomi Titti. Direction des programmes : Joël Ronez. Direction de la rédaction : David Carzon. Direction générale : Gabrielle Boeri-Charles.

    Il y est pas mal question des frères incesteurs ce qui est tres rare.
    @touti @tintin

    • Merci @tintin pour le bouquin

      Le berceau des dominations est le premier livre d’une trilogie qui vise à décrire précisément l’inceste en décalant chaque fois la perspective8. Ce premier volume est consacré aux incesteurs, sans qui il n’y aurait pas d’inceste... aux représentations qu’ils ont de leur pratique, et à « ce qui est dit et ce qui est tu de l’inceste » dans la famille, sachant l’importance du silence qui autorise la pratique.Les discours sur l’inceste sont au préalable contextualisés par une revue de la littérature sur les auteurs d’abus sexuels précoce, comme on dit, et par une histoire de la médiatisation et de la politisation des abus sexuels. Les mécanismes de reproduction et de communication de l’inceste sont décrits à travers les modalités de la mise au silence des membres de la famille, à travers la formulation de leurs valeurs et enfin à travers les réactions de la famille et des proches à la révélation de l’inceste, qui survient la plu-part du temps quand les incestés sont devenues adultes. En filigrane, cette description permet de réfléchir à la question de l’homme normal versus anormal ou monstrueux, et permet, au bout du compte et dans la conclusion qui referme le livre, de repenser le lien entre la pratique de l’inceste et la théorie de l’interdit.

      Le deuxième volume de la trilogie sera consacré aux incestés et montre comment se construit la subjectivité des personnes ayant fait l’expérience de l’inceste. Il s’agit de saisir le contenu normatif d’un double apprentissage contradictoire et de décrire l’effet qu’il produit : savoir, pour l’avoir appris comme tout le monde, que les parents sont protecteurs et que l’inceste est interdit, et parallèlement, être au quotidien violé chez soi par un parent pendant des années, sans que rien
      n’en soit dit, ni par celle, ou celui ou ceux qui commettent ces viols, ni par l’entourage, et dont toutes les traces matérielles sont effacées ou maquillées, voire interprétées9 (blessures, salissures, sons, cris, etc.). Comment, dans ce contexte, se construit la distinction entre le répréhensible et l’admis, le vrai et le faux, le dangereux et l’inoffensif, le dicible et l’indicible, le bon et le mauvais pour soi et pour les autres. Autrement dit, quelles normes sociales intériorise-t-on avec l’expérience de l’inceste.

      Le dernier volume de la trilogie sera consacré à la controverse sur les fausses allégations d’abus sexuels, les faux ou les vrais oublis, les fausses accusations, bref, à toutes ces questions qui enflamment l’opinion publique et sont largement médiatisées en Amérique du Nord et en France. Le livre s’appuiera sur des procès, sur leur éventuelle médiatisation, et sur l’importante littérature entourant cette question. Il s’agira de documenter et d’explorer les motifs et les outils de fabrication du soupçon qui pèse sur les révélations d’inceste et les instructions des procès. Plus largement, ce volume décritles procédés de légitimation du silence sur l’inceste à l’échelle des sociétés et des institutions.