Covid-19 : une levée rapide des mesures de restriction inquiète les scientifiques - France

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    Des clients assis à la terrasse d’un café, à Lille, le 9 septembre 2020. Le gouvernement travaille à une réouverture des terrasses et certains lieux culturels à partir de la mi-mai.
    Photo d’archives AFP

    Jean Castex a annoncé, jeudi, la réouverture des écoles pour lundi, la fin des limites de déplacement le 3 mai, et la réouverture progressive à la mi-mai de commerces et lieux de culture. Des scientifiques mettent toutefois en garde contre un relâchement trop hâtif des mesures visant à limiter la propagation de la covid-19.

    Existe-t-il réellement de « vrais motifs d’espoir », comme l’a affirmé le Premier ministre, jeudi soir, lors de son annonce d’un relâchement progressif d’une série de mesures de restriction destinées à lutter contre la covid-19 ? Pour être aussi catégorique, Jean Castex s’est appuyé sur le fait que « le pic de la troisième vague semble derrière nous ». De nombreux scientifiques sont moins optimistes : « On est sur un plateau, on ne peut pas vraiment dire que l’on est en phase de décroissance », estime le professeur Yves Buisson, épidémiologiste et président de la cellule Covid-19 de l’Académie nationale de médecine.

    Sa consœur Catherine Hill, de l’institut Gustave-Roussy, juge même « la situation assez mauvaise » : « Ça n’augmente plus. Mais en réanimation, on est encore aujourd’hui au-dessus du point le plus haut de la deuxième vague ». Fin observateur de la pandémie, le généticien Axel Kahn pointe, lui aussi, le fait que « la circulation virale a à peine diminué ».

    « Complètement irresponsable »
    Faut-il alors s’engager aussi vite dans un processus pour desserrer le verrou ? « Lever le pied dans ces conditions me paraît complètement irresponsable », tance Catherine Hill qui note qu’« on serait déjà très content, si, le 15 mai, on revenait au niveau où l’on était lorsqu’on a fermé les écoles (le 5 avril, NDLR). Mais de toute façon, cela n’arrivera pas, on va plutôt stagner, puisque les gens vont remettre les enfants à l’école, se recroiser, etc. ».

    Selon Yves Buisson, « les annonces pour la mi-mai sont politiques, de manière à fixer un objectif aux commerçants, aux restaurateurs, pour qu’ils ne désespèrent pas trop. Pour l’instant, on ne dispose d’aucun chiffre de surveillance épidémiologique qui nous permet de dire qu’à la mi-mai, on pourra aller manger au restaurant », constate le scientifique.

    Il voit tout de même d’un bon œil la réouverture des écoles, notamment « parce qu’elles ne sont pas un lieu majeur de la transmission du virus dans la population ». Le nouveau « protocole très strict » et le « renforcement massif des tests » (salivaires et autotests), annoncés par Jean Castex, peuvent fonctionner, positive Yves Buisson. À condition que « les tests soient utilisés de façon intelligente : certains parents se sont opposés à ce que leurs enfants subissent un prélèvement salivaire alors qu’il s’agit juste de cracher dans un tube… ». « Si on applique bien les mesures existantes, si on y ajoute les tests et qu’on vaccine les profs, on va y arriver ! », conclut-il.

    Des autotests peu fiables ?
    Catherine Hill, fervente défenseuse des tests massifs de toute la population, est beaucoup moins convaincue. « Les enfants seront négatifs le lundi mais se contamineront le mercredi à la boulangerie, en jouant avec leurs petits copains, ou au contact de leurs parents. » Elle critique aussi la fiabilité des autotests, qui sont actuellement réservés aux plus de 15 ans : « La Haute autorité de santé les accepte quand ils ont une sensibilité de 50 % : si vous invitez des personnes infectées à une fête et qu’elles utilisent un autotest, la moitié aura un faux négatif et l’autre moitié, un vrai positif. Ça ne marche pas ». Le gouvernement a également indiqué viser un objectif de « 600 000 tests salivaires par semaine d’ici à la mi-mai », pour 6,6 millions d’écoliers. Catherine Hill compare cela « à vider une baignoire avec une passoire ». Elle suggère plutôt de regrouper tous les prélèvements d’une même classe pour subir un seul test PCR - la méthode du pooling - et gagner en temps et en efficacité.

    Le pari de la vaccination
    Le gouvernement s’est aussi targué d’une accélération de la campagne vaccinale qui pourrait permettre de mieux contrôler l’épidémie. Même en cas de levée des restrictions ? « Le gouvernement, le Président, ont décidé de tout jouer sur la vaccination, analyse Axel Kahn. S’il n’y avait pas cette vaccination, desserrer les écrous des contraintes sanitaires, à ce niveau de circulation virale, à plus de 30 000 contaminations par jour, serait suicidaire. Mais comme la vaccination augmente énormément, les autorités espèrent qu’on arrivera à faire aussi bien que les États-Unis, Israël et l’Angleterre qui vaccinent de manière massive et chez lesquels la circulation virale décroît. »

    Yves Buisson préférerait toutefois que le gouvernement se base davantage sur les indicateurs épidémiologiques que sur les chiffres de vaccination pour relâcher les mesures. Et si les indicateurs passent plus vite au vert dans certains territoires, comme la Bretagne, il estime aussi logique de les voir moins contraints. Catherine Hill, pour sa part, pointe un autre danger : celui d’un virus qui circulerait toujours beaucoup dans une population de plus en plus vaccinée : « On risque de sélectionner des variants résistants ».