En période MeToo, le geste de Christophe Tison a tout l’air d’un sauvetage : donner enfin une voix à la victime, faire entendre les mots d’une femme abusée. Sauf qu’il y a dans ce geste quelque chose de dérangeant : comme si Lolita avait été une victime réelle. Pire : comme si, victime de Vladimir Nabokov lui-même, qui a choisi de ne pas lui donner de voix, il fallait réparer ce “dommage” qu’un écrivain fait subir à son personnage.
Christophe Tison tente de donner une voix à Lolita…
Or il n’y a pas d’ambiguïté dans le roman de Nabokov : Lolita est bien la victime d’hommes pervers, malades. Elle est le symbole de la capacité des hommes à la violence sexuelle, au mal (l’affaire se répétera avec Clare Quilty, un autre pédophile croisé sur sa route).
Par ailleurs, on doute fort qu’une gamine de 12 ou 13 ans s’exprime ainsi : “Moi, petite fille recluse dans les terres stériles et les jardins mesquins de Ramsdale, ses petites barrières blanches (…).” Son langage semble à nouveau confisqué, au profit de celui de l’auteur. Qui par ailleurs la maltraite encore davantage en lui faisant accepter la proposition de Quilty de tourner dans des pornos alors que dans Lolita, elle refuse.