• Covid-19 : en réanimation à l’hôpital Avicenne, le sentiment d’abandon des soignants, face à une vague qui n’en finit pas
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    Des membres du personnel médical soignent un patient infecté par le Covid-19 à l’unité de soins intensifs de l’hôpital AP-HP Avicenne de Bobigny, le 8 février 2021.
    BERTRAND GUAY / AFP

    Dans un climat de début de déconfinement, tenir le « plateau haut » des nombreux patients en soins critiques dans l’établissement de Bobigny (Seine-Saint-Denis) s’avère de plus en plus difficile pour des équipes épuisées.

    Assise au chevet du lit, une femme caresse doucement le dos nu d’un proche, étendu sur le ventre avec des multiples tuyaux qui serpentent autour de son corps immobile. Dans de nombreuses chambres du service de réanimation de l’hôpital Avicenne, à Bobigny, la scène, désormais connue du grand public, se répète : des malades du Covid-19 ventilés, intubés, en position de « décubitus ventral » pour améliorer leur fonction respiratoire. Les familles sont autorisées à venir voir leurs proches, pour cette troisième vague épidémique.
    Bien loin du climat printanier de sortie de crise qui domine à l’extérieur, avec la réouverture des écoles et la perspective d’un allègement des contraintes, rien ne change à l’étage de soins critiques du bâtiment de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ancré dans le département de Seine-Saint-Denis, au nord de Paris. Ce lundi 26 avril, les rayons du soleil ne pénètrent pas dans la trentaine de chambres de patients atteints du Covid-19, stores fermés, et toujours pleines.

    L’« amélioration » de la situation épidémique évoquée par le gouvernement, les soignants n’en voient pas la couleur, avec ce « plateau haut » qui s’étire depuis dix jours maintenant à l’hôpital, et toujours quelque 6 000 patients en réanimation à l’échelle nationale.

    « On est toujours à 250 % de nos capacités »
    « Nous avons eu un peu moins d’entrées ce week-end », souffle avec une touche d’espoir Yves Cohen, chef du service. Mais, avec trois entrées, contre cinq le week-end précédent, cela a seulement permis de limiter les transferts de patients à envoyer vers d’autres établissements, faute de place. Alors que les premières étapes du déconfinement sont annoncées, l’hôpital est bien loin de refermer le moindre lit destiné au Covid-19 : « A Avicenne, on est toujours à 250 % de nos capacités, rappelle le professeur. On parlera du passage du “pic” et de “l’après” quand ça diminuera. On n’y est pas. »

    Les vingt-quatre lits de soins critiques habituellement ouverts à Avicenne, dont huit de surveillance continue pour les malades dans un état un peu moins grave, sont encore un lointain souvenir. Voilà des mois qu’on a poussé les murs, en grignotant le service de cardiologie et en multipliant les heures des soignants, pour atteindre 40 lits de réanimation depuis début avril.

    Si un décalage intervient toujours entre la baisse des contaminations et celle des hospitalisations, à la surprise des médecins, la décrue ne commence toujours pas en réanimation. « On est en stand-by, résume le directeur médical de crise et patron des urgences, Frédéric Adnet, qui déroule la courbe de l’année sur son ordinateur, dans son bureau du SAMU 93. On n’est pas dans un pic classique, comme lors des deux précédentes vagues, où ça redescend à une vitesse symétrique à la montée, on espère tous la décroissance, mais, pour l’instant, ça ne redescend pas. »