contre quoi, et pour quoi, luttons-nous ? – dièses

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  • Discriminations : contre quoi, et pour quoi, luttons-nous ? – dièses
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    Mars 2016, je participe à une formation de professeur·es d’école maternelle sur l’apprentissage de la parole par les jeunes enfants. Nous regardons une vidéo réalisée par le Réseau Canopé, réseau de documentation pédagogique de l’Éducation Nationale. Il s’agit d’une professeure chevronnée qui apprend à ses élèves à bien s’exprimer : filles et garçons sont réuni·es autour d’elle et échangent à propos d’un bonhomme dont l’image est affichée au tableau et qu’il s’agit d’habiller avec pantalon, pull et bonnet de couleurs diverses ; certain·e·s des élèves viennent même près du tableau et s’expriment alors face à la classe. À l’issue de la diffusion de la vidéo, je fais remarquer que durant les huit minutes que dure cette séquence, aucune fille n’a parlé, alors qu’elles ont levé la main pour demander la parole. Certaines finissent par se balancer sur leur chaise. Les garçons (la plupart) ont ainsi pu exercer leur prise de parole, mais les filles ? Qu’ont-elles appris ? Le conseiller pédagogique responsable de la formation, aussi bien que les autres participant·es, réagit : « Mais que vas-tu chercher ? » Je lui réponds que je cherche l’égalité d’accès aux apprentissages, ainsi que le droit au respect et à la reconnaissance par les pairs et par l’adulte. On me rétorque que « ce n’est pas le sujet, [qu’] ici on réfléchit à comment apprendre à parler ». Mais les petites filles de cette classe, comme de l’immense majorité des autres classes d’école primaire, de collège, de lycée et même d’université1 auront sans doute surtout retenu que leur parole a moins d’importance que celle des garçons et que, dans un conflit, les filles ne doivent pas tenter de défendre leur point de vue ou leur intérêt, car ce faisant elles s’exposeraient à la violence, alors que les garçons eux apprennent l’inverse, qu’il faut s’imposer en usant de la force – les deux connaissent donc la même confusion entre conflit et violence. Cette discrimination d’apparence anodine pour la plupart des professeur·es a des conséquences importantes pour notre société et ses membres2.