L’extradition annoncée des exilés italiens : revanchisme d’État et persistance du déni – CONTRETEMPS
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À l’heure de l’hystérie médiatique et sécuritaire, essayons de rappeler brièvement quelques faits. À partir de la fin des années 1970, plusieurs centaines d’Italiennes et d’Italiens, recherchés par la justice de leur pays, fuient vers la France, où certain·es d’entre elleux s’installent. L’Italie connaît alors la fin d’une décennie de luttes et d’affrontements politiques et sociaux de très grande ampleur, qui prennent souvent une tournure violente. Le point de départ de cette escalade se trouve incontestablement dans l’attentat néofasciste de la Piazza Fontana en décembre 1969, auquel fera écho celui de la gare de Bologne en août 1980, également le fruit de l’extrême droite et de ses ramifications dans l’appareil d’État. Entre ces deux années, selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, plus des deux tiers des « violences » (rixes, guérillas, destruction de biens) commises en Italie sont imputables à l’extrême droite, 26,5 % à l’extrême gauche et 6 % à d’autres [1]. De même, à la fin des années 1980, sur les 380 morts de violence politique, un tiers environ est imputable à l’extrême gauche. Pourtant, c’est contre celle-ci que la répression de l’État italien se dirigera de façon quasi exclusive. Rien d’étonnant à cela : il est avéré que les groupes terroristes d’extrême droite ont bénéficié de complicités dans les services secrets et au plus haut niveau de l’État, du patronat et de la classe politique. Il a fallu attendre les années 1980 et 1990, pour que soient dévoilés, de façon très partielle, des éléments essentiels de cette « stratégie de la tension », avec la révélation des agissements de la loge P2 et du réseau Gladio. Pour ces forces, logées au cœur de l’État, des appareils de répression, des élites économiques et, pour la seconde, en lien étroit avec les services étatsuniens et l’OTAN, il s’agissait en effet de légitimer la répression de la conflictualité sociale et d’empêcher à tout prix qu’elle trouve une issue politique ne serait-ce que progressiste.