Gérald Nédélec : « Moi aussi, j’ai bloqué le canal de Suez » - Larmor-Plage

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    Bien avant l’Ever-Given, le Larmorien Gérald Nédélec, à la barre du pétrolier Esmeralda, se souvient avoir bloqué le canal de Suez pendant huit jours, en 1964
    Photo Jean-Christophe Sagot

    Fin mars, l’image a fait le tour du monde : le porte-conteneurs géant Ever-Given, échoué en travers du canal de Suez, bloque plus de 400 navires durant sept jours. Du jamais vu, ou presque. Car avant l’Ever-Given, il y a eu… un Breton !

    « On en a fait tout un plat avec ce 400 mètres, mais j’y suis déjà passé avant », sourit Gérald Nédélec, qui réside à Larmor-Plage (56). Son cargo à lui ne faisait « que » 220 m, mais ce n’est pas la taille qui compte, surtout quand il s’agit de mettre à l’arrêt le trafic sur l’une des plus importantes voies de commerce maritime du monde. « On va dire encore, Nédélec, il se la raconte ! Mais en 1964, j’ai bloqué le canal de Suez pendant une semaine ».

    Le 7 mai 1964, le matelot Gérald Nédélec, 23 ans, est à la barre du pétrolier Esmeralda de l’Auxinavi (Compagnie auxiliaire de navigation) : « Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous venions de passer le lac d’Ismaïlia et nous suivions un remorqueur, ayant à couple un chaland chargé de pierres ». Soudain, le chaland se met en travers, « une avarie de barre, paraît-il ».

    « Des Égyptiens sautaient à l’eau »
    Branle-bas de combat à bord, car moins de 200 m séparent les deux navires. « Notre pilote, un Russe, me hurle de serrer à tribord, ce que je fais au maximum, au risque de nous échouer ». Mais la collision est inévitable : « Le chaland de tribord lamine tout le côté bâbord du pétrolier ». Les amarres cassent et le chaland coule.

    S’il en plaisante aujourd’hui, l’instant était à la panique : « Des Égyptiens sautaient à l’eau, il y avait beaucoup de cris… Nous sommes passés, mais tous les bateaux qui se trouvaient derrière nous ont été bloqués pendant huit jours ». Une brève du New York Times précise que le chaland transportait en fait 380 tonnes de ciment, qui se sont solidifiées au fond du canal et ont dû être dynamitées. L’opération a mobilisé plus de 100 ingénieurs, ouvriers et plongeurs. Le journal américain indique également que « plus de 100 supertankers ont été bloqués », mais le Larmorien pense que ce serait près de 500 bateaux qui seraient restés ainsi à l’arrêt forcé.


    Gérald Nédélec a navigué pendant plus de deux ans entre Le Havre et le golfe persique pour l’Auxinavi.
    Photo Gérald Nédélec

    Du canal de Suez au Titanic
    La petite histoire de Gérald Nédélec rejoint aussi la grande : le 14 mai 1964, alors que le canal n’était pas encore rouvert au trafic, le raïs égyptien Nasser et son homologue soviétique Khrouchtchev assistent ensemble à la mise en eau du haut barrage d’Assouan. Nasser aurait profité de l’incident pour souligner l’importance stratégique du canal de Suez. « J’ai entendu dire qu’il avait fait croire qu’il avait lui-même bloqué le canal pour bien le faire comprendre. Mais moi, je sais ce qu’il s’est vraiment passé », sourit Gérald Nédélec.

    Du canal de Suez, le Breton en garde d’innombrables souvenirs de navigation. « Le plus impressionnant, c’est quand on se trouvait sur le sable, on voyait seulement les structures des navires dépasser au-dessus les dunes. On avait l’impression qu’elles glissaient sur le sable ». Après cinq ans dans la marine marchande, Gérald Nédélec s’est tourné vers une carrière de douanier. En 1987, à Lorient, il est l’un des agents qui a posé les scellés sur les conteneurs des trésors du Titanic, remontés par le Nautile. « Mais ça, je vous le raconterai une autre fois ! ».