• Net rebond de la pandémie en Asie du Sud-Est
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/30/net-rebond-de-la-pandemie-en-asie-du-sud-est_6078685_3210.html

    Les trois « bons élèves » de la planète Covid, Thaïlande, Cambodge et Laos, trois pays d’Asie du Sud-Est qui avaient su jusque-là faire preuve d’une maîtrise singulièrement efficace de la pandémie, connaissent à leur tour un rebond inquiétant des infections. Si les taux de diffusion du virus restent relativement bas, comparés au reste du monde, ils n’en sont pas moins alarmants.En Thaïlande, les décès dus au Covid-19 ont plus que doublé en un mois : entre le début de la pandémie et vendredi 30 avril, 178 personnes sont mortes du virus. Chaque jour, plus de 2 000 cas positifs supplémentaires sont désormais signalés, portant à 61 700 le nombre d’infections.Pour une population de près de 70 millions d’habitants, ces chiffres sont certes incomparables avec les situations cauchemardesques en train de se développer en Inde ou en Amérique latine, et restent très en deçà des statistiques françaises et celles d’autres pays européens. Face à cette nouvelle flambée inattendue, les autorités ont cependant pris des mesures strictes dans un pays où la crainte du virus est particulièrement aiguë (...).
    La cause de ce rebond épidémique, qui est en train de placer sur la sellette le premier ministre, Prayuth Chan-o-cha, et son très controversé ministre de la santé, Anuthin Charnvirakul, a été provoquée au début du mois par l’apparition de clusters dans des boîtes de nuit du quartier de Thonglor, à Bangkok. Les mouvements de population dans tout le pays à l’occasion de Songkran, le Nouvel An thaïlandais – qui tombe le 13 avril –, n’ont rien arrangé.Les opposants au gouvernement accusent le premier ministre de mauvaise gestion et se déchaînent contre le ministre de la santé, qualifié d’incapable. Une pétition qui a déjà réuni plusieurs centaines de milliers de signatures circule pour demander sa démission. Selon un sondage, près de 80 % des Thaïlandais font peu ou pas du tout confiance dans la capacité gouvernementale à maîtriser le virus.
    « La Thaïlande n’a pas perdu le contrôle de l’épidémie », avance néanmoins François Nosten, professeur en médecine tropicale installé dans le pays depuis trente ans. Célèbre pour la lutte sans relâche qu’il mène pour l’éradication du paludisme, le directeur de la Shoklo Malaria Research Unit, basée dans la ville de Mae Sot, à la frontière birmane, estime que « jusqu’à 3 000 cas par jour, les autorités peuvent gérer la propagation du virus. Au-delà, cela deviendrait problématique ». Le médecin français souligne aussi que la Thaïlande dispose de « l’un des meilleurs systèmes de santé de la région », avantage auquel s’ajoute un réseau étendu de volontaires bénévoles, ainsi qu’une politique résolue de tests et de traçage des cas contacts.
    Si l’épidémie devait se développer dans des proportions inquiétantes, les hôpitaux n’auraient toutefois pas la capacité d’absorber le nombre de malades gravement atteints dans un pays où toute personne positive est contrainte à l’hospitalisation – même si elle n’a pas développé de symptômes. D’immenses hôpitaux de campagne, similaires à ceux montés par les Chinois à Wuhan, épicentre originel de la pandémie, ont été ouverts autour de Bangkok et de Chiangmai pour accueillir des personnes testées positives sans symptômes graves.Le Cambodge avait, lui aussi, semblé avoir été épargné par le virus. Mais la courbe des cas a soudainement augmenté depuis fin février avant de faire un bond spectaculaire – à la verticale – mi-avril, passant d’une cinquantaine d’infections journalières à des pics de plus de 600. A ce jour, 88 morts ont été recensés pour 11 761 cas – une hausse plus que significative dans ce royaume de 17 millions d’habitants. Les raisons de cette brutale augmentation s’expliquent par la fuite, de l’hôtel où elles effectuaient une quarantaine de rigueur, de quatre Chinoises fraîchement arrivées de République populaire : le 20 février, elles ont donné de l’argent à leurs gardes en échange d’une permission de sortie. Les jeunes femmes, dont deux avaient été testées positives au Covid-19, sont ensuite allées faire la fête dans Phnom Penh, dispersant le virus dans la capitale.A Phnom Penh, où un confinement est en vigueur depuis la mi-avril, les autorités sanitaires ont annoncé que la capacité hospitalière avait déjà été dépassée et que des écoles et des bâtiments normalement réservés à des fêtes de mariage avaient été transformés en centres médicaux. Hun Sen a menacé de prison tout contrevenant aux nouvelles réglementations. La fermeture des marchés alimentaires risque d’avoir des conséquences sérieuses pour tous les travailleurs précaires et les ouvriers du textile, l’un des secteurs d’activité les plus importants du pays, qui font face à des difficultés d’approvisionnement en nourriture.
    L’exemple du Laos montre que nul pays n’est à l’abri d’une nouvelle vague. Ce petit pays de 7 millions d’habitants, enclavé entre la Chine, la Thaïlande, le Vietnam et le Cambodge, et dirigé de main de fer par un Parti communiste issu de la guerre du Vietnam et de la « révolution » de 1975, avait longtemps fait figure d’exception : selon les chiffres officiels, tandis qu’aucun mort n’était à déplorer, le niveau d’infection est resté quasi négligeable durant des mois. Tout a basculé durant la fête du Pi Mai – le Nouvel An laotien – quand une jeune femme a contracté le virus après avoir festoyé avec des Thaïlandais ayant clandestinement franchi le Mékong, au niveau de la capitale, Vientiane.

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