les « années de plomb » en Italie et les transitions démocratiques dans le cône sud latino-américain

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  • Réconcilier, réprimer : les « années de plomb » en Italie et les transitions démocratiques dans le cône sud latino-américain
    http://journals.openedition.org/conflits/479

    Le cas italien donne aussi à voir une considérable amplification de la violence politique, à partir du milieu des années 1970. C’est en effet dans le seconde moitié de cette décennie que l’activité des groupes armés d’extrême gauche (Brigades Rouges [BR], Prima Linea) se développe, les années 1978-1980 représentant le pic de cette violence, dont l’événement symbolique est l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro, retrouvé mort le 9 mai 1978. Mais la pénétration de la violence politique dans la société italienne ne se limite pas à l’activité des groupes militarisés : 1977 voit l’éclosion du mouvement des emarginati (exclus), où certains groupes d’extrême gauche (notamment Autonomie ouvrière, qui prend la relève des groupes en activité au début des années 1970, comme Potere operaio et Lotta continua) jouent un rôle important : cette extension de la contestation se caractérise par le développement de pratiques de violence « diffuse » (manifestations parfois armées, affrontements avec la police, « expropriations prolétaires »…), toutefois différente dans son intensité et sa nature de la violence exercée par les BR ou Prima Linea7. Face à ces différents types de violence politique, l’Etat italien répond par une répression unitaire, qui touche tous les groupes : le 7 avril 1979, de nombreux militants de l’Autonomie ouvrière (environ 70, dont les leaders Antonio Negri et Oreste Scalzone) sont arrêtés et inculpés pour faits de terrorisme, cette inculpation se fondant sur une identification entre Autonomie et BR. Les arrestations du 7 avril sont symboliques d’une phase de répression intense. A partir de 1978, différents dispositifs juridiques d’exception sont mis en place, qui se caractérisent essentiellement par une extension des pouvoirs de la police (interpellation, perquisition, garde à vue), et de la justice, ainsi qu’une réduction des droits des inculpés, observable notamment dans l’allongement considérable des durées de détention préventive8. Ainsi, les procès du « 7 avril 1979 » ne seront conclus qu’en 1984. L’effet de la répression sera à la mesure des dispositifs : durant la période de répression, 4 087 militants seront condamnés et incarcérés. En 1997, on estime que 224 personnes sont encore incarcérées (dont 130 en régime de semi-liberté) et 190 en exil (la majeure partie en France). Il faut tout d’abord préciser le statut du rapprochement opéré entre le cas d’un régime démocratique (cas italien) et d’autoritarisme militaire (Amérique latine). Il ne s’agit pas, bien entendu, d’affirmer une équivalence qui écarterait le caractère discriminant du régime politique, mais de se concentrer sur un point commun bien délimité, et, peut-être, tirer sur ce point précis des enseignements d’ordre plus général et théorique. On ne parlera donc pas de comparaison mais de mise en parallèle, ou de mise en regard.