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  • Restituer les bidonvilles de Nanterre : l’apport d’un outil de visualisation 3D à un projet de sciences sociales
    https://journals.openedition.org/revuehn/1946

    1Dans les années 1950, alors que la France se reconstruit progressivement, les taudis et les bidonvilles s’étendent dans les périphéries des villes, en particulier dans l’agglomération parisienne. Cette nouvelle « crise du logement » (Fourcaut et Voldman 2013) et la « question des bidonvilles » (Blanc-Chaléard 2016) s’imposent dans le débat public, surtout après l’appel de l’abbé Pierre lors de l’hiver 1954. En parallèle de vastes opérations urbaines modernes, une autre ville se construit donc, particulièrement précaire et caractérisée par une mobilité et une fluidité intense. Les bidonvilles de Nanterre, qui se forment au milieu des années 1950, s’imposent rapidement dans les esprits comme le symbole de cet habitat délabré, cristallisent de ce fait toutes les représentations et attirent le regard des observateurs sociaux et de l’administration. Pour autant, le moment et les raisons de la formation de ces bidonvilles demeurent méconnus. De même, la matérialité concrète de ces ensembles urbains s’efface souvent devant les quelques photographies misérabilistes qui restent bien gravées dans les mémoires. Du fait de leur nature, les logements informels de ces bidonvilles laissent effectivement peu de documentation archivistique au moment de leur formation et disparaissent ensuite sans laisser de traces matérielles. Il n’est effectivement pas nécessaire de déposer un permis de construire ou de procéder à l’achat d’un terrain devant un notaire pour élever sa baraque sur un terrain vague de Nanterre. Les sources concernant ces formes urbaines existent pourtant : les bidonvilles ont été largement investis par le milieu associatif et les pouvoirs publics, qui ont produit une abondante documentation peu exploitable car elle est éclatée au sein de nombreux lieux de conservation avec de fortes difficultés d’accès. En particulier, deux types d’archives ont retenu notre attention pour aborder ces problématiques : d’une part, le recensement de 1954 du département de la Seine à l’échelle de l’îlot livre des données sur la morphologie sociale et spatiale de la ville de Nanterre, notamment sur la situation du logement ; d’autre part, les fonds de photographies aériennes permettent d’appréhender la matérialité de ces constructions et d’intégrer une vision diachronique des changements urbains de la commune. Pour exploiter ces sources et composer ce corpus de recherche, il convient donc de procéder au traitement et au croisement de ces données de natures très diverses qui n’ont pour seul point commun qu’un certain ancrage spatial. Évidemment, le classique système d’information géographique (SIG) s’est imposé dans un premier temps, en particulier pour l’exploitation du recensement. Cependant, le besoin d’un outil de traitement et de visualisation plus poussé nous a conduits à nous emparer de la plateforme de l’IGN iTowns. Cette plateforme est un moteur de restitution permettant une navigation spatiotemporelle, immersive et interactive dans un environnement tridimensionnel qui ne demande qu’à être enrichi de fonds iconographiques anciens avant d’être dévoilé au grand public. Dans le cadre de cette étude sur les bidonvilles de Nanterre, cet outil a permis de réunir l’ensemble de la documentation utilisée pour permettre d’éclairer les phénomènes de constitution de ces formes urbaines si particulières et leur persistance dans les mémoires collectives actuelles.