• Les histoires d’a(uteurs) finissent mal, en général – Libération
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    Vous savez ce que font les artistes-auteurs quand ils se retrouvent à passer un week-end avec d’autres artistes-auteurs ? Ils se racontent des histoires d’artistes-auteurs. Des bras de fer aberrants avec des éditeurs pour arracher 1 ou 2% de droits. Des commandes absurdes et irréalistes. Des projets pour lesquels ils n’ont toujours pas été payés. Des structures qui ont essayé par tous les moyens – flatterie, affect, coups de pression, tromperie – de les faire travailler gratuitement. Des œuvres traitées n’importe comment – maquettes à la truelle, pages inversées, impression hasardeuse – par une chaîne de prestataires externes qui croulent sous les demandes. Il n’a jamais été aussi simple qu’aujourd’hui de se renseigner, se documenter, connaître les coulisses de n’importe quel secteur et, si nécessaire, les dévoiler, exprimer son désaccord de manière forte et visible, élaborer des ripostes, réfléchir à des améliorations. Mais rien ne change. Quels que soient son statut, son âge, son pa…

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    • Vous savez ce que font les artistes-auteurs quand ils se retrouvent à passer un week-end avec d’autres artistes-auteurs ? Ils se racontent des histoires d’artistes-auteurs. Des bras de fer aberrants avec des éditeurs pour arracher 1 ou 2% de droits. Des commandes absurdes et irréalistes. Des projets pour lesquels ils n’ont toujours pas été payés. Des structures qui ont essayé par tous les moyens – flatterie, affect, coups de pression, tromperie – de les faire travailler gratuitement. Des œuvres traitées n’importe comment – maquettes à la truelle, pages inversées, impression hasardeuse – par une chaîne de prestataires externes qui croulent sous les demandes. Il n’a jamais été aussi simple qu’aujourd’hui de se renseigner, se documenter, connaître les coulisses de n’importe quel secteur et, si nécessaire, les dévoiler, exprimer son désaccord de manière forte et visible, élaborer des ripostes, réfléchir à des améliorations. Mais rien ne change. Quels que soient son statut, son âge, son parcours, l’artiste-auteur a toujours une dizaine d’histoires de ce genre à raconter et, malgré l’expérience qui rentre ou la notoriété qui vient, doit continuer à tout faire pour les éviter.

      Inoffensif coup de vernis

      Le rapport remis en janvier 2020 par Bruno Racine au ministre de la Culture d’alors, Franck Riester, avait suscité énormément d’espoirs, prescrivant la mise en route de chantiers cruciaux tels que la création d’un statut professionnel dédié et la mise en place d’un taux minimal de droits d’auteur. Las, il a fini pour l’essentiel dans la corbeille. En mars, sa successeuse, Roselyne Bachelot, choisissait de n’en garder que des miettes – choix salué au passage par les gros acteurs du secteur, trop contents de cet inoffensif coup de vernis sur le statu quo.

      Dans la foulée, Samantha Bailly, présidente de la Ligue des auteurs professionnels, qui avait porté le dossier avec intensité depuis trois ans, cessait tous ses mandats, dénonçant un « mépris pour la parole des auteurs et autrices » et, au-delà même, pour « le dialogue social ». Un choix qui tenait moins de la résignation que de la colère et qui a trouvé samedi un nouvel écho dans les pages du Monde, sous la forme d’une tribune signée par un collectif d’auteurs et représentants d’organisations professionnelles, dont Samantha Bailly, dénonçant les « bricolages » et « mesurettes » du ministère et concluant que les artistes-auteurs se voyaient, de fait, « exclus du droit commun ».

      Grands raouts utopistes

      Suprême ironie, cette fin de semaine tombait quasi simultanément un appel à contributions pour illustrer le songbook le Suprême de -M- du chanteur Matthieu Chedid. La rétribution des heureux élus retenus pour le projet final ? Leur photo dans le livre, une cession de droits gracieuse et une remise de 30% sur le prix de vente de l’objet (frais de port non inclus). Annonce retirée ce matin, après que le chanteur a fait part de son désaccord sur la proposition, selon toute vraisemblance rédigée par son éditeur sans son consentement.

      On salue le geste. Qui ne représente finalement, lui aussi, guère plus que quelques miettes. Un an après les élans de solidarité spontanée et les grands raouts utopistes vantant le « monde d’après », quelles figures populaires oseront se faire l’image et les voix de ce combat nécessaire pour l’amélioration des droits sociaux des créateurs ? Qui prendra le risque de mettre un coup de pied dans les rafistolages administratifs sur lesquels se repose une poignée au détriment de milliers d’autres ? Qui pour changer le scénario désespérément prévisible des histoires que les artistes-auteurs se racontent le week-end ?