« La base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola à vendre son produit. Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible », explique sans fard Patrick Le Lay, premier président de TF1 en 2004.
L’exception culturelle est loin. Le pouvoir, qu’il soit de gauche ou de droite - ou le CSA, à ses ordres –, ne rappellera jamais le groupe Bouygues à ses engagements, ni n’osera le menacer de lui retirer sa fréquence. Bouygues est devenu le véritable propriétaire de la fréquence de TF1, alors que c’est un bien public inaliénable.
Ce laxisme du pouvoir ne peut qu’encourager toutes les dérives des concurrents de TF1. À commencer par Vincent Bolloré. Grand rival de Martin Bouygues depuis le milieu des années 1990, celui-ci est en train de construire bloc par bloc un groupe audiovisuel où l’ultradroite est invitée en permanence.
Son ambition est de construire une Fox News à la française, relayant les propos les plus rances, tuant tout débat démocratique, balayant toute nuance. Comme le créneau semble porteur, LCI suit la même pente. Un de ses journalistes, Philippe Ballard, a même rejoint le Rassemblement national et se présente sous cette étiquette pour les élections régionales en Île-de-France.
Avec le projet de rapprochement entre TF1 et M6, la rivalité entre les deux groupes risque de s’exacerber. Parti à l’assaut du groupe Lagardère depuis un an, rien ne va plus retenir Vincent Bolloré dans sa conquête. À partir du 1er juillet, la commandite qui protégeait Arnaud Lagardère devrait être supprimée. Plus aucun obstacle ne s’opposera au pouvoir de Vincent Bolloré, premier actionnaire de Lagardère.
Sans avoir dit le moindre mot officiellement, sans avoir lancé la moindre opération boursière, il est déjà en train de devenir le maître des lieux. Comme l’a raconté Les Jours, la direction de la rédaction d’Europe 1 a appelé les salariés de la radio à se ranger ou à partir. « Vous êtes déjà salariés de Vincent Bolloré dans les faits », les a-t-elle prévenus, il y a une semaine.
La campagne présidentielle n’est pas encore engagée. Mais tout se met en place dans l’audiovisuel privé, pour que le match Macron-Le Pen, décidé par l’Élysée, se déroule à chaque instant sur les écrans, nous amenant aux débats les plus glauques, aux manipulations les plus grossières, jusqu’aux thématiques ouvertement racistes ou islamophobes, l’audiovisuel public, volontairement paupérisé, n’offrant que quelques rares poches de résistance.
Dans tous les cas de figure, il ne faut pas en douter : derrière toutes les gesticulations, c’est l’avenir de l’audiovisuel public et privé qui se joue. C’est aussi la prochaine élection présidentielle qui en est l’un des enjeux. Pour parler clair, c’est notre démocratie qui est en balance…