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  • La promotion par l’incompétence : la kakistocratie Isabelle Barth

    https://vimeo.com/292280205

    Nous évoluons dans un monde du travail où les maîtres mots sont compétences, réussite, dépassement de soi, engagement, exigence, performance. Notre vision de la vie professionnelle est donc construite sur une hypothèse forte : on progresse professionnellement quand on est bon, compétent, formé, en pleine adéquation avec son emploi. Il est donc normal que nous visions cette excellence d’abord dans nos études, puis dans nos premiers pas dans la vie au travail.

    Et là, chemin faisant, nous nous rendons compte que cette règle de la compétence est loin d’être obligatoire. Des supérieurs hiérarchiques, des numéros 1 ou 2 dans la hiérarchie sont, de l’avis général, incompétents. Se pose alors la sempiternelle question de comment ils (ou elles) ont pu gravir les échelons alors qu’il est patent qu’ils ne sont pas à la hauteur, et ne l’ont peut-être jamais été pour certains. Comment peuvent-ils se maintenir alors que leurs fonctions sont vitales pour l’organisation et que leurs choix, leurs comportements, leur management la mettent en danger.

    Il y a des entreprises où les cas sont rares (nous pouvons dire que très peu échappent au phénomène), mais il y a des organisations où la promotion par l’incompétence est la règle. Ces organisations sont alors dirigées logiquement par des mauvais. Il s’agit alors de kakistocratie, du grec kakistos : le pire et kratos : le pouvoir. On parle aussi d’idiocratie pour désigner une société qui valorise et récompense les gens en fonction de leur manque d’intelligence.

    Nier les qualités individuelles pour promouvoir le système

    Comment fonctionne une kakistocratie ? Et pourquoi fait-on ce choix ?

    Un chercheur italien Diego Gambetta nous apporte des réponses en conduisant l’analyse d’une organisation très particulière : la Mafia. Il élargit ensuite avec Hervé Dumez dans un article de Gérer et Comprendre de 2006 la description à une autre organisation qu’est l’Université. L’article s’intitule d’ailleurs : « La valeur de l’incompétence : de la mafia tout court à la mafia universitaire : une approche méthodologique. Que nous disent-il ?

    1/ Une première explication de vouloir donner du pouvoir aux mauvais est de créer de la dette. En effet, quand vous récompensez un bon, en le promouvant ou en élargissant ses responsabilités, ou en le payant mieux, il estime que c’est une juste reconnaissance de ses talents et ne sera nullement enclin à la reconnaissance ou à la loyauté. Alors qu’en récompensant un mauvais, on crée une dette, qui garantit un ascendant sur le long terme à celui qui a fait ce choix.

    2/ Une autre idée forte est que l’incompétence peut être une façon de ne pas faire peur. C’est la thèse de Gambetta concernant la Mafia. L’analyse qu’il fait de centaines de procès-verbaux de mafieux, lui permet de mettre au jour l’argument « incompétence » développé par les mafieux. Individuellement comme d’un point de vue collectif, ils se déclarent incompétents dans les activités de ceux qu’ils « protègent » ; en cela, ils rassurent car s’ils continuent à racketter, ils ne prendront pas leur place faute de connaissances suffisantes.

    3/ En prenant cette fois l’exemple de l’Université ; Gambetta et Dumez montrent combien les dispositifs sont en place pour que les « mandarins » puissent placer non pas d’excellents candidats mais bien leurs poulains. Les commissions de recrutement par exemple vont collaborer pour que soient retenus non pas des bons ou des très bons, mais des connus, appréciés, et qui ne feront pas peur en termes d’exigence et de puissance de travail.

    Ce type de démarche systématisée a aussi un effet important : montrer que l’on peut promouvoir l’incompétence est la démonstration qu’on ne peut rien sans le système. Les qualités individuelles ne sont pas prises en compte, au profit des relations, des services rendus et surtout des services à rendre.

    Ces organisations tiennent alors par la « dette ». Le critère n’est pas d’être bon, mais bien d’être loyal. Les kakistocraties nient les qualités individuelles au profit de dispositifs collectifs. Ce qui est important est que l’ensemble tienne et se perpétue, même si c’est au détriment de la performance globale et du développement. Le gouvernement par les pires existe donc. Et vous, pensez-vous connaitre des Kakistrocraties ?

    (1) Diego Gambetta, « Crimes and Signes – Cracking the codes of the underworld » Princeton NF, Princeton University Press, 2006

    Repris et discuté par Hervé Dumez in « La valeur de l’incompétence : de la mafia tout court à la mafia universitaire : une approche méthodologique », Gérer et Comprendre, Septembre 2006 n°85

    Source : https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Isabelle-Barth-La-promotion-par-l-incompetence-la-kakistocratie_3746365.

    #caste #élites #mafia #incompétence #oligarchie #inégalités #capitalisme #démocratie #élite #économie #en_vedette #travail #corruption

    • Principe de base de la structure patriarcale. Les hommes dirigent et dominent non pas pour leurs compétence par rapport aux femmes, au contraire ils sont plus agressifs et destructeurs, ils ont le sommet de la hiérarchie car leur incompétence est moins importante que la loyauté entre frères.
      #fraternité #patriarcat

    • Bien vu pour le système universitaire, de mon expérience soit tu te plies au #panier_de_crabe, soit tu t’en vas.

      Pour un master2 à St Denis, j’ai vu le jury obnubilé par la taille des seins d’une candidate osé lui dire en ricanant qu’elle avait beaucoup d’atouts. D’autres, grimper les échelons sans en avoir la compétence, juste parce qu’ils « passaient bien », nous étions plusieurs à nous rendre compte de leur attitude servile.

    • https://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_Peter

      Le principe de Peter (appelé parfois « syndrome de la promotion Focus ») est une loi empirique (issue de faits expérimentaux, ou validée par l’expérience) relative aux organisations hiérarchiques proposée en 1969 par Laurence J. Peter et Raymond Hull dans leur ouvrage The Peter Principle (traduction française Le Principe de Peter, 1970).

      Selon ce principe, « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence », avec pour corollaire que « avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d’en assumer la responsabilité ».

      L’ouvrage de Peter et Hull est rédigé sur un ton satirique, voire humoristique, mais le principe qu’il expose a pu faire l’objet d’études universitaires qui ont étudié sa validité par la modélisation ou par la confrontation à des cas réels, certaines concluant à sa validité complète ou partielle.

    • Gros classique dans les entreprises, dès qu’elles grossissent un peu. Je n’ai pas vu ça dans les toutes petites structures, probablement pour des questions de moyens, on ne peut pas se permettre ce genre de fantaisies. Par contre dans ma boîte actuelle, c’est la pote du patron qui a été promue responsable du marketing, alors qu’elle n’a aucune expérience et formation en la matière... C’est désespérant et en même temps cela a aussi un gros potentiel comique (même si souvent on rit jaune).