• « L’Etat ne doit pas donner suite à l’extradition des exilés politiques italiens, ces “ombres rouges” que poursuit une vengeance d’Etat »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/21/l-etat-ne-doit-pas-donner-suite-a-l-extradition-des-exiles-politiques-italie

    En menant à terme la procédure d’extradition de 10 exilés politiques italiens, l’Etat français serait « complice d’une opération de réécriture de l’histoire ». Dans une tribune au « Monde », près de 300 personnalités, parmi lesquelles l’écrivaine Annie Ernaux, le cinéaste Robert Guédiguian, l’écrivain Pierre Lemaitre et le comédien Bruno Solo, réclament leur liberté totale et l’arrêt des poursuites à leur encontre.

    Tribune. Le mercredi 28 avril, une opération de police d’ampleur arrêtait neuf Italiennes et Italiens dans le cadre d’une procédure d’extradition visant à expulser 10 femmes et hommes vers l’Italie où les attend la prison à vie. Ces 10 personnes, visées par la procédure d’extradition qui a débuté ce jour-là, vivent en France où elles ont été accueillies il y a plusieurs décennies.

    Des vies ont été reconstruites, des familles fondées, protégées par le refus de principe de la France de répondre aux demandes d’extradition de militantes et militants politiques. Au tribunal de la cour d’appel, la justice française a décidé différents degrés de liberté surveillée en attendant les audiences programmées en juin pour chacune devant la chambre de l’instruction pour examiner la demande d’extradition vers l’Italie.
    Archive : Le long exil de l’extrême gauche italienne à Paris

    Arrêter quarante ans plus tard des personnes en exil est une honte pour l’image internationale de la France, en totale contradiction avec les valeurs universelles qu’elle prétend défendre. Ces personnes en exil en France y avaient trouvé une fragile protection face à la répression et à la justice d’exception qui sévissaient alors dans leur pays.
    Les faits reprochés remontent à plus de quarante ans

    A partir de la fin des années 1970, plusieurs centaines d’Italiennes et d’Italiens recherchés par la justice de leur pays fuient vers la France, où certains s’installent. L’Italie connaît alors la fin d’une décennie d’affrontements politiques et sociaux de très grande ampleur et parfois d’une grande violence.

    De l’attentat néofasciste de la piazza Fontana, à Milan, en décembre 1969, à celui de la gare de Bologne en août 1980, sur les 362 meurtres attribués aux militants d’extrême gauche par le ministre de la justice français, Eric Dupond-Moretti, les deux tiers sont le fait de cette extrême droite adepte des attentats aveugles tuant des dizaines de personnes dans les lieux publics. Cette extrême droite, dont les ramifications dans l’appareil d’Etat sont aujourd’hui avérées, n’a été que marginalement poursuivie.
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    Les faits reprochés remontent à plus de quarante ans. Les personnes concernées ont été jugées et condamnées en Italie dans des conditions d’une répression féroce et de masse (60 000 procès, 6 000 prisonniers politiques), marquée par de nombreux enfermements sans condamnation, sur la foi d’enquêtes hasardeuses.
    Une législation d’exception

    Marina Petrella [parmi les personnes interpellées le 28 avril], par exemple, a passé huit ans en détention préventive en Italie. Les procédures utilisées pour imposer les peines avaient été jugées, à l’époque, incompatibles avec les principes de l’Etat de droit français. A cette époque, en effet, un arsenal législatif d’exception a été mis en place en Italie, dirigé principalement contre l’extrême gauche.