• États-Unis : un an après la mort de George Floyd, la ville d’#Austin « réinvente » sa sécurité publique en réduisant le budget de sa police
    https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/etats-unis-un-an-apres-la-mort-de-george-floyd-la-ville-d-austin-reinve

    Enclave progressiste dans un Texas conservateur, Austin a mis de côté un tiers des ressources des forces de l’ordre après la mort de George Floyd à Minneapolis. Un an plus tard, franceinfo se penche sur les premiers enseignements de cette réforme.

    […] Jusqu’à l’an dernier, le financement des forces de l’ordre dans la capitale texane représentait 40% de l’enveloppe budgétaire municipale. Le nouveau budget, voté en août 2020, met sur pause une hausse de 50% de ces dépenses sur sept ans, rapporte le Texas Monthly. Les crédits destinés aux policiers sont ramenés de 434,4 millions de dollars à 292,9 millions par an. Cette réduction entraîne la suppression de 180 postes de policiers – dont 150 vacants – sur un total d’environ 1 800 agents. La formation de quatre nouvelles promotions de policiers est retardée, et le budget dédié aux heures supplémentaires réduit.

    #budget #aide_sociale #social #sans_domicile_fixe #logement #maintien_de_l'ordre #violences_familiales #définancement #services_médicaux_d'urgence #police_scientifique #psychiatrie

    • Le mouvement de « définancement » s’imagine que si l’argent alloué à la #police et les #prisons était dédié à d’autres programmes, il pourrait résoudre les problèmes sociaux sous-jacents que la police est censée gérer ou contenir. Or, c’est ignorer le fait que la police et les prisons sont déjà le programme social le moins cher, l’expression même de l’austérité ; et aideront donc peu à la redistribution des richesses[84]. « Abolir » la police, en pratique, veut souvent dire qu’on la remplace par n’importe quelle autre institution (par exemple, les médiateurs professionnels, les travailleurs sociaux ou la sécurité privée) qui exhibera probablement des pathologies similaires ou en lien avec celles de la police[85]. Pourtant, même les visions les plus radicales de l’abolition tendent à buter contre les problèmes sociaux réels que les États capitalistes assignent à la police. En mettant les victimes en position de contrôle sur la punition et la responsabilité, on pourrait reproduire le biais punitif du régime carcéral actuel[86]. Cependant, même si l’appel à une réduction des dommages et à des réparations est entièrement justifié, il doit être clair que la réalisation de celles-ci dépasserait de loin ce qu’une société capitaliste pourrait permettre (sans même parler de leur coût). En effet, cela impliquerait de reconnaître qu’une remise en état n’est pas la même chose qu’une réparation (annuler ses dettes, c’est sortir des relations sociales en rachetant ses parts) et que le capitalisme fait de nous tou·tes des bâtards (même si personne n’est que ça)[87].

      Il n’est peut-être pas si étonnant que le slogan appelant à « définancer la police » ait pris de l’ampleur dans un pays qui possède non seulement des forces de l’ordre particulièrement meurtrières, mais aussi une tradition de se faire justice soi-même[88]. Le terme « d’abandon organisé » devrait nous rendre attentif·ves au fait que lorsque la politique est réduite à la police, l’absence de la police peut être tout aussi politique que sa présence. On peut trouver plusieurs exemples de ce genre de politique, de la présence d’une absence, non seulement dans l’imaginaire américain du Wild West, mais aussi dans nombre de situations de guerre (à la fois civile et non-civile) ainsi que dans certains quartiers appauvris abandonnés par l’État, tels que les favelas brésiliennes largement administrées par des bandes armées. On peut aussi trouver des exemples moins connus des États américains du Sud à l’époque des lois ségrégationnistes de Jim Crow où la police refusait souvent d’entrer dans des quartiers noirs sauf si des Blancs déclaraient avoir été les victimes de crimes commis par un·e Noir·e[89]. Plus récemment, nous en avons eu un aperçu dans des « zones libres de la police » déclarées dans certaines villes américaines, telles que le CHAZ de Seattle[90], lequel, s’il était considéré comme une nation indépendante (comme certain·es des participant·es ont pu le suggérer), aurait le taux d’homicide le plus élevé du monde[91]. Les quartiers sud de Chicago, dont le taux de meurtre a brièvement atteint les niveaux du Brésil cet été, nous donne une vision plus claire de ce à quoi pourrait ressembler le fait d’abolir la police sans abolir le capitalisme. La « police » privée de l’Université de Chicago dans le Hyde Park, un îlot de richesse dans la pauvreté des quartiers sud, est mieux financée que tous les commissariats locaux de la ville réunis. Après tout, la sécurité privée est une solution nettement plus rentable pour les riches. À quoi bon dépenser ses impôts pour financer la police au service de l’ensemble d’une ville quand tout ce dont on a réellement besoin est de protéger ses propres enclaves ?

      https://agitations.net/2021/05/12/barbares-en-avant-endnotes