Des youtubeurs français incités à dénigrer le vaccin contre le Covid-19 de Pfizer-BioNTech

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  • Des youtubeurs français incités à dénigrer le vaccin contre le Covid-19 de Pfizer-BioNTech
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    Une agence de communication aux contours très flous a contacté des vidéastes français, leur proposant une rémunération pour produire une vidéo trompeuse sur le vaccin.

    Une campagne marketing pour diffuser de fausses informations sur le vaccin BioNTech-Pfizer contre le Covid-19 a été mise au jour par plusieurs vidéastes et influenceurs français sur les réseaux sociaux.
    Lundi 24 mai, le youtubeur scientifique Léo Grasset, connu sous le nom de Dirtybiology, s’est étonné sur Twitter d’avoir reçu une proposition venant d’une obscure entreprise de communication, lui proposant de « déglinguer le vaccin Pfizer en vidéo » avec un « budget colossal » pour le compte d’un « client qui veut rester incognito ». En plus du youtubeur, deux autres vidéastes français ont déclaré sur Twitter avoir reçu une demande de partenariat similaire.

    Dans un document envoyé à Léo Grasset, que Le Monde a pu consulter, il est proposé au jeune Français de faire une vidéo contre rémunération dans laquelle il doit accuser le vaccin d’être responsable de plus d’un millier de morts dans le monde. Plus précisément, la vidéo doit affirmer que le produit de Pfizer-BioNTech présente un taux de mortalité important et l’énoncé doit s’appuyer sur un tableau, dont Le Monde n’a pas réussi à trouver l’origine, qui présente des chiffres censés prouver la dangerosité des vaccins, et plus particulièrement de celui de Pfizer-BioNTech.

    Un article cité par le document envoyé au youtubeur affirme que ce tableau provient directement d’AstraZeneca, qui aurait été victime d’un piratage à la mi-mai. Une affirmation qui n’est étayée par aucune preuve, et ce, alors qu’aucun piratage n’a été signalé par AstraZeneca sur cette période.

    Masquer la sponsorisation
    Le document reçu par Léo Grasset liste, par ailleurs, plusieurs sources que les vidéastes partenaires qui accepteraient cette proposition devaient citer dans leurs vidéos. Parmi ces sources se trouve un article du Monde, paru le 16 janvier, relatif aux documents volés à l’Agence européenne des médicaments, lors d’un piratage, dont les auteurs n’ont toujours pas été identifiés.
    Les autres sources citées par l’agence de communication commanditaire sont plus obscures. On y trouve notamment un article publié à la mi-mai sur une « ferme de contenus » (un site publiant, voire plagiant, des articles à la chaîne sans préciser aucune source), accusant l’Europe de mettre en danger ses citoyens en les vaccinant avec le produit de Pfizer-BioNTech. Les derniers liens renvoient à des publications sur des forums ou des plates-formes de blogs, qui se contentent de reprendre le tableau initial et qui ont été publiées entre le 15 et le 19 mai.

    Tout en refusant de citer les personnes souhaitent financer la diffusion d’une telle vidéo, la proposition de partenariat invite les destinataires à ne pas préciser qu’ils sont payés pour produire ce contenu. « Dites que vous vous intéressez aux vaccins et que vous avez découvert des informations dessus », « Expliquez que les grands médias ignorent ce sujet », peut-on lire dans les consignes envoyées par l’agence à Léo Grasset.

    Des traces numériques supprimées
    Selon BFM-TV, le ministère de la santé a été informé de ces demandes et « suit ce sujet de très près », dénonçant des « tentatives manifestes de désinformation ». Pour l’heure, l’origine exacte de ces demandes faites à des youtubeurs français est inconnue.

    Si elles émanent d’une entreprise se présentant comme une agence de communication britannique nommée Fazze, les traces numériques concernant cette dernière sont maigres. L’entreprise, qui n’existe pas dans les registres commerciaux britanniques, se présentait en 2018 comme domiciliées aux îles Vierges. Son site mentionne aujourd’hui des bureaux à Londres, mais aucune plaque au nom de Fazze n’apparaît à l’adresse indiquée, selon les dernières données de Google Street View.

    Surtout, dans les heures qui ont suivi la découverte de cette campagne, les comptes LinkedIn des personnes se présentant comme employés de Fazze ont passé leur profil en privé ou même effacé des informations. Le profil du PDG de l’entreprise, depuis inaccessible, révélait que l’entreprise opérait depuis Moscou, en Russie, et non Londres. La quasi-totalité des sources envoyées par l’agence, dont les publications sur le site Medium et le forum de discussion Reddit, ont également été supprimées lundi 24 mai, en début d’après-midi. Contactée, l’agence Fazze n’a pas répondu aux sollicitations du Monde.