• Le mythe de l’immunité de groupe

    Il me semble que l’on s’attache beaucoup trop au concept d’immunité de groupe, qui a un rôle explicatif, mais pas opérationnel. Quand le taux R de reproduction courant est inférieur à 1, on est en état d’immunité de groupe. Quand il repasse au dessus de 1, on a perdu l’immunité de groupe. Ce que cela veut dire est que si chaque individu contribue suffisamment peu à la transmission du virus, celui-ci tend à disparaître. Cela peut être du au comportement des individus, et en particulier à leurs précautions, médicales ou autres pour ne pas être contaminé, ou pour que la contamination soit sans effet (vaccin).

    En ce moment, la France est en état d’immunité de groupe. Mais cela peut changer avec les changements de saison, avec l’arrivée du variant delta (indien), ou avec un mode de vie plus laxiste et moins hygiénique.

    Ce qu’explique le concept d’immunité de groupe, c’est que l’on a une chance de stopper de virus même en présence d’une proportion d’irresponsables dans la population (antivax, antimasques, teufeurs et philosophes d’opérette, etc.) si une partie suffisante de la population réussit à être suffisamment bloquante pour la transmission du virus, quel qu’en soit le moyen. Et en fin de compte, c’est la moyenne de la transmissibilité sur l’ensemble de la population qui détermine l’évolution épidémique.

    Alors l’immunité de groupe est-elle atteinte à 60% ou 85% de vaccinés. Ou bien est-elle inatteignable. Cela dépend, d’un tas de choses ... qui changent. En ce moment la France a atteint l’immunité de groupe avec moins de 50% de vaccinés. Si rien ne change, on a gagné. Mais je crains qu’il n’y ait des changements, et il est plus qu’urgent de dépister le variant delta.

    Le concept d’immunité de groupe est utile comme référence explicative. Mais l’insistance des uns et des autres, et surtout de la presse [2] et de certains scientifiques [1] à présenter cela comme un objectif dépendant du taux de vaccination est une source de confusion et d’incompréhension, et finalement de méfiance injustifiée à l’égard des explications scientifiques.

    Cela semble aussi faire croire au public que le but de la vaccination est d’atteindre l’immunité de groupe, alors que ses rôles sont multiples et qu’elle est encore plus indispensable quand la vaccination ne peut à elle-seule éliminer l’épidémie, car la ralentir est déjà utile.

    Au delà de la vaccination, peut être faudra-t-il aussi apprendre (entre autres choses) à réserver les bises à la famille proche, et à mieux aérer les lieux public pour avoir une immunité de groupe. Voire à porter un masque quand on est malade.


    Références

    [1] Vacciner les adolescents est « un impératif arithmétique » pour le professeur Alain Fischer. Le Monde avec AFP, 13 juin 2021
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/06/13/vacciner-les-adolescents-est-un-imperatif-arithmetique-pour-le-pr-alain-fisc

    « La vaccination des mineurs de plus de 12 ans, qui doit commencer mardi 15 juin, est un « impératif arithmétique » pour se rapprocher de l’immunité de groupe contre le Covid-19. »

    [2]Vaccination : pourquoi la France craint d’atteindre un plafond. L’Obs, 11 juin 2021.
    https://www.nouvelobs.com/vaccination-anti-covid-19/20210611.OBS45145/vaccination-pourquoi-la-france-craint-d-atteindre-un-plafond-de-verre.htm

    « La campagne de vaccination française risque de plafonner avant l’immunité collective. »

    Les commentaires des lecteurs sont souvent instructifs quant aux illusions et incompréhensions dues au rôle, perçu comme incontournable, que l´on fait jouer au concept d’immunité collective induite par la vaccination.

  • Covid-19 : les personnes infectées développent une immunité robuste et durable
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/06/13/sars-cov-2-une-immunite-post-infection-robuste-et-durable-contre-le-covid-19

    L’immunité face au SARS-CoV-2 de la plupart des personnes infectées dure au moins un an et pourrait persister plusieurs années. Mieux encore : après une seule injection de vaccin, ces personnes semblent développer une immunité extrêmement robuste, capable de résister aux nouveaux variants. C’est ce que démontrent des publications consacrées à la réponse immunitaire face à une infection naturelle au Covid-19, parues en mai dans des revues ou en prépublication (avant relecture par les pairs). Des résultats très encourageants, alors que beaucoup de pays profitent de l’accalmie de l’été pour accélérer la vaccination de leur population et tenter de reprendre le contrôle de l’épidémie.

    Tout d’abord, plusieurs études démontrent que la présence d’anticorps persiste dans l’organisme, alors que de premiers résultats soulignaient une forte décroissance au bout de quelques mois. Ces protéines sécrétées par l’organisme pour identifier et neutraliser le virus sont détectables chez les personnes infectées jusqu’à treize mois après la rencontre avec le Covid-19, affirme l’équipe de Samira Fafi-Kremer, directrice de l’institut de virologie de Strasbourg, qui a mené une étude sur les personnels de santé du CHU de la ville, publiée en preprint le 15 mai. Les anticorps seraient fabriqués en nombre tant que le pathogène est présent dans l’organisme, avant de rapidement diminuer dans les sept mois suivant l’infection, pour finalement se stabiliser à un niveau plus bas mais constant.

    « On savait que les taux d’anticorps ne restent jamais très hauts dans le sang, mais comme c’est un virus respiratoire et qu’on ne suit pas en général leur sérologie dans le temps, personne n’osait trop s’avancer sur le sujet, explique Samira Fafi-Kremer. Là, on observe finalement que les anticorps restent stables de manière persistante et c’est une très bonne nouvelle. » En effet, si le corps conservait sur le long terme les niveaux d’anticorps produits lors de ses infections successives, le sang se transformerait rapidement en une épaisse bouillie.

    Cette cinétique des anticorps en deux phases – décroissance puis stabilisation – signale une transition entre deux types de cellules sécrétant ces protéines : les plasmablastes, ayant une vie courte, cèdent le pas « à une population plus petite mais plus persistante de cellules à longue durée de vie, générées plus tard dans la réponse immunitaire », écrivent les chercheurs de l’équipe américaine d’Ali H. Ellebedy dans une étude publiée dans la revue Nature le 24 mai.

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