• Début du procès de Valérie Bacot, accusée du meurtre d’un mari qui la battait et la prostituait
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/21/le-proces-de-valerie-bacot-pour-l-assassinat-de-son-mari-violent-s-ouvre-dev

    Son histoire fait écho à celle de Jacqueline Sauvage, sexagénaire condamnée à dix ans de prison pour avoir abattu de trois coups de fusil dans le dos son mari en 2012, après plus de quarante-cinq années de violences conjugales.

    Valérie Bacot, 40 ans, a tué d’une balle dans la nuque son époux en mars 2016 avant d’enterrer son corps dans les bois de La Clayette, en Saône-et-Loire, à quelques kilomètres de son lieu de résidence. Deux fils du couple se sont relayés pour creuser la tombe de fortune de leur père et se sont tus pendant un an et demi. Jusqu’à ce que la mère du petit ami de la fille – qui avait lui aussi aidé à transporter et à enterrer le cadavre – les dénonce. Le 3 octobre 2018, Valérie Bacot a été mise en examen du chef d’assassinat. Son procès s’ouvre lundi 21 juin devant la cour d’assises de Saône-et-Loire, à Chalon-sur-Saône.

    Viols, violences, menaces de mort, prostitution forcée… Pour expliquer son geste, face aux enquêteurs puis dans un livre (Tout le monde savait , Fayard, 208 pages, 18 euros), cette mère de quatre enfants raconte une vie sous emprise, l’enfer d’un quotidien soumis à la tyrannie d’un mari chauffeur routier alcoolique et accro au porno surveillant tous ses faits et gestes. Un mari qui avait d’abord été le compagnon de sa mère et avait commencé à abuser d’elle sexuellement alors qu’elle n’était âgée que de 12-13 ans.

    Daniel Polette, 61 ans à sa mort, avait reconnu les actes sexuels mais avait soutenu qu’ils étaient consentis. Condamné et incarcéré pendant plus de deux ans pour ces faits d’agression sexuelle, il s’était installé avec la jeune femme peu de temps après sa sortie de prison. Elle avait 17 ans et voulait, dit-elle, échapper à une mère violente, alcoolique et suicidaire. Ensemble, ils ont eu quatre enfants.
    Les fils aînés, âgés de 17 et 16 ans au moment des faits, ont été mis en examen pour « recel de cadavre d’une personne victime d’homicide », ainsi que le petit ami de leur sœur, alors âgé de 16 ans. Le 19 décembre 2020, ils ont été condamnés à une peine de six mois de prison avec sursis par le tribunal pour enfants de Mâcon, accompagnée de deux ans de mise à l’épreuve et d’une obligation de soins.

    Contrainte à se prostituer

    Placée en garde à vue le 2 octobre 2017, Valérie Bacot raconte alors ce qu’elle n’avait jamais confié à ses proches avant le drame : son mari la prostituait depuis quatorze ans. Entre 20 euros et 50 euros la passe sur des aires de repos situées en bordure des routes nationales à l’arrière d’une Peugeot 806 aménagée par les soins de son ex-beau-père – rideaux, matelas, couette, plaques en polyester pour obstruer les fenêtres – qui lui donnait ses instructions par une oreillette. C’est dans ce véhicule que Valérie Bacot l’a tué. Les sièges avant ont été jetés à la déchetterie puis changés par l’un des fils avec des sièges d’occasion. Quant à l’arme du crime – un revolver style 22 long rifle –, elle a été détruite.

    Pour expliquer son geste, Valérie Bacot a rapporté aux enquêteurs une conversation entre sa fille et son mari la veille de l’assassinat. Un échange au cours duquel Daniel Polette aurait interrogé sa fille sur « comment elle était sexuellement ». Ces mots lui ont fait craindre l’impensable, l’intolérable, a-t-elle expliqué : qu’il envisage de prostituer sa propre fille.

    Le lendemain matin, après une tentative infructueuse de faire ingurgiter des somnifères à son mari, elle glisse un pistolet dans son sac à main – un geste qui caractérise la préméditation, selon la juge d’instruction, tandis que ses avocates le contestent. Quelques heures plus tard, à la suite d’une passe brutale au terme de laquelle Daniel Polette s’emporte, assise sur le siège arrière, en train de se rhabiller, elle tire. Une fois.

    « Etat de légitime défense » pas caractérisé

    Daniel Polette a été décrit par les sept membres de sa fratrie comme un homme colérique et violent, passionné d’armes à feu, faisant régner la peur au domicile de la famille et se montrant bagarreur à l’extérieur. Sa sœur a également déclaré avoir été violée par lui.
    Ses anciennes compagnes ont toutes dressé le portrait d’un individu porté sur la boisson, autoritaire, agressif, jaloux et brutal. Les enfants du couple ont témoigné des violences verbales et physiques quasi quotidiennes exercées par leur père, sur eux et sur leur mère, sous leurs yeux ou dans leur dos. Les trois aînés avaient « compris » depuis plusieurs années qu’il la contraignait à se prostituer, par le biais de plusieurs sites de rencontres et sous divers pseudonymes : Adeline, Jolicœur ou encore Jenna.

    « Les violences conjugales et la prostitution qui lui auraient été imposées par la victime éclairent tant la personnalité de Valérie Bacot que les circonstances de son passage à l’acte, mais ne sauraient en aucun cas caractériser un état de légitime défense tel que défini par l’article 122-5 du code pénal », souligne la juge d’instruction dans son ordonnance de mise en accusation. Le renvoi devant la cour d’assises de cette mère de famille divise. Une pétition réclamant sa « liberté » a recueilli près de 540 000 signatures. Elle encourt la prison à perpétuité.

    #femmes #mari #justice