Les élèves rêvent-ils de professeurs électroniques ?

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    Dans cette tribune, un collectif de professeurs de philosophie de l’académie d’Aix-Marseille réunis en assemblée générale le 24 juin 2021 explique pourquoi il refuse d’utiliser le logiciel Santorin pour corriger les copies numérisées du bac. Ces enseignants pointent une dérive technologique et managériale de l’enseignement.

     

    « Avec l’accélération technologique, il est des moments où la réalité rattrape la fiction. La différence entre la vie ordinaire et une vision de cauchemar s’estompe. Dans Glissement de temps sur Mars (1964), Philip K. Dick, métaphysicien de la science-fiction, décrit une école dont les professeurs sont des circuits intégrés. Des machines à enseigner, dont seuls les noms sauvent les apparences : professeur Socrate, Dwight D. Eisenhower ou encore J. Edgar Hoover. Quant à l’école elle-même, elle repère le protagoniste du roman, le réparateur hors-pair Jack Bohlen, dès qu’il s’y introduit : “Ses oreilles exercées décelèrent un cliquetis mécanique. L’école avait relevé sa présence. Elle avait remarqué le magazine qu’il avait choisi, noté combien de temps il était resté assis en lisant, et ce qu’il avait pris ensuite. Elle le mesurait.”

    Il arrive à peu près la même chose aux correcteurs du bac de philosophie 2021, dans sa version Jean-Michel Blanquer. À la faveur de la “dématérialisation” des copies (faux-nez de la “numérisation”, dont le coût énergétique est désormais documenté – Cf. Fabrice Flipo, Michelle Dobré, Marion Michot, La Face cachée du numérique. L’Impact environnemental des nouvelles technologies , L’Échappée, 2013), nous voici invités à accoster sur le rivage de Santorin. Non pas une île paradisiaque, mais un logiciel traceur, calculant le temps passé sur une copie, capable de basculer les copies excédentaires vers un correcteur plus diligent, et pour le reste inutilisable pour procéder à l’évaluation comparative requise dans le cadre d’un examen comme le baccalauréat. Le logiciel est intuitif et déjà utilisé ailleurs. Et puis, nous dit-on du côté des rectorats, c’est le progrès, qu’on n’arrête pas. Une évolution naturelle, suivant la pente de l’innovation, qui nous conduira bientôt à collaborer avec des robots enseignants, avant d’abandonner l’écriture cursive pour former les enfants, le plus tôt possible, au maniement du traitement de texte. D’un bout à l’autre de la chaîne, des gestes machinaux achevant d’artificialiser l’intelligence.

    Nous, professeurs de philosophie de l’académie d’Aix-Marseille réunis en assemblée générale, avons lancé notre appel le 18 juin dernier : non, nous n’ouvrirons pas le logiciel Santorin. (...)

    #bac #philosophie #Santorin #enseignement #évaluation