Trois des gendarmes mis en cause dans le décès d’Adama Traoré ont été décorés pour l’avoir interpellé

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    Trois gendarmes ont été décorés pour avoir participé à l’interpellation d’Adama Traoré, au cours de laquelle il est décédé le 16 juillet 2016. « Cette décoration déshonore toute l’institution de la gendarmerie nationale », dénonce l’avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou.

    Alors que l’instruction est toujours en cours et qu’ils ont été auditionnés par les enquêteurs, en tant qu’auteurs de l’interpellation, Romain F., Arnaud G. et Mathias U. ont reçu le 5 septembre 2019 la décoration de la « citation sans croix simple à l’ordre du régiment » pour être « parvenus » à « localiser et interpeller » Adama Traoré le 19 juillet 2016 et pour avoir fait preuve « en la circonstance, d’un engagement remarquable et d’une détermination sans faille qui font honneur à la gendarmerie nationale ». Nulle trace au Journal officiel de ce type de récompense dont l’existence figure en revanche dans le dossier administratif des trois gendarmes, remis depuis aux enquêteurs. 

    Cette récompense leur a été décernée alors même que, quelques mois auparavant, en avril 2019, les juges d’instruction avaient relancé l’enquête en ordonnant une nouvelle expertise médicale et l’audition de plusieurs témoins. 

    Décidée par le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), cette décoration récompense habituellement un gendarme pour un service exceptionnel, un acte de bravoure au cours duquel il a dû affronter un danger. Elle peut être suivie d’une prime annuelle de 500 euros.

    « Cette décoration est remise, par exemple, pour un militaire qui a sauvé une personne de la noyade », précise, auprès de Mediapart, un haut gradé de la gendarmerie. « Le message lancé par le DGGN de l’époque, Richard Lizurey, pose problème alors que l’enquête est toujours en cours », conclut-il.

    D’autant que les trois gendarmes ont participé de très près à l’arrestation du jeune homme. Auditionné par les enquêteurs, l’un d’entre eux, Romain F., a reconnu qu’ils « se trouvai[ent] à trois dessus pour le maîtriser. [Adama Traoré] a pris le poids de [leurs] trois corps sur lui ». C’est au cours de ce plaquage ventral que le jeune homme montre les premiers signes de détresse respiratoire. Pour autant, et malgré ces signes d’asphyxie, les gendarmes ne lui viennent pas en aide mais le transportent menotté dans la caserne de Persan.

    À leur arrivée dans la cour de la caserne, les pompiers trouvent Adama Traoré allongé sur le ventre, menotté et inconscient. Il n’a pas été mis en position latérale de sécurité et les secours doivent insister auprès des gendarmes pour que les menottes lui soient retirées afin de lui porter secours, ainsi que l’a expliqué le chef des pompiers aux enquêteurs.

    La décoration des trois gendarmes livre une version mensongère des faits. Selon l’ancien DGGN, ils auraient fait face à un individu « auteur de violences sur agent de la force publique », alors même qu’il est acté par les enquêteurs qu’Adama Traoré n’a commis aucune violence à l’égard des gendarmes.

    Pire, les militaires décorés le seraient pour avoir procédé « immédiatement à la surveillance des constantes vitales jusqu’à l’arrivée des secours ». Faits largement démentis par le chef des pompiers.

    #Adama_Traoré #gendarmerie