• Lafarge en Syrie : malgré « Charlie » et le 13 Novembre, le cimentier a entretenu son business

    https://www.liberation.fr/planete/2019/03/08/lafarge-en-syrie-malgre-charlie-et-le-13-novembre-le-cimentier-a-entreten

    https://web.archive.org/web/20210406081253/https://www.liberation.fr/planete/2019/03/08/lafarge-en-syrie-malgre-charlie-et-le-13-novembre-le-cimentier-a-entret

    Des tables installées en U, une nappe blanche et quelques bouteilles d’eau. Le 27 juillet 2015, le directeur de la filiale syrienne de Lafarge, Frédéric Jolibois, rencontre les principaux clients de sa cimenterie de Jalabiya. Plusieurs photos jointes à un « mémo » interne de l’entreprise ­immortalisent la réunion. A l’époque, l’Etat islamique (EI) étend par la terreur son califat en Syrie et en Irak et est déjà impliqué dans un premier attentat en France quelques mois auparavant.

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    Durant les premirs mois de l’enquête judiciaire, les magistrats étaient parvenus à identifier trois types de flux financiers dans les relations entre Lafarge et l’EI. Le premier regroupait les sommes fixes payées par le ­cimentier pour permettre le franchissement des différents check-points sur les routes. Le deuxième, une commission proportionnelle versée par les transporteurs mais prise en compte par le cimentier dans ses prix de vente. Et enfin, les achats de matières premières à des fournisseurs liés à l’organisation terroriste. Mais les enquêteurs travaillent désormais sur des centaines de milliers de tonnes de ciment Lafarge qui ont pu être achetées par l’EI et servir sa campagne de terreur.

    Un des quatre principaux clients ­intéresse particulièrement les magistrats  : Ahmad M. Ce dernier, qui travaillait avec la multinationale depuis le début de l’année 2011, est décrit dans des documents de l’entreprise comme disposant de « bonnes relations avec l’Etat islamique ». A l’époque, Lafarge était d’ailleurs très bien informée quant aux ­besoins en ciment de l’organisation terroriste. Comme l’avait écrit Libération, Frédéric Jolibois avait par exemple été destinataire, en décembre 2014, d’un mail faisant état de la volonté de Daech d’acquérir 150 000 tonnes de ciment. Et c’était justement Ahmad M. qui informait l’entreprise de cette opportunité commerciale. « Daech a besoin de ­ciment pour la Syrie et l’Irak et plus pour leur consommation personnelle que pour le commercialiser », confirmait aussi une note interne à l’entreprise.