• Covid-19 : en Angleterre, des entreprises perturbées à cause de l’isolement des salariés


    Un employé dans l’usine Nissan de Sunderland, dans le nord-est de l’Angleterre, le 1er juillet 2021. OLI SCARFF / AFP

    Des pubs et des supermarchés forcés de fermer, la production de Nissan et de Rolls-Royce réduite… L’obligation de s’isoler pour les cas contacts, même vaccinés, alors que le coronavirus se répand, complique la vie de la plupart des secteurs économiques.

    Samedi 17 juillet, le Kings Arms a finalement jeté l’éponge, fermant ses portes pour au moins cinq jours. Ce charmant pub côtier de Salcombe, dans le sud du Devon, en Angleterre, a été forcé à la fermeture en pleine saison estivale parce que la majorité de sa main-d’œuvre a reçu l’ordre de s’isoler. Aucun d’entre eux n’est malade, mais l’application anti-Covid a détecté qu’ils avaient été proches d’une personne positive au coronavirus. Devenus cas contacts, ils doivent s’isoler cinq jours, voire dix s’il s’agit d’un cas dans leur propre foyer.

    A quelques encablures de là, un autre petit café de Salcombe avait déjà fermé ses portes dans les mêmes circonstances, une semaine plus tôt. Quant à Salcombe Finest, une petite entreprise qui loue des résidences de luxe (de 3 500 à 9 000 euros la semaine) dans cette station balnéaire, elle peine à avoir suffisamment d’employés pour nettoyer et préparer les maisons entre deux locations. « Une des sociétés qui gèrent nos maisons n’a qu’une dizaine d’employés disponibles sur quinze actuellement, explique Kate Allen, qui dirige Salcombe Finest. Si ça continue, on va devoir demander aux vacanciers de partir plus tôt ou d’arriver plus tard. » Elle s’en désole, parce que la saison s’annonce « phénoménale », avec des réservations en hausse de 75 % par rapport à 2020. Avec des frontières encore compliquées à traverser, beaucoup de Britanniques ont choisi de prendre leurs vacances au Royaume-Uni.

    L’Angleterre connaît une situation paradoxale. Depuis lundi 19 juillet, il n’y a plus aucune restriction sanitaire en place. Les discothèques peuvent ouvrir à plein, les restaurants n’ont pas de limites et les masques ne sont plus obligatoires. Mais, dans le même temps, jusqu’au 16 août, les cas contacts sont obligés de s’isoler, même s’il s’agit de personnes doublement vaccinées. Or, le virus se répand très rapidement, avec près de 50 000 cas par jour en moyenne. Le premier ministre, Boris Johnson, en sait quelque chose : il est lui-même forcé de s’isoler pour cinq jours après avoir été en contact avec son ministre de la santé, Sajid Javid, qui est positif.

    « Pingdemic » à Heathrow

    Les entreprises se retrouvent donc à faire le grand écart : théoriquement, elles peuvent ouvrir comme avant la pandémie, mais dans les faits, une large partie de leurs employés ne peut pas aller travailler. La semaine du 1er au 7 juillet, 520 000 Britanniques ont reçu l’ordre de s’isoler rien qu’avec l’application anti-Covid, en hausse de 46 % par rapport à la semaine précédente.

    Presque toutes les industries sont touchées. Les pubs Greene King’s, l’une des principales chaînes du pays, ont dû fermer 33 établissements pour cette raison, sur un total de 2 700. D’autres ont dû réduire leurs horaires d’ouverture. Les demandes d’isolement « touchent une personne sur cinq actuellement », confie à la BBC son patron, Nick Mackenzie. La chaîne de pubs concurrente Wetherspoons a réussi à éviter les fermetures, mais son patron, Tim Martin, confirme le problème : au moins 10 % des employés du secteur ont reçu une demande d’isolement.

    Les supermarchés sont aussi touchés, et la chaîne Iceland a même dû fermer quelques-uns de ses magasins. Dans l’automobile, l’usine Nissan de Sunderland, dans le nord-est, a peiné à rester ouverte, avec 10 % de sa main-d’œuvre obligée de rentrer à la maison. Rolls-Royce a dû réduire sa production de moitié. La comédie musicale Hairspray a annulé dix jours de représentations à Londres entre le 5 et le 14 juillet, à la suite d’un seul cas positif, qui a entraîné une multitude de cas contacts. La semaine dernière, de longues queues se sont formées à l’aéroport d’Heathrow, après qu’une centaine de personnes a entendu résonner le « ping » caractéristique de l’application anti-Covid, alertant de la nécessité de s’isoler. L’affaire a rapidement été surnommée « pingdemic » (épidémie de « ping »)…

    4,5 millions de Britanniques concernés d’ici à mi-août

    Le problème est que la situation ne peut qu’empirer. Avec la fin des règles sanitaires, le virus va continuer sa progression rapide. Le gouvernement prévoit officiellement 100 000 cas par jour courant août. A raison de trois cas contacts en moyenne par cas positif, la BBC estime que 4 millions et demi de Britanniques devront s’isoler d’ici à mi-août.

    Le principal groupe patronal, le CBI, appelle à un changement urgent des règles. Il demande que les personnes vaccinées puissent éviter l’isolement, à condition de réaliser un test négatif. Cette approche est prévue, mais seulement à partir du 16 août. Il faut le faire dès aujourd’hui, estime Karan Bilimoria, son président : « Face à cette pénurie d’employés paralysante, il faut agir vite. »

    Dans l’urgence, le gouvernement britannique a néanmoins changé ses règles pour quelques personnels-clés : militaires, conducteurs de train, personnel médical… Il s’agit d’éviter la fermeture d’infrastructures stratégiques.

    Dans ces circonstances, de plus en plus de Britanniques choisissent la solution la plus évidente : ils cassent le thermomètre. « Beaucoup de personnes retirent l’application anti-Covid de leur téléphone », explique Mme Allen, de Salcombe Finest. C’est le cas de Rosemary Squire, qui dirige Ambassador Theatre Group, une société qui gère 58 salles de théâtre. Elle a reçu le « ping », assure avoir suivi « religieusement » la période d’isolement… avant de supprimer l’application de son téléphone à sa sortie de chez elle. Pour ne plus jamais recommencer ça.

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/07/20/covid-19-en-angleterre-des-entreprises-perturbees-a-cause-de-l-isolement-des

    je trouve scandaleux que Le Monde effraie ainsi les employeurs et les militants de l’économie de notre beau pays

    #covid-19 #isolement #cas_contact #travail #économie #tourisme #industrie #services