Algues vertes : où sont les mesures en temps réel ? - Bretagne - Le Télégramme
▻https://www.letelegramme.fr/bretagne/algues-vertes-ou-sont-les-mesures-en-temps-reel-22-07-2021-12795565.php
Selon un arrêté municipal affiché sur place, la plage de Saint-Guimond, à Hillion, est fermée au public depuis le 21 juin et « pour une durée indéterminée ».
Le Télégramme/Valentin Boudet
Le taux d’hydrogène sulfuré rejeté par les algues vertes en baie de Saint-Brieuc n’est pas rendu public quotidiennement. Pourtant, ces chiffres existent.
C’est un gaz incolore, qui sent l’œuf, et qui est potentiellement mortel. Il apparaît quand les algues vertes se décomposent sur les plages. Son nom ? L’hydrogène sulfuré.
Combien flotte aujourd’hui dans l’air de la baie de Saint-Brieuc ? Impossible de le savoir : les niveaux de ce polluant ne sont pas publiés quotidiennement. Comme cela se fait pourtant déjà, sur Internet, pour le dioxyde d’azote ou les particules fines.
Ce n’est pas faute de posséder ces chiffres. L’association Air Breizh dispose depuis des années de capteurs d’hydrogène sulfuré dans la baie de Saint-Brieuc, particulièrement touchée par ce fléau. Mais les mesures ne sont communiquées qu’après la saison estivale, quand les vacanciers ont rangé leur parasol.
Responsabilité de l’ARS
« Nous avons proposé aux collectivités locales de diffuser les données en temps réel sur notre site comme cela se fait ailleurs, mais ça a été refusé », affirmait Gaël Lefeuvre, directeur d’Air Breizh, sur le site de France 3 Régions, le 14 juillet.
De son côté, Saint-Brieuc Agglomération refuse d’être pointée du doigt et renvoie l’Etat à ses responsabilités. « Nous avons un contrat de prestation avec Air Breizh, réagit le vice-président Denis Hamayon. Ce contrat prévoit une mission d’information des élus, mais pas du grand public. C’est à l’Agence régionale de santé d’effectuer cette mission ».
Pour autant, l’élu n’est pas opposé à une diffusion en temps réel de ces données. « Plus les éléments sont transparents, plus la prise de conscience est complète. Mais cela doit concerner toutes les parties prenantes. Or aujourd’hui, le pilotage de la problématique des algues vertes est assez difficile ».
Odeur pestilentielle
En 2020, les moyennes journalières d’hydrogène sulfuré sont restées inférieures au seuil de 150 µg/m3 fixé par l’OMS, selon Air Breizh. En 2019, année noire, la moyenne journalière la plus élevée était de 80 µg/m3, soit 8 fois supérieure au maximum observé en 2020. Ces mesures peuvent varier fortement d’un jour à l’autre.
Les relevés se font au niveau des zones d’habitation. Par exemple plage du Valais, où s’élève une centaine de cabanons. Les occupants se plaignent régulièrement de l’odeur pestilentielle dégagée par les algues vertes. Un critère de confort qu’Air Breizh mesure aussi, selon une « valeur de nuisance olfactive ».
Là encore, l’année 2020 a été plutôt tranquille, avec des taux de dépassement journalier inférieurs à ceux des années précédentes : 3 % en moyenne en 2020, contre 46 % en 2019 et 21 % en 2018.
Absence de réglementation
Pour définir ces seuils limites, l’association doit se baser sur les recommandations de l’OMS, la France n’ayant pas établi son propre seuil réglementaire. Ce qui fait qu’il n’y a pas d’alerte déclenchée en cas de pic de pollution à l’hydrogène sulfuré.
Le 20 juillet, la Cour des comptes a présenté un rapport critiquant sévèrement les insuffisances de l’action publique contre les marées vertes, dont l’origine est liée à l’agriculture intensive. Les magistrats ont pointé du doigt « les décès accidentels d’un coureur à pied à Saint-Michel-en-Grève en 1989, de chiens sur une plage d’Hillion en 2008, d’un salarié chargé du transport d’algues vertes à Binic en 2009, d’un cheval à Saint-Michel-en-Grève la même année (suivie de l’hospitalisation de son cavalier) ».
Dans la baie de Saint-Brieuc, les collectivités s’organisent chaque année pour ramasser les algues échouées. Leur prolifération dépend notamment des fortes températures. Au début de cet été, deux plages d’Hillion ont été fermées au public en raison des amas d’algues impossibles à ramasser et du danger d’inhalation d’hydrogène sulfuré.
Les pouvoirs publics, dont l’action est jugée « insuffisante » par la Cour des comptes, sont sous pression. Réélu président de la Région, Loïg Chesnais-Girard a promis « de prendre le sujet à bras-le-corps » (Lemonde.fr, 21/7).
Dans ce contexte, le manque de transparence autour de l’hydrogène sulfuré en baie de Saint-Brieuc interroge. D’autant plus que le Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva) prévoit déjà des échouages records cette année.