• Le mystère de l’assassinat de Jovenel Moïse pèse sur Haïti
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    Des responsables assistent à une cérémonie en l’honneur du président, haïtien Jovenel Moïse, à Port-au-Prince, Haïti, le 20 juillet 2021.
    VALERIE BAERISWYL / AFP

    De nombreuses zones d’ombre subsistent dans l’enquête sur le meurtre du président haïtien, malgré l’arrestation de 23 hommes, dont 18 ex-militaires colombiens.

    Difficile d’imaginer silence plus angoissant. Les rues sont quasi vides, les carrefours désertés. Même dans les quartiers de Port-au-Prince contrôlés par les gangs, d’où ne s’échappait il y a encore quelques semaines qu’une immense détresse, il n’y a plus de bruit, plus de cris, plus de tirs. Comme si la capitale haïtienne retenait son souffle, plongée malgré elle dans un abîme sans fin depuis l’assassinat, le 7 juillet, du président Jovenel Moïse, et tout entière suspendue aux soubresauts d’une enquête aux zones d’ombre aussi multiples et confuses que préoccupantes. Loin, très loin, des versions officielles des autorités policières, elles-mêmes suspectées de complicité dans le crime.

    Sur le papier, les auteurs de l’attaque ont été arrêtés, affirment les autorités publiques : vingt-trois hommes, parmi lesquels dix-huit anciens militaires colombiens, trois Haïtiens et deux binationaux haïtiano-américains. Sept mandats d’arrêt ont également été émis selon la police, dix maisons fouillées, une trentaine d’interrogatoires menés, quatre hauts responsables de la sécurité de Jovenel Moïse placés à l’isolement et vingt-quatre agents frappés de mesures conservatoires. Trois autres Colombiens ont été tués dans les heures qui ont suivi le meurtre. Cinq seraient en fuite. Selon le juge de paix de Pétion-Ville, le quartier de la résidence privée du président, venu constater le décès, Jovenel Moïse a reçu douze balles dans le corps. Plusieurs de ses membres ont été fracturés dans les instants qui ont précédé son décès et un œil énucléé.

    Son épouse Martine Moïse, blessée au bras et à l’abdomen, a, elle, été évacuée dans un hôpital de Floride. Dans un court message enregistré, dont plusieurs experts ont émis des doutes sur son authenticité, elle dit accuser, sans les nommer, les opposants politiques de son mari, les « ennemis de l’intérieur », et promet de poursuivre son action. Rentrée depuis à Port-au-Prince, elle devait assister ce vendredi 23 juillet aux funérailles du président défunt à Cap-Haïtien, sa région natale. Aucune autre personne, ni garde du corps ni domestique, n’a été blessée.