Sur quelques accusations de fascisme envers le mouvement anti-industriel
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Réponse et commentaire de Aude sur la fameuse brochure « Le naufrage réactionnaire du mouvement anti-industriel » ►https://seenthis.net/messages/1029340
Le « mouvement anti-industriel », loin d’être homogène et organisé, est une sorte de nébuleuse faite de personnalités et groupes très visibles, d’autres qui le sont moins, d’auteurs et d’autrices, de lectrices et de lecteurs, de militant·es qui ont des priorités politiques et des modes d’interventions divers, qui font alliance et se disputent, un peu comme dans tous les milieux.
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Certes la brochure en question repère quelques plumes qui par leurs lubies semblent bien appartenir à l’extrême droite : obsessions antisémites et démographiques notamment. Cette critique nous invite à une vigilance qui a parfois manqué dans les rangs anti-indus au moment de publier tel ou tel. Il serait donc regrettable de l’écarter d’un revers de main. Mais, dans le camp des accusateurs, traiter de fascistes un si large panel de personnes et de groupes, écofascistes proches du pouvoir et écologistes plus ou moins conservateurs, rend confus le concept même de fascisme, son autoritarisme, son besoin de boucs émissaires, son service du capital.
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Quand est-ce qu’on va s’interroger collectivement sur le fait que la gauche pousse vers la droite des personnes que dans son désir de pureté elle vomit, elle exclut, à qui elle n’offre plus d’autre espace politique ? Ce n’est pas une excuse car en cherchant un peu d’autres espaces existent, mais enfin la pitoyable trajectoire politique de Dora Moutot et Marguerite Stern, anciennement féministes, est aussi un bon coup de la droite qui les a draguées et une honte pour la gauche qui les a jetées à la poubelle. La propension à exclure n’est pas sans lien avec le rapport de pouvoir de plus en plus défavorable aux idées anti-capitalistes et anti-autoritaires.
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La sphère anti-indus produit ou relaie des analyses féministes intéressantes. Outre l’ouvrage déjà cité, il faut mentionner ici la traduction de La Subsistance. Une perspective écoféministe de Veronika Bennholdt-Thomsen et Maria Mies (première édition en 1997, La Lenteur, 2022) ou Terre et liberté d’Aurélien Berlan (La Lenteur, 2021) dans lequel l’auteur, sans afficher de parti pris féministe, va chercher de quoi penser chez des autrices, assez naturellement. Malgré cela, l’impression est tenace qu’il s’agit là trop souvent d’une manière de se justifier, de faire parler des femmes bien choisies, et que le féminisme n’est pas un engagement bien chevillé au corps dans ce milieu très masculin. C’est une réserve qu’on peut faire à d’autres milieux politiques sans les traiter pour autant de fascistes et par ailleurs il semble qu’une nouvelle génération anti-tech soit prête à articuler ces thèmes avec un féminisme sincère et vénère.
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Je connais les défauts, parfois les errements, de mes camarades, je peux les leur reprocher à l’occasion mais le principal problème que pose la brochure qui les attaque est le fait de réduire le débat d’idées à des accusations confuses, de trouver normal que l’expression des divergences cède la place à des guerres de tranchées.
Le relatif isolement des groupes anti-industriels, que des attaques comme celles-ci ont vocation à accroître, tient aussi pour beaucoup au fait que la critique de la technique peine à passer la barrière de l’entendement dans de nombreux milieux radicaux qui font de la lutte contre les dominations leur étendard. Les usages proliférants des outils technologiques capitalistes, les « ça dépend ce qu’on en fait » y sont monnaie courante et la réflexion sur ce sujet est très limitée. Comme si les dominations interpersonnelles, plus évidentes et concrètes, accaparaient toute l’énergie des groupes, tandis que les dominations impersonnelles exercées par les macro-systèmes technologiques étaient plus imperceptibles. Les deux types sont également délétères et il est nécessaire de tenir les deux bouts. Je fais donc le doux rêve qu’il soit possible de débattre plus sereinement de tout ça qu’à base de brochures à l’emporte-pièce, en mettant en discussion les idées plutôt qu’en scrutant les personnes.
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