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  • Quand le gagnant emporte tout - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Quand-le-gagnant-emporte-tout

    Depuis l’établissement de ce mode de scrutin, 156 grands électeurs se sont ainsi permis de partir avec leur mandat sous le bras et surtout quatre élections ont vu le vote populaire défait par le collège électoral, dont deux depuis 2000. Sans compter les grands électeurs qui font défection, il est possible d’emporter l’élection présidentielle du pays le plus puissant du monde avec seulement 23 % à peine des suffrages exprimés dans quelques États surreprésentés. Le winner takes all, une prime majoritaire poussée à son extrême, met à mal la proportionnalité et génère par essence de l’incertitude. Même quand ce système ne dysfonctionne pas tout à fait, il est peu lisible et générateur de méfiance. L’historienne états-unienne Jill Lepore, qui a étudié les soirées électorales depuis l’avènement de la télévision, a même suggéré que les fantasmes de complot concernant l’élection de 2020 prétendument volée à Donald Trump seraient une conséquence du manque de lisibilité du scrutin.

    #démocratie #élection #États-Unis #mode_de_scrutin #Aude_Vidal

  • Un petit détour par l’univers des complots.

    Le Double - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Le-Double?pub=0#pr

    Lors du confinement, en mars 2020, je me souviens avoir bien vite écarté les soupçons d’après lesquels le surgissement du Covid serait dû aux mauvaises intentions de la Chine (ou, plus étrangement, d’Emmanuel Macron), aidée notamment par l’idée popularisée par Naomi Klein dans La Stratégie du choc que les acteurs politiques et économiques les plus puissants n’ont pas besoin de manufacturer des catastrophes pour en profiter. Il leur suffit d’attendre qu’elles arrivent, ce qu’elles ne manquent pas de faire. Je me demandais alors ce que Klein aurait à dire de la période.

    Complété par cet autre article où il est fait mention de l’ouvrage de Naomi Klein Doppelgänger. A trip into the mirror world (chapitre l’anticapitalisme et son double ).
    https://lundi.am/Quelque-chose-de-grave-se-passe-dans-le-ciel

  • Accident ou agression ? À propos de la violence contre les personnes à vélo - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Accident-ou-agression

    Une agression violente, une enquête pas faite, une autre à l’efficacité très douteuse. Voilà comment on traite les crimes de haine dans ce pays, des crimes contre des inconnu·es dont on a repéré une caractéristique qui ne nous agrée pas. Dans mon cas : rouler avec un ami qui a tapé du plat de la main contre un objet en métal d’une tonne. Ou plutôt : rouler à vélo et réclamer un peu de place sur la chaussée.

    Est-ce que ce sont des crimes si rares ? Mon père est cycliste sportif et il a lui aussi été agressé à vélo. À la campagne, sur une route quasi-déserte et suffisamment large, un automobiliste est passé bien plus près de lui que le mètre cinquante réglementaire, si près qu’il l’a fait chuter dans le souffle de son véhicule. Ça fait beaucoup, même si nous sommes une grande famille.

    #vélo #voiture #bagnole #Aude_Vidal #violence

  • Le Double
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Le-Double

    L’extrême droite ramasse aujourd’hui les fruits pourris d’une grave dépolitisation de l’ensemble du corps social, en grande part incapable désormais de comprendre l’interdépendance entre ses membres, qui éprouve le besoin de boucs émissaires et tend à interpréter tout ce qui nous arrive, qui est inquiétant et déstabilisant, comme le résultat de méfaits individuels (il suffirait de remplacer des pourris par d’autres qui sont vertueux) et non d’une structure de pouvoir – que l’extrême droite ne prétend pas changer. Klein cite Jack Bratich, un spécialiste du conspirationnisme, pour lequel, quand on a en tête ces représentations du monde social, les fadaises libérales selon lesquelles des individus peuvent changer le monde en bien peuvent aussi bien se muer en histoires de méchants tout occupés à le changer pour le pire. Les fantaisies de complot sont le double demeuré, impuissant mais toxique de la pensée critique avec laquelle elles ont en commun quelques constats que l’auteur italien Wu Ming 1 appelle des « noyaux de vérité ». Les deux valorisent un rapport de méfiance et des capacités d’opposition au courant dominant mais chez les complotistes cette posture ne remet pas en cause les logiques sociales dominantes. Tout en soutenant le racisme d’État qui prévaut aux États-Unis, tout en dénonçant les manifestations Black Lives Matter, nombre de Blanc·hes dans le déni du Covid ont pu se comparer, comme le fit Naomi Wolf, aux militant·es pour les droits civiques des années 1960. Un retournement vertigineux.

    #Naomi_Klein #Naomi_Wolf #double #livre #recension #Aude_Vidal #fantasme_de_complot #extrême_droite

  • Surtourisme : derrière un mot
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Surtourisme-derriere-un-mot

    L’expression surtourisme suggère plutôt que pour résoudre le problème il faudrait seulement baisser le nombre des touristes. Oui mais lesquel·les ? Et comment ?

    La discrimination entre touristes est un réflexe classique. Puisque l’activité, dont la genèse est aristocratique, sert entre autres à distinguer les classes sociales entre elles (les voyages en Norvège et les séjours à Bray-Dunes sont bien marqués socialement), on s’est beaucoup occupé de fermer la porte au nez des autres, les mauvais·es touristes. La lutte contre le tourisme de masse est un objectif plutôt consensuel chez celles et ceux qui auront toujours les moyens de partir. Mais les croisières très exclusives en Antarctique n’ont pas besoin de transporter des milliers d’élu·es pour impacter gravement un écosystème fragile.

    Eeeet ça y est le livre est sorti :


    Dévorer le monde, Voyage, capitalisme et domination
    https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/d%C3%A9vorer-le-monde-9782228936538

    #tourisme #surtourisme #Aude_Vidal #essai

    • Et l’intro du livre :

      Dévorer le monde
      https://blog.ecologie-politique.eu/post/Devorer-le-monde

      Du point de vue de ceux qui le pratiquent, le tourisme est une image inversée du travail. Il vient compenser la peine accumulée de populations plutôt bénéficiaires, à l’échelle mondiale, de la guerre économique qu’engendre le capitalisme. En revanche, pour ceux qui n’en profitent pas, le tourisme peut être, de fait, le travail, voire un fléau qui, non content de les asservir, dégrade leur environnement et leurs conditions de vie. Sa dynamique profite – tout en les renforçant – d’inégalités croissantes et d’une répartition injuste des ressources, comme l’énergie, l’eau, le logement ou même les terres agricoles.

      Devant le tableau de ce que le tourisme fait au milieu naturel et social, faut-il ne s’inquiéter que du surtourisme et tenter de l’aménager ou bien critiquer de manière plus radicale les représentations sociales du voyage et sa place dans nos économies ? C’est la deuxième option que nous prendrons, dans l’espoir de dessiner ce que pourrait être une vie bonne, dans laquelle les rêves d’ailleurs nous accompagnent toujours sans plus nous obséder.

    • Bon bouquin basé sur l’auto-analyse des (fructueuses) contradictions de l’autrice par rapport à l’histoire de ses propres voyages, mais aussi face aux discours et "solutions" proposées contre le tourisme de masse, qui balancent entre greenwashing et mépris de classe.

      La critique est "radicale" dans le sens où elle remonte aux racines du problème. Mais (de manière surprenante si on regarde la couv, moins surprenante à qui lit régulièrement son blog), Aude Vidal ne conclut pas de manière extrêmement tranchée.

      Après avoir souligné les indubitables horreurs (sociales, écologiques, sexuelles…) que produit le tourisme, elle ne dit pas, par exemple, qu’il faudrait renoncer à voyager, ni ne promeut le tourisme “alternatif” comme une panacée. Au contraire, elle souligne à chaque fois qu’il s’agit de prendre le sujet comme une question collective — et non pas individuelle.

      Par exemple (ou plutôt contre-exemple) : la France mise tout sur son rang de "1ere destination touristique du monde", mais a détruit toutes ses anciennes colos de vacances (populaires) pour les remplacer par des résidences haut-de-gamme privées. (J’évoque le cas de la France mais le livre détaille surtout les enjeux et luttes en Indonésie.)

      Au passage j’ai été surpris des citations affreuses de Nicolas Bouvier sur l’usage du monde (que je n’ai jamais lu mais dont j’avais jusqu’ici entendu dire le plus grand bien).
      https://medium.com/scribe/la-litt%C3%A9rature-de-voyage-est-elle-genr%C3%A9e-72ae787c8c69

  • Producteurs et parasites
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Producteurs-et-parasites

    Le principal grief fait au Front national/Rassemblement national est son racisme, de l’anti-sémitisme plus du tout assumé à la haine déversée contre les musulman·es ou supposé·es tel·les, de la guerre d’Algérie où le fondateur du parti se distingua par sa capacité à déshumaniser et à torturer jusqu’à un discours d’aujourd’hui qui n’exprime plus sa haine que sous des formes acceptables, drapé dans la « laïcité républicaine » ou la défense des travailleurs et travailleuses. Beaucoup a donc été produit sur la vision nationaliste et ethnique de l’extrême droite française mais trop peu sur des questions qui furent longtemps centrales lors des élections, à savoir la répartition des richesses. C’est à cette ambition que répond le livre de Feher, philosophe et éditeur.

    […]

    Rétif à la démocratie et à l’idée même de demos, partageant les intérêts de classe des plus riches, le néolibéralisme a longtemps été très éloigné du producérisme. S’il peut partager avec lui sa condamnation des « improductifs », il défend en revanche les élites économiques et refuse même de discriminer investissement productif et pure spéculation. James Buchanan, néolibéral de l’École de Virginie, n’imagine pas qu’une telle idéologie puisse triompher sans s’appuyer sur une base populaire. Il met alors en avant une vision du peuple libéral, « amené à communier dans la célébration de son esprit d’entreprise mais aussi dans la réprobation de tous ceux qui réussissent à se dérober au jeu de la concurrence ». Il s’attaque aux rentes de toutes sortes – sans toujours toucher à la finance spéculative – et dénonce « un parasitisme toujours composé de prédateurs d’en bas et de prédateurs d’en haut » en choisissant des ennemis qui l’arrangent : chômeurs et bénéficiaires des aides sociales ; syndicalistes bénéficiant d’avantages indus ; fonction publique échappant aux règles de la concurrence ; élites culturelles portant des valeurs de justice sociale et qui défendent les trois catégories précédemment citées. Le capital peut dormir tranquille pendant qu’on laisse la haine grandir contre ce petit monde.

    #livre #Michel_Feher #recension #Aude_Vidal #extrême_droite #France #producérisme

    • Profitant de ce passage dans l’analyse de Aude Vidal, je vois une opportunité à revenir sur l’évolution du PCF depuis les années 60 jusqu’à nos jours.

      Gardien de la nation des producteurs contre deux menaces de prédation, le RN peut séduire un peuple de gauche qui a perdu sa boussole lutte des classes (2), à condition qu’il se complaise dans un certain racisme, tout en étant capable d’abandonner, sans coût électoral pour elle, ses quelques imprécations anti-capitalistes en faisant allégeance au Medef (ou en abandonnant en pleine campagne sa proposition de dispenser de TVA les produits de première nécessité).

      Et donc ma recherche me conduit à lire ces quelques textes :

      https://journals.openedition.org/lectures/15763

      Le parti communiste français (PCF) a longtemps mis en avant son ancrage – électoral et militant – au sein des classes populaires. Ambitionnant de se constituer en « parti de la classe ouvrière », l’organisation communiste a permis d’affirmer l’existence de groupes sociaux historiquement exclus des sphères de la représentation politique. Toutefois, l’organisation communiste ne peut être perçue dans une approche transhistorique. Ainsi, le PCF « ouvriériste » des années 1930 n’est pas similaire au parti déclinant des années 1990, il s’agit donc de comprendre comment s’est progressivement transformé le rapport de l’organisation à ses électeurs et à ses militant.

      https://fr.internationalism.org/brochures/pcf-lc68
      (Ou le délitement du PCF « pas à pas »).

      https://www.marxists.org/francais/4int/doc_uc/1976/01/proletariat.html
      (Où il est fait comme une sorte d’exégèse de la pensée de Marx à propos de la #dictature_du_prolétariat).

  • Une discrète arrivée au pouvoir - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Une-discrete-arrivee-au-pouvoir

    Le profil très à droite du Premier ministre choisi pour cela l’annonce, c’est bel et bien dans les rangs du RN que le gouvernement va trouver l’appoint pour sa majorité. Et ce ne sera pas une si franche rupture avec la période précédente qui vit des ministres macronistes reprendre au RN des éléments de langage et des lambeaux de son programme et le RN voter régulièrement avec le gouvernement.

    […]

    Mais avait-elle gagné les élections ? Arriver en tête de nombre de siège dans une Assemblée divisée en deux assure une victoire électorale. Quand l’Assemblée est divisée en trois, les choses sont moins simples car une alliance s’impose pour aller chercher une majorité. 180, ce n’est pas la moitié de 577. C’est celui qui arrive à créer une alliance qui emportera l’Assemblée. Ni le RN gagnant en nombre de votes ni le NFP gagnant en nombre de sièges mais celui qui est au milieu et choisit ses alliances.

    […]

    Mais je ne crois pas qu’on peut faire vivre un front républicain, celui qui refuse que le RN soit de près ou de loin dans le gouvernement, si on reste si confus dans nos constats et nos revendications. Dans la manif d’hier (samedi 7 septembre), les slogans étaient en ordre dispersé. Beaucoup de colère contre Macron, évidemment, mais rien de très clair n’en ressortait.

    Macron n’a pas fait de coup de force, la Ve République permet au président français de ne pas choisir un·e Premier·e ministre dans les rangs de la coalition arrivée en tête (3). Cette disposition n’était pas utilisée, maintenant elle l’est, il est grand temps de changer de Constitution. Mais avant cela, il faut éclaircir la situation.

    #politique #France #extrême_droite #élections #Aude_Vidal

  • Le Féminisme libertaire - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Le-Feminisme-libertaire

    Irène Pereira, autrice de travaux sur l’anarchisme et sur les pédagogies critiques, propose un livre bienvenu sur le féminisme libertaire. Si l’anarchisme et le féminisme sont des mouvements anciens, qu’on peut dater de la deuxième moitié du XIXe siècle, il n’en est pas de même de l’anarcha-féminisme ou féminisme libertaire, qui s’est constitué dans les années 1970.

    #Irène_Pereira #livre #anarchisme #féminisme #histoire #liberté #recension #Aude_Vidal

  • La Dictature, une antithèse de la démocratie ? - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/La-Dictature-une-antithese-de-la-democratie

    À lire ce petit livre sur les dictatures, il est difficile de comprendre pourquoi les régimes autoritaires ne sont pas mieux étudiés, vu la complexité de ce qui fait tenir un régime autoritaire, vu les jeux de pouvoir qui peuvent s’y déployer et que l’autrice fait toucher du doigt, et vu ce que ce tour d’horizon nous apprend des régimes plus libéraux sous lesquels vit 5 % de la population mondiale, et de comment ceux-ci peuvent glisser vers des régimes moins libéraux. L’ouvrage se clôt d’ailleurs sur la principale inspiration de la constitution russe mise en place par Vladimir Poutine, une certaine Ve République française très propice au pouvoir personnel. De quoi récuser l’usage que fait l’autrice du mot « démocratie » pour les régimes les plus libéraux, que la science politique appelle plutôt des « aristocraties électives » ou des « régimes mixtes ».

    #livre #recension #démocratie #dictature #politique #Eugénie_Mérieau #Aude_Vidal

  • La bourgeoisie de gauche molle - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/La-bourgeoisie-de-gauche-molle

    Dans les milieux écolos, féministes et de gauche que je fréquente on trouve un peu de tout : des précaires avec ou sans capital culturel (mais toujours un capital social, parfois acquis au hasard de rencontres, qui permet de ne pas subir les déterminations de sa classe), des petit·es bourgeois·es qui ont des intérêts objectifs à être de gauche et des personnes plus aisé·es qui en ont un peu moins (pour donner un seul exemple, dans une société décente les services de ménage dus aux gens qui peuvent se les payer ne seraient pas pris en charge à 50 % par la collectivité, voir quelques bouquins à ce sujet). J’ai déjà pas mal parlé dans Égologie des conflits de classe à peine cachés qu’on peut observer dans ces milieux plutôt engagés et du rôle qu’y jouent les classes les plus aisées. Je fréquente beaucoup moins, notamment parce qu’elle est moins engagée, la bourgeoisie de gauche molle, mais elle mérite que je lui fasse enfin un sort.

    #bourgeoisie #gauche #distinction #Aude_Vidal

  • La « morale » et la « classe ouvrière » : petite leçon d’humilité et de lucidité :

    Faire la morale, une bonne stratégie politique ? - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Faire-la-morale-une-bonne-strategie-politique

    Même si elle n’a jamais abordé le sujet avec moi, j’ai de bonnes raisons de croire que la gardienne de mon immeuble vote pour le Rassemblement national. L’un de ses thèmes de prédilection est le goût du travail bien fait qui se perd, « voyez-vous madame Vidal ». Je ne mets pas en cause son constat. Locataire dans le logement social, je n’ai jamais eu de propriétaire aussi indélicat. Et si, quand j’ai emménagé, j’ai pu être choquée par certains comportements peu civiques de mes voisin·es, j’en suis venue à les voir comme des révoltes minuscules et mal ciblées contre un monstre maltraitant mais invisible. Ce bailleur, l’un des plus gros du pays, a par exemple externalisé son service d’intervention technique et l’a confié à une entreprise encore plus détestable.

    Malgré tout ça, chaque fois que la gardienne peste contre ce travail d’entretien des logements mal fait, le mettant sur le compte d’un manque de vertu des personnes concernées, je tente de lui faire voir que le problème est plutôt structurel. Un prestataire qui serre les prix pour remporter un appel d’offres puis les serre encore pour faire le maximum de profit dessus ; un personnel recruté sur sa capacité à accepter les plus bas salaires et non sur ses compétences, qui a probablement une charge de travail trop élevée ; une absence de réaction de la part du bailleur qui n’a pas encore essuyé assez de poursuites judiciaires pour que ce moins-disant s’avère au fond peu rentable (1)… Dans ces conditions la vertu des personnes n’est pas déterminante – même si l’on peut saluer le zèle entièrement désintéressé d’Untelle ou Untel. Dans beaucoup de domaines, les institutions s’effondreraient sans le travail gratuit et l’intelligence pas reconnue de travailleurs et travailleuses plus dévoué·es que leurs ministres et leurs patrons à la cause commune.

  • Faire la morale, une bonne stratégie politique ? - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Faire-la-morale-une-bonne-strategie-politique

    Ce n’est pas que la gardienne l’ignore, elle qui a plusieurs fois déjà dénoncé l’entreprise prestataire auprès du bailleur… mais ces démarches ne donnant rien, il ne reste plus qu’à pester contre les personnes.

    Voilà un peu où nous en sommes, à reporter notre insatisfaction sur des cibles douteuses et à traduire en termes moraux (bien travailler) les causes du problème, ici la énième stratégie de recherche du profit aux dépens du bien-être des personnes.

    […]

    Ça ne se fait pas avec les meilleures intentions de gauche brandies avec courage et fierté, ça se fait avec des alliances nouées dans les cercles du centre et de la droite qui souhaitent avant tout faire barrage à l’extrême droite et sont capables de dépasser la stratégie toxique visant à dénoncer une gauche (dite modérée, de gouvernement) qui serait dangereuse pour la démocratie. Leur présence à nos côtés dans les manif, les tribunes, les discussions politiques et les actions de terrain est indispensable. Qu’allons-nous faire pour qu’elles y soient ?

    #moralisme #politique #Aude_Vidal

  • Sur quelques accusations de fascisme envers le mouvement anti-industriel
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Sur-quelques-accusations-de-fascisme-envers-le-mouvement-ant

    Réponse et commentaire de Aude sur la fameuse brochure « Le naufrage réactionnaire du mouvement anti-industriel » https://seenthis.net/messages/1029340

    Le « mouvement anti-industriel », loin d’être homogène et organisé, est une sorte de nébuleuse faite de personnalités et groupes très visibles, d’autres qui le sont moins, d’auteurs et d’autrices, de lectrices et de lecteurs, de militant·es qui ont des priorités politiques et des modes d’interventions divers, qui font alliance et se disputent, un peu comme dans tous les milieux.

    […]

    Certes la brochure en question repère quelques plumes qui par leurs lubies semblent bien appartenir à l’extrême droite : obsessions antisémites et démographiques notamment. Cette critique nous invite à une vigilance qui a parfois manqué dans les rangs anti-indus au moment de publier tel ou tel. Il serait donc regrettable de l’écarter d’un revers de main. Mais, dans le camp des accusateurs, traiter de fascistes un si large panel de personnes et de groupes, écofascistes proches du pouvoir et écologistes plus ou moins conservateurs, rend confus le concept même de fascisme, son autoritarisme, son besoin de boucs émissaires, son service du capital.

    […]

    Quand est-ce qu’on va s’interroger collectivement sur le fait que la gauche pousse vers la droite des personnes que dans son désir de pureté elle vomit, elle exclut, à qui elle n’offre plus d’autre espace politique ? Ce n’est pas une excuse car en cherchant un peu d’autres espaces existent, mais enfin la pitoyable trajectoire politique de Dora Moutot et Marguerite Stern, anciennement féministes, est aussi un bon coup de la droite qui les a draguées et une honte pour la gauche qui les a jetées à la poubelle. La propension à exclure n’est pas sans lien avec le rapport de pouvoir de plus en plus défavorable aux idées anti-capitalistes et anti-autoritaires.

    […]

    La sphère anti-indus produit ou relaie des analyses féministes intéressantes. Outre l’ouvrage déjà cité, il faut mentionner ici la traduction de La Subsistance. Une perspective écoféministe de Veronika Bennholdt-Thomsen et Maria Mies (première édition en 1997, La Lenteur, 2022) ou Terre et liberté d’Aurélien Berlan (La Lenteur, 2021) dans lequel l’auteur, sans afficher de parti pris féministe, va chercher de quoi penser chez des autrices, assez naturellement. Malgré cela, l’impression est tenace qu’il s’agit là trop souvent d’une manière de se justifier, de faire parler des femmes bien choisies, et que le féminisme n’est pas un engagement bien chevillé au corps dans ce milieu très masculin. C’est une réserve qu’on peut faire à d’autres milieux politiques sans les traiter pour autant de fascistes et par ailleurs il semble qu’une nouvelle génération anti-tech soit prête à articuler ces thèmes avec un féminisme sincère et vénère.

    […]

    Je connais les défauts, parfois les errements, de mes camarades, je peux les leur reprocher à l’occasion mais le principal problème que pose la brochure qui les attaque est le fait de réduire le débat d’idées à des accusations confuses, de trouver normal que l’expression des divergences cède la place à des guerres de tranchées.

    Le relatif isolement des groupes anti-industriels, que des attaques comme celles-ci ont vocation à accroître, tient aussi pour beaucoup au fait que la critique de la technique peine à passer la barrière de l’entendement dans de nombreux milieux radicaux qui font de la lutte contre les dominations leur étendard. Les usages proliférants des outils technologiques capitalistes, les « ça dépend ce qu’on en fait » y sont monnaie courante et la réflexion sur ce sujet est très limitée. Comme si les dominations interpersonnelles, plus évidentes et concrètes, accaparaient toute l’énergie des groupes, tandis que les dominations impersonnelles exercées par les macro-systèmes technologiques étaient plus imperceptibles. Les deux types sont également délétères et il est nécessaire de tenir les deux bouts. Je fais donc le doux rêve qu’il soit possible de débattre plus sereinement de tout ça qu’à base de brochures à l’emporte-pièce, en mettant en discussion les idées plutôt qu’en scrutant les personnes.

    #critique_techno #Aude_Vidal #débat #polémique #gauche #anti-industriel

  • Sous le parapluie trans
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Sous-le-parapluie-trans

    Un peu de complexité dans ce monde, entre doramoutisme et transactivisme anti-terf, qui n’était pas signalé ici.

    C’est dans ce cadre-là, trans-inclusif, que nous sommes régulièrement confrontées à l’intrusion de personnes qui ne sont pas concernées par la non-mixité que nous tentons de faire respecter. L’an dernier deux personnes se sont présentées à ma caisse, une femme et un homme plutôt jeunes. Je n’avais aucun moyen de savoir s’il était cis ou trans et cela ne me regardait pas puisque dans les deux cas il n’était pas le bienvenu (2). Je ne pouvais en revanche manquer de constater qu’il se présentait comme un homme, avec une fine moustache travaillée. Alors que je lui signifiais tout ça, sa copine me dit à plusieurs reprises : « Mais c’est une femme trans ! », ce que je fus incapable de seulement entendre, refusant tout simplement l’entrée à celui que j’identifiais comme un homme pour la raison que son expression de genre, sa manière de se présenter au monde, était délibérément masculine et qu’il ne pouvait pas dans ces conditions faire l’expérience sur laquelle le public du festival se retrouve. Dépité, il cracha dans ma direction pendant que son amie agressa une femme trans qui était dans la file derrière elle, remettant en cause à haute voix sa présence : « J’imagine qu’elle non plus n’a pas le droit d’entrer. » La femme en question ne passait pas pour cisgenre mais son expression de genre était féminine. Elle s’inquiéta de ne pas être la bienvenue alors qu’elle l’était.

    […]

    Dans les deux cas, des femmes ont pris la liberté d’inviter des personnes qui n’étaient pas concernées par la non-mixité du festival en prétextant fallacieusement que celles-ci étaient des femmes trans alors que ce n’était vraisemblablement pas le cas… et que les personnes qui faisaient l’objet de cette identification ne la reprenaient même pas. Comme si l’identité trans était un joker valable dans toutes les situations pour refuser des règles collectives. Comme si c’était une identité appropriable à volonté et qui offrait des tours de manège gratuits.

    […]

    La commission dans laquelle ces questions ont été discutées a fini par trancher, à la suite de débats auxquels j’ai participé, en faveur d’une acceptation inconditionnelle de l’auto-détermination de la personne au motif que c’est plus « généreux » (pour qui ?) et plus pratique. L’association de femmes trans qui nous a accompagnées nous avait pourtant donné des outils pour ne pas nous soumettre à la parole du premier venu. Le genre est lisible, comme on l’a vu, et il est légitime de faire confiance à sa première impression pour entrer en dialogue avec la personne et éventuellement lui signifier notre soupçon qu’elle est de mauvaise foi. Comme nous sommes plus royalistes que la reine et plus intègres et déterminées en tant qu’alliées que ces femmes trans (soupir d’exaspération), cette proposition a été refusée. Nous nous soumettons donc (en théorie, car en pratique ça coince un peu plus) à l’auto-détermination de n’importe qui comme femme trans, serait-ce de la part d’une personne qui se présente avec une expression de genre masculine et n’a jamais fait le moindre geste pour être perçue comme femme.

    #genre #trans #socialisation #femmes #non-mixité #fait_social #inclusivité

  • Écolos, mais pas trop… - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Ecolos-mais-pas-trop

    Jean-Baptiste Comby, Écolos, mais pas trop… Les Classes sociales face à l’enjeu environnemental, Raisons d’agir, 2024, 186 pages, 14 €

    Dans ce livre rapide et incisif, le sociologue Jean-Baptiste Comby analyse la manière dont les classes sociales, et au sein de celles-ci les pôles économique et culturel, interprètent diversement les problèmes écologiques actuels. Bourgeoisie, petite bourgeoisie et classes populaires font l’objet de trois grandes parties nourries par deux enquêtes, qualitative et quantitative, le tout étant illustré par des parcours biographiques et des extraits d’entretiens qui donnent à entendre le propos des enquêté·es.

    […]

    Lecture conseillée, donc, pour la précision des analyses en termes de classe et l’occasion pas si fréquente d’entendre les voix de personnes issues d’autres classes sur leur rapport à l’écologie. Vous pouvez aussi prendre connaissance du propos de Jean-Baptiste Comby dans une conférence gesticulée avec son camarade Anthony Pouliquen, une forme théâtralisée, à deux voix. Il y est question de yaourt bio compensé au Nutella (ou l’inverse) et de l’inspecteur Colombo. La captation vient elle aussi de sortir.

    https://www.youtube.com/watch?v=cpAY24KcGqw

    #recension #livre #Aude_Vidal #écologie #sociologie #classes_sociales #Jean-Baptiste_Comby #Anthony_Pouliquen #conférence_gesticulée

  • Burn-out : les uns profitent, les autres payent - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Burn-out-les-uns-profitent-les-autres-payent

    La déresponsabilisation des entreprises en matière de santé est au diapason de cette iniquité : ceux qui nous rendent malades ne paient pas et laissent l’ardoise à d’autres. Les assurances privées, la Sécurité sociale assurent petitement et au final ce sont les travailleuses et travailleurs qui paient. Touché·es dans leur corps, il leur faut encore subir la pauvreté. La responsabilité de ces patrons pathogènes serait difficile à établir, qu’il s’agisse de cancers sans rapport (aucun !) avec les substances cancérogènes auxquelles les personnes sont exposées sur le lieu de travail ou de maladies psychiques qui tiennent aussi (n’est-ce pas ?) à la personnalité des travailleuses et travailleurs subissant des surcharges de travail. À ce compte-là, nous rendre malades peut en effet être pour eux un calcul très rationnel et on comprend bien que les arrêts-maladie aient explosé de 30 % entre 2021 et 2022 : l’intensification, jusqu’à l’épuisement, du travail, c’est tout bénéfice pour leurs gueules. D’autres en assumeront les conséquences. La « difficulté » à faire le lien entre des conditions de travail dégueulasses et les maladies des personnes qui les subissent ne tient pourtant qu’aux arbitrages faits par la puissance publique au profit du capital et à nos dépens. Il nous appartient de les dénoncer et de les combattre.

    La prochaine fois que vous vous sentez à deux doigts de craquer, ne rentrez pas chez vous sur les bons conseils de votre n+1 qui craint plus que tout que vous ne vous effondriez sur son tapis à elle. Acceptez de reconnaître que vous êtes à bout et exigez que des pompiers viennent constater votre effondrement et vous emmener en lieu sûr. C’est un accident du travail comme un autre.

    • Aujourd’hui on la trouve encore très répandue auprès de travailleuses et travailleuses du soin, au sens large, qui ont des scrupules à ne faire que leurs heures ou à ne travailler qu’à 100 % de leurs ressources si cela signifie que des personnes vulnérables seront privées d’aide, qu’il s’agisse du public d’une association de solidarité ou des patient·es d’une institution de santé. L’étendue des missions et la médiocrité des financements font le grand écart et c’est les employé·es qui le comblent au milieu d’injonctions contradictoires (prends soin de toi mais ne laisse pas tomber les personnes qui dépendent de toi). Le management contemporain et la recherche de taux de profit élevés ont répandu cette pathologie jusque chez des employé·es dont le travail n’a pas plus de sens que ça et qui n’y sont pas particulièrement dévouées, par des injonctions qui ne sont plus intériorisées et morales mais externes et franchement crapuleuses.

      Au vu de l’hécatombe que provoque le #burn_out chez de nombreux enseignants, on peut raisonnablement penser que cette catégorie professionnelle fait partie des « travailleurs du soin ».

      Mais sinon, oui, c’est un très bon billet qui fait mal à tout le monde, du petit cheffaillon toxique aux institutions toutes catégories non moins toxiques ... Merci Aude !

  • Une captivité coupable ? | Aude Vidal
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Une-captivite-coupable

    Nous sommes bien des êtres sociaux et nos « choix » de consommation n’en sont pas, ils ne peuvent pas se substituer à nos délibérations collectives. Le fait que nous soyons soumi·es au règne des médias sociaux, des marchand·es de chaussures Versace ou de SUV est le signe des caractères faiblement démocratiques de nos sociétés, où le politique cède toujours à l’économie, sous l’influence des plus gros acteurs. Source : Écologie politique

  • Traverser la rue pour manger sainement - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Traverser-la-rue-pour-manger-sainement

    Travaillant dans le milieu associatif agricole, j’ai souvent entendu cet argument des choix de consommation aberrants des plus pauvres… par des personnes de classes sociales à peine plus élevées et qui démontraient leur grande ignorance du sujet ainsi qu’un certain manque d’empathie. Les associations comme ATD Quart-Monde, les Civam, associations d’agriculteurs et d’agricultrices, les AMAP ont interrogé les aspirations au bien manger des plus pauvres d’entre nous, avec l’aide de chercheuses comme Bénédicte Bonzi ou Magali Ramel (j’en profite pour citer aussi Denis Colombi). Le Réseau Civam vient justement de mettre en ligne un documentaire consacré à cette question, La Part des autres, que je recommande très, très chaudement. Contrairement aux trumperies du chef de l’État, il est difficile de se nourrir bien quand on est pauvre, pour tout un faisceau de raisons, et ces associations le constatent dans leur pratique quotidienne.

  • Traverser la rue pour manger sainement
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Traverser-la-rue-pour-manger-sainement

    Le premier des obstacles pour choisir une alimentation saine est le prix. En 2017, le quart des ménages les plus pauvres (1) consacre 18 % de son revenu à l’alimentation. C’est le second poste seulement, avec un point de plus que la part qu’y consacre la moyenne des ménages. Ce n’est peut-être pas assez pour certain·es en valeur absolue mais c’est déjà beaucoup en proportion, d’autant que d’autres dépenses sont, elles, incompressibles. Comme le logement, une dépense qui n’est pas choisie et qui est le premier poste du budget des 25 % les plus pauvres d’entre nous, qui exige jusqu’à 45 % de leur justement nommé « taux d’effort » (2). (J’ajoute qu’avec 6 € d’un abonnement Netflix mensuel, on peut s’acheter entre huit et dix pommes bio, soit environ un quartier de pomme par jour. Merci pour le conseil.)

    D’autres barrières sont les conditions matérielles d’accès à une nourriture saine : habiter suffisamment près d’un magasin bio ou d’une offre alimentaire variée, avoir une cuisine suffisamment grande pour traiter des légumes (3), posséder des feux et un four. Ce qui est tenu pour acquis dans certaines classes sociales ne l’est pas dans d’autres, je parle d’expérience, ayant été mal logée. De plus, les associations qui travaillent sur ces questions nous disent le manque de temps pour cuisiner qu’ont les travailleuses et travailleurs pauvres, les plaisirs plus immédiats du sucré et du gras quand on a par ailleurs des vies difficiles et stressantes, sans filet de sécurité, ou bien le fait que personne ne sait si vous avez sauté un repas alors que l’incapacité à effectuer certaines dépenses vous met en marge de la société, symboliquement et parfois même matériellement quand l’accès aux droits passe par une connexion Internet et que le moyen le plus simple et le moins cher de vous connecter est un smartphone.

    Malgré tout, l’aspiration à bien se nourrir existe, les produits bio (et locaux), les fruits et les légumes sont identifiés dans toutes les classes sociales comme une alimentation désirable, bonne pour la santé et pour le milieu naturel.

    #Aude_Vidal #alimentation #agriculture #santé #Macron