« Les malades fragiles continuent à subir la triple peine de la maladie, de la privation de vie relationnelle et de la menace d’un virus »

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  • « Les malades fragiles continuent à subir la triple peine de la maladie, de la privation de vie relationnelle et de la menace d’un virus »
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    Au nom d’un collectif de médecins hospitaliers néphrologues et d’autres spécialités, le professeur Nassim Kamar et le docteur Frank Martinez préconisent, dans une tribune au « Monde », le recours à une quatrième dose de vaccin ainsi que l’utilisation des anticorps monoclonaux en prévention de l’infection.

    Nous, médecins des hôpitaux, médecins transplanteurs, néphrologues, infectiologues, hépatologues et virologues, voulons témoigner avec les malades fragiles que nous soignons : il y a quelques jours, des patients transplantés et dialysés, des insuffisants rénaux, des patients immunodéprimés se sont adressés au président de la République pour l’alerter sur leur très grande vulnérabilité et lui demander de les protéger, alors que l’épidémie de Covid-19 se poursuit et que nous sommes à l’aube de la quatrième vague.
    Ils sont 100 000 patients, dialysés et greffés rénaux, auxquels viennent s’ajouter des dizaines de milliers de malades transplantés d’autres organes vitaux et des personnes immunodéprimées par d’autres maladies et leurs thérapeutiques ; 250 000 patients au total.

    Nous partageons les inquiétudes de nos patients et nous souscrivons à leur demande. Dans nos centres, jusqu’à 15 % des patients infectés par le virus SARS-CoV2 sont décédés du fait du Covid, en 2020 mais aussi en 2021. De nombreux malades gardent des séquelles importantes d’une longue hospitalisation, très souvent nécessaire, notamment en réanimation.

    Malgré les progrès dans la prévention et la prise en charge de cette infection, et malgré une campagne de vaccination d’envergure, le nombre de contaminations dans cette population reste important, comme le recours à l’hospitalisation en soins critiques et, malheureusement, le décès.

    Des histoires médicales douloureuses

    Du fait d’un système immunitaire affaibli pour accepter le greffon, la réponse vaccinale est diminuée. La dialyse peut aussi altérer les défenses des organismes, et les patients dialysés ont payé un lourd tribut à cette maladie. En recommandant une troisième dose chez les patients immunodéprimés, la France a été pionnière. Il a été montré que cette dose supplémentaire est sûre et efficace.

    Malheureusement, elle reste insuffisante pour certains d’entre eux. Ceux-là pourront voir leur immunité contre ce virus renforcée par une quatrième dose, à condition que l’accès à celle-ci devienne simple et rapide.

    Mais certains resteront non ou insuffisamment protégés. Des données américaines très récentes du centre John Hopkins (Baltimore, Maryland) montrent qu’un patient transplanté ayant reçu deux doses vaccinales a un risque de contracter le SARS-CoV-2 82 fois supérieur à celui de la population générale, tandis que celui d’être hospitalisé ou d’en mourir est multiplié par 485.
    Nos patients, que nous suivons parfois depuis des décennies, ont des histoires médicales longues, complexes et douloureuses. Pourtant, ils ont une famille, travaillent et aspirent légitimement à retrouver leur vie sociale.

    Epuisement

    Après presque un an et demi d’#auto-isolement parfois strict, ils continuent à subir la triple peine de la maladie, de la privation de vie relationnelle et de la menace d’un virus qui pour eux est hautement dangereux.

    A côté des mesures de protection, il nous faut sans délai disposer de toutes les armes possibles pour les protéger. Dans ce contexte, toute nouvelle thérapeutique doit être rapidement examinée et, si elle est utile, aller le plus vite possible de l’essai au patient. Beaucoup d’éléments laissent penser que l’utilisation des anticorps monoclonaux en prévention de l’infection pourrait avoir un intérêt majeur. Ces anticorps ont déjà montré leur efficacité en cas d’administration dans la phase précoce de la maladie.

    Alors qu’une quatrième vague s’abat sur notre pays et que le système hospitalier risque d’être mis à mal pendant cette période de congés bien mérités des soignants, les décisions pour l’utilisation de ces anticorps, pour prévenir les infections et les formes graves chez nos patients fragiles n’ayant pas répondu à un schéma vaccinal complet, ne doivent pas tarder : les patients s’épuisent, et les soignants aussi. Le variant Delta du virus qui se répand est, à juste titre, très redouté. Des données préliminaires venant de Bolton (Royaume-Uni) montrent qu’il touche plus durement encore les personnes fragiles.

    Nous soutenons la nécessité de rigueur dans l’évaluation des indications. Cependant, il ne faut pas que le prix de la longueur de la procédure d’évaluation, au plus mauvais moment de la crise sanitaire, entraîne une morbi-mortalité encore accrue des patients vulnérables. Agissons ensemble et vite pour protéger nos patients.

    Liste des signataires : Gilles Blancho, professeur des universités (PU), praticien hospitalier (PH), néphrologue et immunologiste, président de la Société francophone de transplantation ; Sophie Caillard, PU-PH, néphrologue ; Lionel Couzi, PU-PH, néphrologue ; Jérôme Dumortier, PU-PH, hépatologue ; Denis Glotz, PU-PH, néphrologue ; Marc Hazzan, PU-PH, néphrologue ; Alexandre Hertig, PU-PH, néphrologue ; Maryvonne Hourmant, PU-PH, néphrologue, présidente de la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation ; Jacques Izopet, PU-PH, virologue ; Nassim Kamar, PU-PH, néphrologue ; Christophe Legendre, PU-PH, néphrologue ; Moglie Le Quintrec, PU-PH, néphrologue ; Christophe Mariat, PU-PH, néphrologue ; Frank Martinez, PH, néphrologue ; Emmanuel Morelon, PU-PH, néphrologue ; Gilles Pialoux, PU-PH, infectiologue ; Lionel Rostaing, PU-PH, néphrologue ; Antoine Thierry, PU-PH, néphrologue

    #covid-19