Les Eglises de Lalibela au cœur de l’extension du conflit en Ethiopie

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  • Les Eglises de Lalibela au cœur de l’extension du conflit en Ethiopie
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    Des fidèles orthodoxes éthiopiens marchent entre les églises creusées dans le roc de Saint-Gabriel et Saint-Raphaël, à Lalibela dans la région du Tigré, le 7 mars 2019.
    EDUARDO SOTERAS / AFP

    En prenant cette petite ville symbolique, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, les rebelles des Forces de défense tigréennes ont réalisé une nouvelle percée hors de leur bastion.

    C’est le symbole qui manquait à une guerre pour qu’elle puisse dire son nom et montrer qu’elle a cessé d’être circonscrite géographiquement. En entrant dans la ville de Lalibela, jeudi 5 août, les rebelles du Tigré ont entraîné une série de conséquences, dont l’une est de faire la démonstration de l’étendue des affrontements qui sévit dans cette partie nord de l’Ethiopie.

    La ville, placée au Patrimoine mondial de l’Unesco, est célèbre pour ses onze églises taillées dans le roc vers le XIIIe siècle qui attiraient, avant l’éclatement du conflit au Tigré en novembre 2020, non seulement des pèlerins, mais des touristes du monde entier, fascinés autant par leur beauté singulière que par ce qu’elles disent de la profondeur de l’histoire éthiopienne. Le président Emmanuel Macron, qui avait fait de l’Ethiopie l’un des points d’ancrage du renouvellement de la politique africaine de la France, les avait visitées lors de son voyage dans le pays, en mars 2019, à une époque étrangement proche où le nouveau premier ministre réformiste, Abiy Ahmed, suscitait encore une vague d’euphorie et d’espoirs. Le président français avait alors loué ce pays et son « rôle fondamental dans la stabilité régionale ».

    Désormais, il n’est plus question de stabilité, ni de visite d’églises rupestres, mais de la perspective de voir le conflit parti de la région du Tigré, au Nord, continuer de s’étendre au point de menacer la nation de plus de cent millions d’habitants et, par extension, ses voisins de la Corne de l’Afrique. En prenant cette petite ville sans importance stratégique, les rebelles des Forces de défense tigréennes (TDF) ont réussi sur plusieurs plans. Bien sûr, ils ont attiré l’attention. Le monde entier dit « s’inquiéter » de leur présence à Lalibela, comme s’ils s’apprêtaient à guerroyer au milieu de ces merveilles du monde, hypothèse absurde. Après les saccages sans vergogne des alliés du gouvernement central au Tigré, notamment dans des lieux chargés d’histoire pluricentenaires, les TDF se donnent donc à peu de frais la stature d’un mouvement responsable.

    Au bord de la famine
    Au-delà de son poids symbolique, la ville se trouve surtout être dans un couloir d’extension des TDF hors de leur bastion, le Tigré, dans l’une des deux percées du mouvement politico-militaire en cours. La première, orientée vers le sud, est une progression à l’intérieur de l’Etat-région Amhara. La chute de Lalibela, une étape sur cette route, a constitué un électrochoc. Le pouvoir central s’est avisé que cette descente vers le sud, à quelque 700 kilomètres de la capitale, prenait à contre-pied la défense des forces du premier ministre, Abiy Ahmed, en région Amhara. La ville de Lalibela a été prise sans combat. Des forces loyalistes seraient en train de faire mouvement pour contrer la progression rebelle.