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  • Sexualité sur les réseaux sociaux : entre règles strictes et modération floue
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/08/08/sexualite-sur-les-reseaux-sociaux-entre-regles-strictes-et-moderation-floue_

    Des groupes de parole aux échanges de photos pornographiques, en passant par des images érotiques ou des vidéos dans lesquels les émojis « aubergine » ou « pêche » remplacent la représentation des organes sexuels, les réseaux sociaux regorgent de contenus ayant trait, de près ou de loin, à la sexualité. Un fossé avec le discours des plates-formes qui s’efforcent de proposer une image policée et familiale.
    Réseaux sociaux et sexualité, des liaisons dangereuses

    « La dimension sexuelle ou pornographique est assez consubstantielle de l’histoire des réseaux et d’Internet », confirme Olivier Ertzscheid, chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Nantes et spécialiste des choix stratégiques des grands acteurs du Web. Du minitel rose à l’avènement des sites pornographiques, il n’y a qu’un pas. « Il y a toujours eu des contenus ou des communautés qui se sont construits autour de l’identité sexuelle ou autour de la diffusion d’images sexuelles », ajoute le chercheur.

    Mais depuis plusieurs années, les médias sociaux exercent une modération stricte, comme l’explique Olivier Ertzscheid : « Les réseaux sociaux ont un positionnement très pudibond et prude, sans qu’on sache s’il renvoie à des formes de morale ou d’hygiénisme, ou si c’est simplement une stratégie commerciale pour afficher une image “family friendly” [conforme aux valeurs dites “familiales”] ».

    A la pruderie s’ajoute une prudence compréhensible : selon Sarah Frier, journaliste et autrice d’Instagram sans filtre. Les secrets de la start-up qui a révolutionné nos modes de vie (Dunod, 2020), Instagram et Facebook redoublent de précaution car le risque de représentations pédopornographiques existe, surtout quand l’âge des utilisateurs est difficile à déterminer : en 2018, Facebook a annoncé avoir supprimé plus de huit millions de contenus contraires à ses règles sur la nudité et l’exploitation sexuelle d’enfants.

    Les décisions restent, cependant, parfois difficilement lisibles, d’autant qu’elles ne sont pas toujours le fait d’une modération humaine. « Au départ, les photos de nu ou les peintures étaient très acceptées sur Instagram, se souvient Sarah Frier. Mais maintenant qu’il y a beaucoup de modération faite par intelligence artificielle, la nudité est plus simple à détecter et à bannir. »

    Derrière cette modération automatique, il y a des raisons logistiques : « Facebook et Instagram doivent gérer plus de trois milliards d’utilisateurs qui postent plusieurs fois par jour… Ils n’ont pas assez de ressources humaines pour les modérer », explique Sarah Frier.

    Des algorithmes critiqués par les utilisateurs. Déjà au début des années 2010, le tableau L’Origine du monde, de Gustave Courbet, représentant un sexe féminin, s’était vu censuré par Facebook, et le compte de l’utilisateur qui l’avait publié avait été supprimé. Depuis, de nombreuses autres œuvres d’art sont régulièrement censurées. « Ils arrivent avec leur propre environnement culturel, qui reflète, d’une part, la société et, d’autre part, leur propre rapport à la morale, analyse Olivier Ertzscheid. Derrière tout ça, il y a des choix algorithmes et une difficulté culturelle à appréhender certains sujets, quitte à les rejeter au nom d’intérêts économiques. »

    Car si ces plates-formes opèrent une stratégie de bon père de famille, c’est parce que la publicité est l’une des composantes majeures de leur modèle économique. Comme l’explique Olivier Ertzscheid, « cet effort constant pour s’acheter ce label family friendly, ça leur permet de vendre l’idée que c’est safe [sûr] pour les familles et leurs enfants »… et donc, pour les annonceurs qui s’intéressent à eux.

    #Médias_sociaux #Olivier_Ertzscheid #Sexualité