• Emmanuel Macron, président de la discorde - Page 1 | Mediapart
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    par Edwy Plenel

    Si la discipline obéissante, largement saluée il y a un an, de la population durant le premier confinement en 2020 ne semble plus maintenant qu’un lointain souvenir, c’est parce que le pouvoir n’a pas su saisir cette opportunité pour construire une politique sanitaire démocratique, fondée sur le dialogue et le partage avec les premiers concernés : les soignants, les malades, les personnes à risque, les populations plus fragiles, les secteurs plus exposés, les territoires particulièrement touchés, etc., bref avec la société.

    La présidence Macron a semé la discorde au lieu de créer la concorde, sans laquelle il n’est pas de mobilisation rassembleuse et solidaire face à un péril sanitaire.

    Si détestables ou irresponsables que puissent être certaines de leurs expressions, les colères contre une politique sanitaire jugée illégitime parce que ressentie comme autoritaire sont le prix à payer d’une gestion précisément autoritaire de la crise du Covid-19, concentrée autour de la personne présidentielle promue seul maître des décisions, sans débat ni transparence, sans humilité ni pédagogie, à l’abri d’un « Conseil de défense sanitaire » réuni en secret à l’Élysée.

    La tension entre contraintes collectives et libertés individuelles est au cœur de l’action publique contre les épidémies, traditionnellement coercitive au nom d’un impératif général de lutte contre l’infection qui légitime la restriction ou la suspension des droits individuels. Or cette vision classique a été radicalement remise en cause par la « révolution de la santé publique » associée au sida, dans la prise de conscience des risques d’exclusion et de stigmatisation provoqués par la gestion de l’épidémie, ainsi que des nouvelles attentes sociopolitiques de la population en matière de santé publique.

    La réponse « libérale » alors élaborée a marqué « une rupture par rapport aux modes antérieurs d’action face aux maladies infectieuses […] par l’attention inédite qui a été portée aux droits et à l’autonomie des personnes ». Le constat est de l’ancien ministre de la santé Claude Évin, qui fut ensuite directeur général de l’ARS d’Île-de-France et qui ne saurait être tenu pour un utopiste échevelé (lire son témoignage en 2012). Cette rupture politique, résume-t-il, s’est traduite par « le refus de recourir à des mesures de contrainte, comme l’obligation de dépistage ou même, jusqu’au début des années 2000, l’obligation de déclaration pour la séropositivité ; et, en miroir, le rôle prééminent accordé à la responsabilisation individuelle, à l’information et à la prévention ».

    Même en situation d’urgence, l’adhésion de la population est une condition importante du succès de la réponse.

    Rapport du Conseil scientifique

    C’est peu dire que, depuis un an et demi, l’incohérence a été au poste de commande. Un an après l’immense mensonge cachant la pénurie de masques, Emmanuel Macron a pris, seul, la décision de ne pas reconfiner en février 2021, à l’encontre de tous les avis scientifiques, épidémiologiques et médicaux (lire l’avis du Conseil scientifique du 29 janvier). La lucidité que lui ont alors prêtée ses thuriféraires eut un terrible coût humain, évalué à plus de 14 000 morts (lire notre article ici), tandis qu’elle n’empêcha pas un troisième confinement, hélas trop tardif.

    Mais, dans ce tableau peu enviable où l’irresponsabilité semble régner en maître, on peut aussi ajouter l’insuffisante priorisation des populations à risques pour la vaccination ainsi que le ciblage discriminant des quartiers populaires durant les confinements. Ou, encore, l’incohérence toute récente qu’il y a à ne plus imposer le port des masques dans les lieux soumis au passe sanitaire, ce qui revient à privilégier la surveillance plutôt que la prévention, autrement dit à lâcher la proie (les protections et gestes barrières) pour l’ombre (la coercition administrative et policière).

    #Pass_Sanitaire #Pandémie #Covid-19 #Emmanuel_Macron