Conditions de travail des médecins scolaires : « C’est la première fois depuis dix ans que l’on se mobilise »
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En France, 900 #médecins scolaires s’occupent des plus de 12 millions d’élèves, du premier et second degré.
A Strasbourg, les médecins scolaires dénoncent des conditions de travail dégradées faute de professionnels. « On s’occupe en moyenne de 17 000 élèves quand la recommandation est de 5 000, déplore Anne Freymann-Meyer. Moins il y a de professionnels, plus c’est épuisant. » Cette situation n’est pas propre au Bas-Rhin. « Le nombre moyen d’élèves à la charge de chaque médecin s’est nettement accru ces dernières années », peut-on lire dans un rapport de la Cour des comptes de 2020. Celui-ci pointe d’ailleurs une diminution de 18 % de leur nombre entre 2011 et 2018. Si on remonte plus loin, selon des chiffres des services de santé scolaire cités dans un article de recherche datant de 1989, la France comptait 1 200 médecins scolaires en 1986, un tiers de plus qu’aujourd’hui. Une situation qui risque de s’aggraver alors que de nombreuses professionnelles – ce sont majoritairement des femmes – sont bientôt en âge de partir à la retraite. Dans le Bas-Rhin, sept médecins sur les douze y « sont éligibles dans les deux ans à venir. C’est un service mourant », alerte Anne Freymann-Meyer.
Adaptation des examens pour les élèves en situation de #handicap, diagnostic des troubles de l’apprentissage ou du comportement, signalements à la protection de l’enfance… S’il ne soigne pas, le médecin scolaire a une place essentielle pour prévenir, diagnostiquer et adapter les apprentissages à la situation de l’#enfant et à sa #santé. Ce sont eux qui ont la charge d’accorder des tiers temps lors des examens aux élèves en situation de handicap.
Mais le manque de professionnels a un impact sur la qualité de la prise en charge des élèves. « On ne peut pas tout gérer en une année scolaire. En août 2024 par exemple, il nous restait 500 demandes de rendez-vous pour des troubles neuro-développementaux [comme les troubles dyslexiques, ndlr] », souligne Anne Freymann-Meyer. Autant d’élèves qui attendent potentiellement un diagnostic, un accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) ou des dispositifs d’adaptation à la scolarité.
Les professionnelles contactées témoignent d’un vrai « gouffre » entre ce qu’elles apprennent lors de leur formation et la réalité du terrain. « On en est réduit à passer beaucoup de temps au téléphone », souligne Anne Freymann-Meyer. Cette réalité dégrade d’autant plus l’attractivité du métier que les études sont longues. Après un diplôme de médecin généraliste (dix ans d’études), elles ont dû passer le concours de médecin de l’Education nationale à l’issue duquel elles sont formées comme médecins scolaires stagiaires. Elles intègrent alors l’Ecole des hautes études en santé publique à Rennes, pour un parcours de formation de huit à seize semaines. « Je suis censée les former comme s’ils allaient exercer leurs missions de manière satisfaisante », déplore, cynique, Emmanuelle Godeau, responsable de la filière. Contacté pour connaître ses pistes d’action, le ministère n’avait pas donné suite ce jeudi 16 janvier.
Cercle vicieux, ces conditions de travail dégradent l’attractivité du métier. En mars 2024, une proposition de loi a été adoptée au Sénat pour expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire », actuellement compétence du ministère de l’Education nationale, aux départements volontaires. On peut y lire « qu’en moyenne, 45 % des postes de médecins scolaires ne sont pas pourvus, ce qui témoigne d’importantes difficultés de recrutement. De plus, il existe de très fortes disparités entre les territoires : ainsi, dans l’académie de Créteil, 79 % des postes de médecins scolaires demeurent vacants ».
[...] Si la majorité des médecins scolaires travaillent sous l’égide de l’Education nationale, onze villes françaises possèdent leur propre service. Selon des professionnels interrogés, les conditions de travail y seraient moins difficiles. Dans le champ de la santé à l’#école, les médecins scolaires ne sont pas les seuls à demander de meilleures conditions de travail. Ce jeudi 16 janvier, les AESH sont appelés par une organisation intersyndicale à manifester pour demander notamment la revalorisation de leur statut.