Covid-19 : pourquoi l’immunité collective pourrait ne jamais être atteinte - Coronavirus

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    Il faudrait que 90 % de la population soit vaccinée ou ait déjà été touchée par le virus pour parler d’une immunité de groupe.
    FRANÇOIS DESTOC/LE TÉLÉGRAMME

    Avec le variant Delta, les scientifiques émettent des doutes sur la possibilité d’atteindre un jour l’immunité collective. Mais cela n’est pas une fin en soi.

    Peut-on encore compter sur l’immunité collective pour sortir de la crise de la covid-19 ? Non, selon de nombreuses voix scientifiques, qui parlent aujourd’hui d’un seuil « hors d’atteinte » et même « d’un mythe ». En France, Alain Fischer ne souhaite même pas se positionner dans le débat tant le « challenge » pour atteindre cette immunité est qualifié de « très ambitieux ».

    « La vision que l’on peut avoir de l’immunité de groupe aujourd’hui n’est malheureusement pas celle d’il y a 18 ou 6 mois », a reconnu le « monsieur vaccin » du gouvernement, dimanche, dans le JDD.

    Il y a encore quelque temps, cette immunité était présentée comme la clé pour stopper la circulation du virus : avec 60 % de la population immunisée - soit par la contamination, soit par la vaccination -, le virus ne parviendrait plus à se reproduire, faute d’un nombre suffisamment d’hôtes à infecter, le condamnant à disparaître.

    Le Delta contamine davantage les vaccinés
    Mais les variants sont apparus, rebattant toutes les cartes. Est-ce le petit dernier, le variant Delta, qui va mettre définitivement un terme à l’utopie d’une immunité collective ? Sa dangerosité pourrait le lui permettre : il est deux fois plus contagieux que la souche d’origine. Avec un taux de reproduction aussi élevé, il faudrait que 90 % de la population soit protégée. Illusoire, estiment les scientifiques. Le variant est également plus féroce : quatre fois plus d’anticorps sont nécessaires pour neutraliser le Delta qu’il n’en faut pour neutraliser l’Alpha (anglais).

    « Il réussit toujours à infecter les individus vaccinés », s’alarme Andrew Pollard, à la tête de l’Oxford Vaccine Group. Dans une proportion moindre qu’un non-vacciné, certes, mais toujours plus qu’avec les anciens variants. Ce qui conduit à un cercle sans fin : un vacciné contaminé peut en contaminé un autre et ainsi de suite. « Cela signifie que quiconque n’est toujours pas vacciné à un moment donné rencontrera le virus… Et nous n’avons rien qui arrêtera complètement cette transmission ».

    Face à la mutation devenue majoritaire, les vaccins montrent aussi leurs limites : ils ne sont plus aussi efficaces pour éviter l’infection. Selon une récente étude américaine, non relue par les pairs, l’efficacité du vaccin Pfizer pour éviter la contamination tombe à 42 % avec le variant Delta, alors que la sécurité s’élevait à 76 % face au variant Alpha (anglais).

    À l’inverse, le vaccin Moderna conserve une efficacité de 76 % (contre 86 % auparavant), grâce à sa solution plus concentrée. Mais en France, huit injections sur dix sont réalisées avec Pfizer, contre 1 sur 10 avec Moderna.


    Sources : Mayo Clinic et Nference, via medRxiv (Le Télégramme)

    Protection contre les formes graves
    Si atteindre l’immunité collective semble une chimère, « s’en approcher permettrait déjà de retrouver une vie normale », avance Alain Fisher. En ce sens, la vaccination reste un outil très efficace : à défaut d’atteindre le seuil de protection de groupe, les vaccins réduisent d’au moins 75 % les risques de formes graves, quelle que soit la marque de la solution. Cela permet d’éviter les décès, les hospitalisations et les séquelles lourdes.

    « De manière indirecte, elle permet d’éviter des déprogrammations de soins : on peut continuer à prendre en charge le plus grand nombre », explique, à Numérama, Éric Billy, chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg. « Ainsi, elle permet d’échapper à de nouveaux reconfinements avec les conséquences économiques et sociales que l’on connaît ». « La vaccination est aussi déterminante pour protéger les plus vulnérables (immunodéprimés…). Ce qu’oublient les défenseurs de la liberté… de contaminer autrui », ajoute Alain Fischer, dans Le Figaro.

    Éviter un futur variant pire encore
    Mais au regard des trous dans la raquette sur la contamination et la transmissibilité, « le seul levier de la vaccination ne sera pas suffisant pour faire régresser l’épidémie », reconnaît l’épidémiologiste Mircea Sofonea, dans les colonnes du Monde. D’autres couches de protection devront continuer à être appliquées. La fin du port du masque, celle de l’aération dans les lieux clos ou du contact tracing n’est donc pas pour tout de suite. Il faudra vivre avec, et avec le virus, comme pour la grippe.

    Et si l’immunité de groupe ne peut être atteinte, Alain Fisher rappelle que la stratégie française reste « de limiter la circulation du virus ». Car c’est bien connu : plus un virus se diffuse et réplique, plus il a des chances de muter. Ce qui laisse craindre aux scientifiques l’apparition d’un nouveau monstre, pire encore que le Delta, qui serait non seulement plus transmissible, mais qui arriverait à rendre caduque l’efficacité des vaccins sur les formes graves. Et notamment dans les populations déjà vaccinées.