Rentrée scolaire et protocole contre le Covid-19 : des précisions et des questions
Le ministre Jean-Michel Blanquer a précisé les règles dans le « Journal du dimanche ». Les syndicats dénoncent des mesures trop peu strictes, en particulier à l’école primaire.
Emmanuel Macron l’avait pressé de réexpliquer clairement les conditions sanitaires de la rentrée scolaire auprès des enseignants et des parents. Jean-Michel Blanquer n’a pas attendu sa conférence de rentrée, prévue jeudi 26 août, pour faire de la pédagogie. Accueil de tous les élèves, port du masque obligatoire en intérieur, limitation du brassage… le ministre de l’éducation a donné, dans les colonnes du Journal du dimanche (JDD) du 22 août, des précisions sur le protocole sanitaire en vigueur à la rentrée du 2 septembre.
Comme on pouvait s’y attendre, c’est le « niveau 2 » (sur quatre) du protocole diffusé fin juillet qui a été retenu pour la France métropolitaine : les élèves vont en classe tous les jours en effectifs complets, continuent à porter le masque à l’intérieur et à respecter les gestes barrières et le non-brassage entre les niveaux scolaires. En intérieur, les enseignants d’EPS sont invités à éviter les sports « de contact », a précisé le ministre.
Si des ajustements seront possibles en fonction des situations locales, ce niveau d’alerte est « celui qui nous permet d’avoir la rentrée la plus normale possible, avec les élèves en classe, tout en préservant la santé de chacun », a insisté Jean-Michel Blanquer. Le ministre le martèle : « Il n’y aura pas de passe sanitaire à l’école. »
Sur la gestion des cas positifs et des cas contacts, à l’école primaire, le protocole reste le même qu’en 2020 : un cas de Covid-19 entraîne la fermeture de la classe. En juillet, le ministre avait créé la surprise en annonçant sur France Info que les élèves non-vaccinés des collèges et lycées seraient « évincés » si un élève était testé positif dans leur classe, laissant penser que tous les élèves non-vaccinés seraient renvoyés chez eux. « Il n’a jamais été question de renvoyer tout le monde, seulement les contacts à risque », assure aujourd’hui son entourage. Par opposition au terme « évincés », qui avait choqué, Jean-Michel Blanquer a indiqué que « le mot le plus adapté était “protégés”. Un élève non vacciné est dans une situation plus risquée qu’un élève qui a reçu au moins une injection ».
Attestation des parents
Autre précision importante : contrairement à ce qui a circulé cet été, les élèves de 6e sont bien soumis au même protocole que les autres collégiens lorsqu’un cas se déclare dans leur classe. Mais, à la différence de leurs camarades de plus de 12 ans autorisés à se faire vacciner, ils ne peuvent donc faire jouer leur certificat de vaccination pour revenir plus vite de l’isolement réglementaire de sept jours.
Sur la question sensible du statut vaccinal des élèves, Jean-Michel Blanquer a donné une précision de taille : les enfants considérés comme cas contacts pourront revenir en classe avant les sept jours sur la foi d’une attestation des parents. Ceux-ci « seront libres de dire si leur enfant est vacciné ou non, mais cela relève de la responsabilité individuelle », tranche le ministre. Les autorités sanitaires pourront, le cas échéant, vérifier que les familles des enfants cas contacts disent vrai.
Le choix du principe déclaratif pose cependant des questions, car il s’appuie sur la bonne volonté des parents – qui seront parfois sans solutions pour faire garder leurs enfants. « Les familles pourront être tentées de renvoyer leur enfant en classe par tous les moyens, s’inquiète Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du syndicat SGEN-CFDT. Surtout s’il n’y a aucune prise en charge au niveau des salariés contraints de garder leurs enfants chez eux. »
D’autres précisions étaient très attendues, à dix jours de la rentrée : les enfants non-vaccinés pourront bien participer aux sorties scolaires, sauf lorsqu’ils seront mélangés avec d’autres publics dans des lieux où le passe sanitaire est en vigueur, comme les musées ou les cinémas. Le cas échéant, les élèves non-vaccinés devront faire un test – qui sera bientôt payant, même si le ministre assure qu’il donnera sous peu des précisions pour garantir « le principe de gratuité ».
« Talon d’Achille »
Le choix du « niveau 2 » était questionné, dimanche soir, par les acteurs de l’école, qui redoutent une « dégradation rapide » de la situation après la rentrée.
« Ce protocole n’est pas à la hauteur du risque, juge Guislaine David. Très vite, les classes vont recommencer à fermer, car la circulation virale à l’école primaire sera importante. » La syndicaliste, secrétaire générale du SNUipp, est signataire d’une tribune collective de médecins et de professionnels de l’éducation, parue dans Le Monde le 19 août ▻https://seenthis.net/messages/926512 . Ce texte alerte sur la faiblesse des protocoles envisagés par l’éducation nationale face à un variant Delta « circulant intensément parmi les enfants et les adolescents » – eux qui resteront le dernier réservoir de non-vaccinés, puisque les enfants de moins de 12 ans n’y ont pas accès.
Selon des projections de l’Institut Pasteur, les enfants et les adolescents pourraient représenter la moitié des contaminations au mois de septembre. Interrogé sur cette tribune, Jean-Michel Blanquer réfute l’idée que l’école serait le « talon d’Achille » de la gestion de crise. « Il est faux de dire que le milieu scolaire serait plus propice qu’un autre à la diffusion du virus », assure-t-il au JDD.
D’autres points restent en suspens. Si le « maintien des mesures renforcées d’aération » est prévu dans le protocole sanitaire, ces outils sont aujourd’hui simplement « recommandés ». Médecins et enseignants ont donné l’alerte à ce sujet dans la tribune du 19 août : « La recommandation d’équiper les établissements de détecteurs de CO2 ne peut suffire : cela doit être la règle. » Jean-Michel Blanquer assure vouloir les « généraliser », y compris en aidant les collectivités qui souhaitent s’équiper rapidement.
« L’Etat doit accompagner les communes »
Le sujet est source de tensions depuis plusieurs mois. « Les communes ne sont pas en capacité de financer ces appareillages pour l’ensemble de leurs classes, affirme Delphine Labails, maire socialiste de Périgueux et responsable des questions scolaires à l’Association des maires de France. L’Etat doit nous accompagner. Nous avons déjà fait cette demande en mars, sans succès. » Certaines municipalités n’attendent pas une éventuelle obligation. A Cannes (Alpes-Maritimes), le maire (Les Républicains) David Lisnard a, par exemple, annoncé début août vouloir équiper les 230 classes de sa commune en capteurs de CO2 et purificateurs d’air.
Reste enfin la question des tests, dont le ministre assure qu’ils seront de nouveau déployés à la rentrée, à hauteur de 600 000 par semaine. Ils sont peu pratiqués par les adolescents, invités à s’auto-tester au lycée – on rapportait des taux d’acceptation de 20 % au printemps. « Il faut être raisonnables sur les volumes, s’inquiète Bruno Bobkiewicz, secrétaire national du Snpden-UNSA et proviseur à Vincennes (Val-de-Marne). J’ai des tests de l’année dernière plein mes armoires. »
Les familles des enfants plus jeunes n’étaient, quant à elles, que 70 % à approuver les tests salivaires au printemps, et les directeurs d’école ont maintes fois rappelé les lenteurs de leur déploiement. Les tests arrivaient souvent plusieurs jours – voire jamais – après la détection de cas de Covid-19 dans une école. Selon le JDD, le conseil scientifique aurait alerté le gouvernement sur l’importance des tests à l’école – qui peuvent permettre, aussi, de n’isoler que les enfants infectés.