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  • Rapatriements d’Afghans : le Conseil d’État juge inutile la prise de mesures urgentes pour les réunifications familiales
    https://www.mediapart.fr/journal/france/260821/rapatriements-d-afghans-le-conseil-d-etat-juge-inutile-la-prise-de-mesures

    Les familles de réfugiés afghans bloquées à Kaboul doivent-elles accéder en priorité aux vols de rapatriements ? À la veille de la fin des opérations d’évacuations vers la France, le Conseil d’État a tranché. « Dans la situation actuelle, la prise de nouvelles mesures pour faciliter l’obtention d’un visa serait sans conséquence sur l’exercice du droit des requérants à la réunification familiale », notifie le juge des référés. Il s’est déclaré « pas compétent » et a donc rejeté, ce jeudi 26 août, les requêtes en référé-liberté de quatre ressortissants afghans, dont un réfugié et trois bénéficiaires de la protection subsidiaire en France.

    Au regard de la situation dramatique à Kaboul, Zaherudin B., Sharif M., Fahim Nahim A. et Dellawer J. avaient saisi la plus haute juridiction administrative du pays le 20 août dernier. Une démarche appuyée par plusieurs associations dont la Cimade, le Groupe d’information et de soutien des immigrés et la Ligue des droits de l’homme. Leur objectif ? Sauver les membres de leurs familles restés en Afghanistan. Par la voix de leurs avocats, les quatre requérants enjoignaient au Conseil d’État et au gouvernement français de « prendre toutes les mesures nécessaires » pour que leurs familles soient accueillies en France au titre du droit à la réunification familiale.

    Ce processus, prévu par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, permet aux réfugiés, et aux personnes bénéficiant de la protection subsidiaire en France, d’être rejoints par leurs familles. Pour cela, ils doivent déposer des demandes pour leurs conjointes et conjoints ainsi que leurs enfants. Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est mineur et non marié, les ascendants directs peuvent également en bénéficier.
    3 500 dossiers en souffrance, dont 1 500 déposés en 2019

    Mais, en raison, notamment, de la pandémie et de la délocalisation de l’examen des situations en Iran et en Inde, la procédure est aujourd’hui complexe et a pris beaucoup de retard. À l’heure actuelle, quelque 3 500 familles afghanes sont dans l’attente d’un visa dans le cadre de la réunification familiale, dont 1 500 ont fait la demande avant 2019.

    « La tragédie que vivent aujourd’hui les familles de réfugiés bloquées à Kaboul, n’est pas causée par une défaillance des autorités françaises dans les dernières 72 heures. Mais par le fait qu’on n’ait pas mis tous les moyens pour traiter leurs demandes en temps utile depuis plusieurs mois, voire plusieurs années », regrette Me Cédric Uzan-Sarano, avocat au Conseil d’État en charge du dossier avec Me Jessica Lescs et Me Flor Tercero, représentantes des requérants. Pour lui, « c’est l’accumulation de ces dysfonctionnements et de ces retards qui ont fait qu’aujourd’hui les familles sont prises au piège. »

    Lors de l’audience, qui s’est tenue le mardi 24 août, les avocats de la défense suggéraient un traitement accéléré de la vérification des demandes de réunification familiale à l’aéroport de Kaboul, « car aujourd’hui, cela est très complexe et prend du temps, et du temps, on n’en a plus ! », plaidait Me Cédric Uzan-Sarano. Un laissez-passer pour que les demandes des familles soient examinées après leur arrivée en France ou encore un élargissement des représentations diplomatiques susceptibles d’étudier les dossier étaient aussi évoquées.
    « Elles ne sont pas ultra-prioritaires »

    En face, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ne s’est pas présenté à l’audience. Celui de l’intérieur, de son côté, a produit un mémoire en défense et s’est exprimé à travers les propos de sa représentante, Pascale Léglise. Celle-ci considérait que le problème était ailleurs : « La délivrance des visas n’est pas le sujet aujourd’hui, ce n’est pas ça qui bloque la réunification familiale. Ce qui bloque, c’est qu’on a un nombre contraint de places dans les avions. Délivrerait-on des visas à toutes ces personnes qu’elles ne quitteraient pas plus le territoire afghan. À l’aéroport de Kaboul, ces personnes ne sont pas les seules à avoir droit au rapatriement. Elles ne sont pas ultra-prioritaires. »

    « Si vous nous enjoignez de rapatrier ces personnes, ça veut dire que, manu militari, envers et contre tout, il faut aller les extirper de l’endroit où elles sont, les ramener à l’aéroport et les mettre d’office dans l’avion, alors qu’une kyrielle d’autres personnes sont tout autant menacées, et que l’accès à l’aéroport est très difficile », ajoutait, confortablement installée dans la salle d’audience du Conseil d’État, la directrice des libertés publiques et des affaires juridiques de l’intérieur.

    Dans cette même salle, et en ce même mardi 24 août, une autre requête déposée par les quatre réfugiés afghans a été examinée. Cette fois-ci, c’est un référé-suspension, « pour une prise en charge plus efficace et plus rapide des demandes de réunification familiale », précise le président de la séance, Bertrand Dacosta.

    Les requérants demandent notamment l’élargissement du dépôt de dossiers à plus d’ambassades et le renforcement des effectifs pour mieux traiter les dossiers, afin de permettre dès que possible, aux familles de réfugiés de quitter l’Afghanistan. « Compte tenu de la situation qu’on a laissée se créer pour ces personnes et compte tenu de l’urgence qu’il y aura à leur donner la possibilité de quitter l’Afghanistan dès que ce sera possible, si aujourd’hui on nous dit que c’est prématuré comme démarche, ça ce n’est pas acceptable », estime Me Cédric Uzan-Sarano.

    L’instruction de ce référé-suspension sera clôturée lundi 30 août suite à un délai accordé au ministère des affaires étrangères pour fournir les données manquantes. La décision sera rendue en début de semaine.